PME, comment réussir à La Bourse Régionale Des Valeurs Mobilières (BRVM)?

0
2133
Le cas UNIWAX

Le 09 septembre 2016, UNIWAX, leader ouest africain du pagne wax procède à une augmentation de capital afin d’accroitre sa production de plus de 60%. Dans le but de répondre à une demande sans cesse croissante du marché local et externe. Selon le directeur financier de la structure, il devenait urgent d’investir pour accroitre la capacité de production de la compagnie compte tenue d’un outil industriel vieillissant.
Avec une croissance moyenne de 15% du chiffre d’affaires sur la période 2013 à 2015 et une forte demande du marché, tout indiquait de bonnes perspectives pour le titre. Mais force est de constater que l’action UNIWAX a fait pire que le marché depuis 2016 avec une baisse de 36.69%[1] depuis son augmentation de capital.
Par ailleurs, après l’opération d’augmentation de capital aucune communication n’a été faite sur le processus d’investissement/industrialisation de la compagnie. Les investisseurs potentiels et ceux ayant participé à l’augmentation de capital ne disposaient donc d’aucune information sur l’outil de production de la compagnie. La seule communication en leur possession concernait la publication des résultats.
Par la suite, lors de la publication de son résultat du 1er premier semestre 2017, UNIWAX annonce une baisse de son chiffre d’affaires de 3.6%. La cause principale, selon le document, des incidents techniques depuis 2 ans du fait d’une utilisation à 100%.
Alors les questions que se pose tout investisseur se résument à ces points :

  • A quoi a donc servi l’opération d’augmentation de capitale à laquelle nous avons souscrit ?
  • Pourquoi depuis bientôt 2 ans la compagnie n’enregistre que de mauvais résultats malgré un plan d’investissent sensé corriger les faiblesses de l’outil de production de la compagnie ?

Des interrogations tout à fait légitimes.
Si une meilleure communication avait été fait, le titre n’aurait pas connu une aussi forte correction du marché compte tenue des bonnes perspectives offertes par l’industrie du textile.
Ceci nous permet d’introduire notre sujet sur la communication financière.

La communication financière, qu’est-ce c’est ?

 
Zhora garbi dans comprendre la communication financière (Centre de Publication Universitaire, Paris, 2004, p.20.) , définît la stratégie de communication financière, comme : « l’ensemble des actions de communication mises en œuvre par une entreprise à l’intention des milieux financiers (investisseurs institutionnels et particuliers, intermédiaires en bourse, analystes financiers, journaliste) en vue d’avoir une bonne image financière, indispensable, pour relever les capitaux nécessaires à son développement ».
La communication financière est une composante obligatoire et imposée par le régulateur, le CREPMF, à toute société cotée dans notre marché. Obligatoire par la publication des comptes et résultat des sociétés et volontaire par les communiqués, présentations aux analystes et les road shows…
Cela dans le but de donner une meilleure visibilité de la société et de ces projets futurs afin permettre à tout investisseur de prendre une meilleure décision.
Dans une société où l’information de façon générale est asymétrique , la capacité à fournir au marché une bonne lisibilité via une information précise et crédible est un élément essentiel pour la valorisation du titre (baisse du coût du capital) et la flexibilité financière de l’entreprise. C’est pourquoi les grandes sociétés ailleurs se sont dotées de services de communication financière.
Dans l’espace Uemoa et de par mon expérience professionnelle, je sais que SONATEL a un département chargé de relations avec les investisseurs.
Notre approche dans cet article, consiste à faire comprendre aux PME qui désirent être cotées   l’importance de la communication financière pour accroitre leur crédibilité sur le marché. Ainsi que pour donner confiance à tous investisseurs désireux de détenir leurs actions et surtout de baisser leur cout du capital.
Mais avant toute chose, les compagnies doivent d’abord saisir le sens, l’importance d’être coté à la bourse. Tant que ce premier aspect n’est pas compris, ils donneront très peu d’importance à l’entretien de la relation avec le reste du marché.
Pourquoi une PME doit être coté à la BRVM ?
L’on peut classer les motivations d’une introduction en Bourse selon plusieurs critères. Chaque projet d’introduction est un cas particulier, mais les motivations se retrouvent généralement, avec des pondérations spécifiques pour chaque dossier.
Nous évoquerons rapidement 3 points, dans la mesure où elles déterminent des comportements différents vis-à-vis des marchés financiers.
1) Rechercher des capitaux pour financer une expansion
Il est clair que les PME dans notre région recherchent de nouveau financement pour accroître leur business. S’introduire en bourse permet donc de lever de nouveaux capitaux et de diversifier les sources de financement de l’entreprise.
L’on note effectivement une faiblesse du tissu de financements privés de type capital-risque dans la zone. Une situation qui a suscité la création d’un marché spécifique, pour les PME, destiné à accueillir les valeurs de croissance. Dont le développement requiert des capitaux que ces sociétés ne trouvent pas auprès des circuits de financement classiques.
Ainsi ces PME peuvent trouver de nouveaux partenaires qui sont soit des investisseurs institutionnels, soit des particuliers. Ces nouveaux actionnaires vont s’associer au développement de l’entreprise en apportant les capitaux nécessaires pour financer sa croissance et ses investissements.
En outre, l’introduction à la bourse permet l’assainissement du bilan comptable de l’entreprise. La situation financière de l’entreprise peut s’améliorer grâce aux capitaux propres renforcés et à la part de crédit diminuée.
2) Valoriser un projet d’entreprise
L’introduction à la bourse permet à la société d’inviter ses employés dans l’actionnariat de l’entreprise. Fini les oppositions entre les dirigeants et les salariés, chacun est concerné et peut tirer profit de la tenue du cours de l’action de la société en Bourse.  Ainsi, tous se sentent concernés par la croissance et les résultats de l’entreprise.
3) La notoriété et la crédibilité à améliorer
Une des raisons qui emmène les dirigeants d’entreprise à la Bourse est d’accroitre la notoriété de l’entreprise et de lui permettre d’avoir une certaine crédibilité auprès de ces partenaires.
Cet objectif s’accroit de plus en plus après l’introduction. Les relations de l’entreprise avec ses partenaires changent. Fournisseurs, banquiers, clients, personnel, candidats au recrutement changent leur comportement face à la société.
L’introduction en Bourse joue un rôle de catalyseur, d’une certaine réussite, de potentiel de croissance et donc de possibilité de carrière plus large et, enfin, de pérennité de la société.
Par la suite, la bonne tenue de l’action de la société, les articles qui lui sont consacrés par la presse spécialisée démultiplient cette publicité gratuite en faveur de la société.
Que gagne les entreprises cotées à améliorer leur communication financière
La communication permet de mieux valoriser le cours de l’action et donc de financer la croissance externe à moindre coût tout en satisfaisant l’actionnaire.
En d’autre terme, elle facilite la levée des capitaux sur le marché et permet de consolider l’image de l’entreprise. Elle contribue également à crédibiliser la compagnie.
Communiquer permet d’influencer en quelque sorte la psychologie des investisseurs qui en tant de crise, seront plus indulgents vis-à-vis d’une entreprise qui communique bien. Et la sanction sera moindre. Le bon exemple est SONATEL , dont le cours baisse difficilement même en période de crise.
Aujourd’hui le monde est un village planétaire, où un planteur de café cacao à Gagnoa (Ouest Côte d’Ivoire) peut financer une entreprise à New York via la bourse ou les obligations. De même un investisseur à Londres sans connaitre le Mali peut y financer une PME.
Du coup, savoir communiquer permet d’attirer des investisseurs internationaux.
Une société Nigérienne cotée à la BRVM doit désormais affronter une série de filtres de décision de la part des investisseurs à qui la valeur est proposée.
Le positionnement géographique de son chiffre d’affaires est-elle attrayante ? Son secteur d’activité offre-t-il des perspectives de croissance supérieures aux autres secteurs économiques ?
Au sein même de ce secteur, cette Pme présente-t-elle des avantages concurrentiels qui justifient de la préférer aux autres valeurs cotées ?

A qui s’adresse la communication financière

 
Elle s’adresse à tous les acteurs du marché financier. Notamment :
-Les actionnaires ayant besoin d’évaluer la rentabilité de leurs placements financiers.
– Les investisseurs et les gestionnaires de fonds cherchant une meilleure diversification de leurs portefeuilles.
– Les analystes financiers chargés de l’évaluation de la situation de l’entreprise.
– Les banquiers désirant étudier les risques de leurs financements potentiels ou actuels.
-Les agences de notation pour évaluer les capacités des entreprises.
– la presse spécialisée
– les décideurs économiques et le grand public
 Perspective de la communication financière des PME : rôle de l’analyste financier dans la communication financière
L’analyste financier a pour fonction première de maintenir l’efficience sur les marchés en émettant des recommandations sur la base des informations récoltées, et en utilisant des outils techniques (moyenne, variance, fondamentaux…).
L’analyste financier est également la personne reconnue sur les marchés comme ayant cette capacité à pouvoir émettre ce type d’analyses sur les titres.  D’où son rôle primordial sur les marchés.
D’après Eric Bayle et Marc Schwartz (2005), la théorie financière moderne définit trois fonctions que les analystes ont sur les marchés financiers :
a) Concourir au bon fonctionnement des marchés de capitaux. Par ses recommandations, l’analyste doit veiller à ce que les titres convergent vers leur valeur d’équilibre. Il doit donc étudier des techniques d’analyse rigoureuse.
b) Aider les investisseurs à choisir des actifs qui leur conviennent.
Les investisseurs n’ont pas tous le même profil, certains sont très averses au risque et d’autres beaucoup moins. Un des rôles des analystes est de mieux comprendre les risques liés à un titre (ou à un portefeuille de titres).
c) Les analystes contribuent à la bonne gouvernance des entreprises.
Ils sont chargés de contrôler les dirigeants de la firme, mettre en place des analyses du management, émettre des avis sur les perspectives de développement futurs…
Tout cela contribue à réduire les coûts d’agence et l’asymétrie d’information.
Nous comprenons par cette définition, que le rôle primaire de l’analyste financier est de pallier au dysfonctionnement sur les marchés financiers (asymétrie d’information notamment) en émettant des recommandations concernant l’évolution des titres sur le marché.
 

Une représentation du travail de l’analyste financier . Credit photo Sikadvisory

Dans notre sous-région, nous avons 45 sociétés cotées avec 28 Sociétés de gestion et d’intermédiation (Brokers). Sur ces 28 sociétés, il n y a pas plus de 5 Brokers qui peuvent offrir une couverture d’analyse et de recommandation sur les sociétés cotées.
Les analystes de ces SGI/Brokers ne peuvent pas couvrir plus de 15 sociétés par années à cause du nombre réduit d’analyste dans ces SGI. En moyenne 1 analyste dans le département sauf Hudson&Cie qui compte 3 ou 4 analystes….
De ce fait, il restera au moins 30 sociétés cotées sans couverture d’analyste. Barclays africa dans son dernier rapport avait relevé la mauvaise couverture d’information financière dans notre région et exhorté la BRVM à améliorer cela.

Comment encadrer la recherche des PME

 
Dans un document publié par l’Université de Catholique de Louvain, « Le nombre d’analystes qui émettent des recommandations sur les marchés financiers peut-il être un facteur qui influence l’efficience de ces marchés ? ».
Il en ressort la conclusion suivante. « Nous pouvons constater que le nombre d’analystes financiers qui couvrent une firme a un rôle important sur les marchés financiers, particulièrement pour les entreprises à petites capitalisations. Les enjeux pour le marché dans sa globalité et pour les entreprises prises individuellement sont différents. En effet, pour le marché, le but est que celui-ci soit efficient, c’est-à-dire que les titres s’échangent aux prix qui reflètent la valeur des firmes présentes.
Si nous ne basons sur la littérature analysée, nous pouvons affirmer que dans chaque marché, pour chaque firme, il existe un nombre idéal d’analystes qui doivent couvrir un titre. En effet, le marché ne peut pas être efficient lorsque le taux de couverture est trop important ou au contraire, lorsque le taux de couverture de marché est trop faible. Cela va induire une surévaluation dans le 1er cas et une sous-évaluation dans le second.
Etant donné que les analystes préfèrent les plus grandes entreprises, qui sont suivies par beaucoup de pairs sur les plus grands marchés, nous pouvons émettre l’hypothèse que certains titres seront toujours surévalués et donc les marchés ne seront jamais efficients au sens fort.
Pour ce qui est des firmes à petites capitalisations, l’effet inverse va se produire. Les firmes ont tout intérêt à ce que le nombre d’analystes qui couvrent leur titre soient en constante augmentation. C’est une bonne information sur le marché qui est manifestée par l’augmentation du prix de l’action. La surévaluation n’en est que positif pour les firmes « qui la subissent ».
Cette ambition d’avoir un taux de couverture important peut avoir des répercussions sur les comportements que peuvent adopter les managers des entreprises. Les différentes études empiriques nous ont montré que certaines entreprises sont prêtes à falsifier leurs comptes afin d’avoir une bonne image auprès des analystes et des investisseurs. »
Au vu de ce qui précède, les questions suivantes s’imposent. Quelle structure va encadrer la recherche des PME ? Quelle stratégie mettre en place pour avoir leur couverture fait par des analystes ?
Il serait judicieux que la BRVM permette la création de structure de recherche privée appelé SELL-SIDE ANALYST sur le marché régional. Pas forcément lié aux SGI , afin de combler ce manque de communication financière sur le marché et donner de meilleures chances au PME.
Dans notre prochain article, nous donnerons des exemples de mauvaises et bonnes communication financières pour encourager les nouvelles PME à se donner de bonnes habitudes en venant sur le marché.
Préparé par
Daniel Aggre , analyste financier, specialiste Brvm,
et Diallo Ahmed (equity analyste à sikadvisory)


[1] Période calcul :  Du 09 septembre 2016 au 27 février 2018


Biographie
Daniel K. AGGRE est financier de formation, titulaire d’une maîtrise en Économie pure, obtenue à l’Université de Cocody (Côte d’Ivoire) et d’un Master en Banque et Finance à London Metropolitan University en Grande Bretagne.
Il a exercé 10 ans en tant qu’analyste financier spécialité marché des actions et Commercial de produits financiers dans la Société d’information Financière, Bloomberg.
Daniel AGGRE a une très bonne connaissance des marchés financiers Africains. En tant que responsable sub-saharan ex south africa, il a développé des produits financiers pour cette région. Daniel a travaillé à la city de Londres, à Genève et sur la place financière de Dubaï.
Il organise régulièrement des séances de formations aux techniques de la bourse à Abidjan.
M. AGGRE est le Managing Director et founder du cabinet SIKAdvisory.
Apporteur d’affaire agrément AA/2018-01

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici