Avant de prendre les rênes d’Oragroup, en juillet 2016, Binta Touré Ndoye a occupé pendant un an le poste de DG adjointe. Entamant ainsi un travail de renforcement des fondamentaux et d’harmonisation des procédures, qui se révélera payant. Fin 2016, le produit net bancaire du groupe passe pour la première fois, la barre symbolique des 100 milliards de F CFA (environ 152 millions d’euros). Au moment où il se murmure une possible sortie d’ECP du capital d’Oragroup dont il détient 59,94 % des parts, l’ancienne dirigeante d’Ecobank répond aux questions de nos confrères de Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Vous vous définissez comme un groupe panafricain. Qu’est ce que cela signifie-t-il pour vous ?
Binta Touré Ndoye : Nous sommes pleinement une banque panafricaine, agile et à taille humaine. Le panafricanisme n’est pas seulement une affaire de territorialité. Il se définit aussi par la contribution et l’appui qu’on apporte aux secteurs névralgiques de l’Afrique. Nous intervenons notamment auprès des PME et PMI, mais aussi dans la mésofinance. Ce sont là aujourd’hui des segments prépondérants des modèles de développement africains.
Vous dites que le modèle panafricain n’est pas une question d’empreinte géographique. Cela veut-il dire que vous ne prévoyez pas d’expansion géographique ?
Notre stratégie prévoit clairement une croissance externe [le groupe est aujourd’hui présent dans douze pays]. Mais nous voulons d’abord consolider et créer des synergies au sein du groupe pour tirer le maximum de nos entités existantes. Cela n’était pas forcément le cas dans le passé. Lorsque votre expansion se fait grâce à des acquisitions successives, vous vous retrouvez avec des poches d’inefficacité le temps que les différentes entités adoptent la même culture.
Donc vous ne prévoyez pas d’expansion géographique dans l’immédiat ?
Nous sommes présents au Gabon et au Tchad, et nous n’excluons pas de nous implanter dans d’autres pays de la Cemac. Nous sommes bien évidemment intéressés par le Congo et le Cameroun. Mais toute expansion ne se fera que dans une deuxième phase, après que nous aurons exploité tout le potentiel du périmètre existant.
Justement, où en êtes-vous dans l’absorption du réseau BRS ? N’avez-vous pas encore des difficultés dans certains pays ?
L’acquisition de BRS [Banque Regionale de Solidarité en 2013, Ndlr] est une belle réussite. Au Togo et au Bénin, où nous étions déjà bien implantés, nous avons procédé avec succès à une fusion entre les réseaux de BRS et nos filiales locales.
Sur les nouveaux marchés, la Côte d’Ivoire [qui possède elle-même cinq succursales : au Sénégal, au Burkina Faso, en Guinée-Bissau, au Niger et au Mali] fonctionne bien, même si nous avons encore quelques défis à relever au Mali. La filiale ivoirienne présentait un résultat positif de 1,2 milliard de F CFA en 2016. L’objectif est de doubler ce chiffre à la fin de 2017.
L’accélération de la digitalisation de nos offres fait partie de notre stratégie pour pénétrer le segment des particuliers
Vous vous définissez comme une banque des PME. Mais la bataille à mener n’est-elle pas la conquête d’une clientèle plus large ?
L’accélération de la digitalisation de nos offres fait partie de notre stratégie justement pour pénétrer le segment des particuliers. Nous nouons pour cela des partenariats avec les opérateurs de télécoms. Ces derniers peuvent nous permettre d’atteindre certaines zones qui par définition sont inaccessibles compte tenu du niveau d’investissement à réaliser. En Afrique centrale, nous avons un partenariat avec Airtel et en Afrique de l’Ouest avec Orange. Au Mali, nous entamons une collaboration avec Sotelma [filiale de Maroc Telecom].
Quels produits offrez-vous à travers ce type de partenariat ?
Dans un premier temps, des transferts d’argent. Puis nous irons plus loin en concevant des produits tels que les microcrédits à destination des clients non bancarisés.
Je ne considère pas les télécoms comme des concurrents
Les opérateurs de télécoms ont-ils vraiment besoin de vous pour faire cela ?
Je ne considère pas les télécoms comme des concurrents. Il faut voir aujourd’hui la taille de nos marchés. Si vous avez la possibilité, en regroupant banques, microfinance et opérateurs, de satisfaire à la fois les catégories à très bas revenus, les classes moyennes et les entreprises, cela ne peut être que salutaire pour le développement de l’Afrique.
Que peut faire aujourd’hui une banque que ne pourrait pas faire un opérateur de télécoms ?
La banque est une activité très régulée : identification des individus, de leurs revenus… Il sera difficile aux télécoms de posséder les plateformes leur permettant de le faire seuls. De même, le financement des grandes entreprises repose sur des opérations complexes pour lesquelles la compréhension des métiers et des secteurs de nos clients est très importante.