Mali : Le syndicat des banques menace de bloquer les transactions de l’État

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Au Mali, le Syndicat national des assurances, des banques et des établissements financiers (Synabef) a lancé un vaste mouvement de protestation, le 10 mars 2025, qui pourrait s’avérer très pénalisant pour l’État malien. Il vise à protester contre le placement sous mandat de dépôt de deux banquiers dans le cadre d’une enquête de la justice malienne sur de possibles malversations. 

Rattaché à la puissante centrale Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), le Synabef appelle non seulement à des rassemblements devant les banques jusqu’au mercredi 12 mars, mais a aussi décidé de suspendre « jusqu’à nouvel ordre » les transferts de garantie de l’entreprise publique d’électricité Energie du Mali (EDM) et de toutes les « structures publiques et parapubliques » du pays.

A l’origine de cette mobilisation figure le placement sous mandat de dépôt de deux banquiers, la semaine dernière, dans le cadre d’une enquête de la justice malienne sur de possibles malversations. En cause, selon plusieurs sources syndicales et judiciaires : un contrat liant, depuis 2021, la société publique malienne d’électricité EDM à l’entreprise indienne Mecamidi HPP spécialisée dans la fabrication de turbines, dans le cadre d’un projet de centrale thermique pour la ville de Djenné.

Le pôle judiciaire spécialisé dans les crimes économiques et financiers soupçonne qu’ait eu lieu, à cette occasion, des malversations et des détournements de fonds publics. Six personnes, dont deux cadres maliens d’Ecobank ont ainsi été arrêtées le 27 février, puis placées sous mandat de dépôt le 7 mars. En effet les banquiers sont accusés d’avoir transmis des messages Swift (le format international utilisé pour les communications financières et interbancaires) de garanties bancaires destinées à EDM.

Ces « garanties » sont, en fait, une sorte de caution transmise par la partie indienne. Et c’est cet acte qui vaut aujourd’hui aux deux cadres d’Ecobank d’être poursuivis pour « complicité de faux et usage de faux » et « complicité d’atteinte aux deniers publics », ce qui suscite l’indignation du Synabef qui assure que les deux hommes n’ont fait que leur métier, conformément à la règlementation bancaire et aux procédures d’Ecobank, et qu’ils ne sont, en rien, mêlés à d’éventuelles malversations. Sans se prononcer sur l’ensemble du dossier, le syndicat exige donc la libération des deux banquiers maliens.

Depuis le lundi 10 mars et jusqu’au mercredi 12 mars, les salariés de toutes les banques du Mali sont appelés à sortir de leurs bureaux et à se rassembler devant leur établissement, entre 08h et 10h. Des photos transmises par le syndicat montrent des sit-in apparemment bien suivis dans plusieurs établissements. « Il n’y a pas que les employés qui participent. Les directeurs des banques sont solidaires également », assure une source syndicale.

Le Synabef a décrété l’arrêt « jusqu’à nouvel ordre » des transferts de garantie de l’EDM et des autres structures publiques et parapubliques, ce qui pourrait s’avérer très pénalisant pour les autorités en place. « Le but est de bloquer toutes les transactions de l’Etat – transferts et opérations bancaires – non seulement pour l’EDM mais pour tous les démembrements administratifs, industriels et commerciaux de l’État [EPA et EPIC] », explique un cadre du Synabef qui précise que cette action annoncée n’est pas encore effective : « On va aller crescendo, en fonction des pourparlers en cours ».

Cette affaire marque le début d’un nouveau bras de fer entre les autorités maliennes de transition et le Synabef, membre de la puissante centrale syndicale UNTM. En juin dernier, après plusieurs jours de grève, le Synabef avait en effet déjà fait plier les militaires au pouvoir et obtenu la libération de son secrétaire général.

Sollicités par RFI, ni le ministère malien de l’Économie, ni Ecobank, ni Mecamidi HPP n’ont souhaité commenter à ce stade.

Source : RFI