Dangote fait à nouveau chuter les prix de l’essence au Nigéria : stratégie de conquête ou risque de monopole ?

0
126

La raffinerie du groupe Dangote vient de marquer un nouveau tournant dans le paysage énergétique nigérian. Pour la deuxième fois en une semaine, le prix du litre de Premium Motor Spirit (PMS) – communément appelé essence – a été revu à la baisse. Selon une annonce officielle du 16 avril 2025, le litre passe désormais à 835 nairas, contre 865 précédemment. Une décision applaudie par les consommateurs, mais qui soulève aussi des interrogations sur les nouveaux équilibres du marché national.

Une stratégie assumée de domination du marché

Cette réduction s’inscrit dans une dynamique amorcée depuis le début de l’année, alors que la gigantesque raffinerie, entrée en phase commerciale il y a quelques mois, intensifie ses livraisons à travers le pays. À Lagos comme dans d’autres métropoles, les distributeurs partenaires affichent désormais des prix allant de 890 à 900 nairas à la pompe, contre plus de 920 il y a encore quelques jours. Bien que les baisses ne soient pas toujours parfaitement uniformes, la tendance est nationale.

Au-delà d’un simple ajustement tarifaire, cette politique s’inscrit dans une stratégie plus large : rendre l’essence plus abordable pour les consommateurs tout en consolidant la position hégémonique du groupe sur l’ensemble de la chaîne de distribution. En clair, Dangote ne se contente pas de produire : il veut contrôler.

Le Nigeria tente de rompre avec sa dépendance

Longtemps dépendant des importations de carburant, principalement depuis l’Europe ou le Golfe, le Nigeria voit en la raffinerie Dangote l’opportunité de renforcer son autonomie énergétique. Avec une capacité de 650 000 barils par jour – la plus grande en Afrique –, le complexe industriel situé à Lekki ambitionne non seulement de couvrir la demande locale, mais aussi de fournir le marché ouest-africain.

Depuis février, des baisses ont également été enregistrées sur le diesel et le gaz de pétrole liquéfié (GPL), contribuant à ralentir la flambée des prix de l’énergie. Pour un pays confronté à une inflation persistante et à une dépréciation de sa monnaie, cette tendance offre un bol d’air.

Un impact tangible pour les ménages et les entreprises

Cette baisse des prix ne relève pas seulement du symbolique : elle a un effet direct sur l’économie réelle. En allégeant la facture énergétique des ménages, elle redonne un peu de pouvoir d’achat dans un contexte de pression sociale accrue. Pour les entreprises, notamment celles actives dans les transports et la logistique – piliers de l’économie informelle –, la réduction des coûts d’exploitation est loin d’être négligeable.

Le moment choisi n’est pas anodin. En pleine période pascale, marquée par une hausse des déplacements interurbains, cette décision représente un soulagement immédiat pour de nombreux foyers.

Une bonne nouvelle… qui appelle à la vigilance

Mais cette baisse, aussi salutaire soit-elle, soulève des inquiétudes à moyen terme. En s’imposant comme fournisseur quasi exclusif du marché nigérian, le groupe Dangote redessine profondément la structure concurrentielle du secteur. Certains analystes redoutent qu’en l’absence de contre-pouvoirs solides, cette domination ne débouche à terme sur une situation de monopole, avec tous les risques que cela comporte : fixation unilatérale des prix, dépendance systémique, pressions sur les marges des distributeurs.

La suspension temporaire, en mars dernier, de la vente d’essence en nairas – remplacée un temps par des transactions en dollars – a d’ailleurs illustré la fragilité de l’équilibre actuel entre offre locale et dynamique monétaire. Ce précédent reste dans les esprits comme un avertissement.

La chaîne de distribution, maillon décisif

Pour que cette baisse bénéficie pleinement aux consommateurs finaux, encore faut-il que les intermédiaires jouent le jeu. Le groupe Dangote a appelé ses partenaires – stations-service, commerçants, grossistes – à ne pas absorber la marge dégagée et à répercuter fidèlement la baisse. Faute de quoi, les effets pourraient rester invisibles pour les Nigérians les plus vulnérables.

Une transformation aux effets régionaux potentiels

Au-delà de son impact immédiat, cette nouvelle phase marque une mutation plus profonde : la raffinerie Dangote n’est plus seulement le symbole des ambitions industrielles du Nigeria. Elle s’impose désormais comme un levier stratégique au service d’une autonomie énergétique régionale.

Si la régulation suit, et si des garde-fous sont mis en place pour encadrer la concentration du marché, cette dynamique pourrait faire émerger un modèle exportable vers d’autres économies africaines. À condition, bien sûr, que cette révolution énergétique ne se transforme pas en nouvelle dépendance, simplement déplacée du secteur public vers un géant privé.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici