« Le rôle des banques de développement n’est pas d’imposer des orientations, mais de soutenir les pays dans l’atteinte de leurs objectifs » Papa Amadou SARR (Partie 2)

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De nombreuses voix s’élèvent pour une augmentation du volume de financement au développement. Compte tenu de la conjoncture actuelle, pensez-vous qu’une telle doléance est réaliste ?

Oui, elle est réaliste et juste. L’aide publique au développement (APD) a augmenté de plus de 40% depuis l’adoption des ODD en 2015. Elle a donc presque doublé en 7 ans. Les volumes financiers consacrés à l’APD ont atteint des montants historiques en 2022, d’après les chiffres préliminaires de l’OCDE. La France a consacré plus de 15 milliards d’euros à l’APD en 2022 (soit 0,56% du RNB français) dont 4,2 milliards via à l’AFD. Cet effort est pourtant loin de couvrir les besoins tant ils sont colossaux.

La réponse réside forcément dans la mobilisation plus large de financement internationaux au service des ODD. Aux côtés de nombreux partenaires, le groupe AFD s’inscrit dans cette dynamique vers une recomposition des financements internationaux au service du développement durable. Aujourd’hui, l’APD doit être rediscutée pour aller au-delà d’un monde en deux blocs. En effet, la reconfiguration du financement du développement se concentrerait sur deux piliers : une action publique internationale axée sur les crises et les vulnérabilités, et le financement des biens publics mondiaux en utilisant le levier des ressources publiques et la mobilisation des acteurs privés.

Il est question d’orienter les ressources financières vers un développement bas carbone et résilient au changement climatique. Comment y parvenir, tout en contribuant à résoudre la crise du coût de la vie et la crise de la dette des pays en développement ?

Les besoins financiers pour mettre en œuvre les ODD sont conséquents. Près de 3,9 mille milliards de dollars seraient nécessaires, chaque année ! C’est énorme, mais le message à retenir est que les ressources pour financer l’éducation, la santé, la lutte contre la pauvreté ou contre le changement climatique existent. Cela implique notamment de s’assurer que la finance ou que les subventions publiques n’ont pas un effet contre-productif, qu’elles ne nuisent pas aux ODD. Il faut aussi harmoniser les taxonomies et méthodologies pour que la finance publique et privée s’alignent sur les ODD, et développent des outils innovants pour répondre aux besoins de développement tout en luttant contre les crises de la dette auxquelles sont confrontées de nombreux pays. S’il est correctement mandaté et incité, un tel système peut également mobiliser les financements privés et toutes leurs parties prenantes pour contribuer à réorienter le système financier vers les ODD.

Par l’analyse et la notation, il qualifie la contribution de chaque projet au développement durable. Le dispositif permet ainsi d’optimiser les impacts positifs des projets et d’écarter ceux qui pourraient avoir un impact négatif sur une ou plusieurs dimensions du développement durable. Enfin, là encore, les BPD sont en première ligne. Les membres du FiCS se réunissent au sein d’une dizaine de coalitions thématiques couvrant les enjeux relatifs au climat à l’investissement social, aux systèmes agricoles durables, au genre ou encore aux défis urbains. Ces coalitions permettent aux membres de partager bonnes pratiques, expertises et expériences, et ainsi à terme de renforcer leur impact sur le terrain.

Face aux nombreux défis, les ressources des banques de développement semblent limitées, les contraignant à restreindre leur champ d’intervention. Comment leur permettre de prêter davantage sans menacer leur intégrité financière à long terme ?

Les banques publiques de développement sont effectivement de plus en plus actives face aux crises. On estime que leurs financements ont cru de +25% entre 2019 et 2021, avec l’effet COVID. Le Club International Development Finance Club (IDFC – qui rassemble 26 des plus grosses banques nationales et régionales), à lui seul, a récemment annoncé qu’il a originé près de 288 Md$ de finance climat en 2022, soit une hausse de +29% par rapport à l’année précédente et une hausse de +52% pour la seule finance adaptation. La finance climat représente en moyenne 20 % du total des engagements pris par les membres de l’IDFC. Si toutes les banques publiques de développement s’engageaient sur un ratio similaire, elles pourraient déployer plus de 500 milliards de dollars de financement climatique par an et en mobiliser bien davantage par l’intermédiaire du secteur privé.

Quelques mots sur l’AFD, comment se positionne-t-elle ? Quelle est aujourd’hui la spécificité de son approche et ses domaines d’intervention prioritaire, notamment en Afrique ?

Le groupe Agence française de développement (AFD) œuvre dans 115 pays et territoires d’Outre-mer pour favoriser des transitions vers un monde plus juste et durable, notamment par le biais de ses stratégies 100% Accord de Paris et 100% Lien social. Notre objectif est de concilier développement économique et préservation des biens communs grâce à de multiples domaines d’interventions : le climat, la biodiversité, la paix, l’égalité femmes-hommes, l’éducation ou encore la santé.

Nous privilégions des solutions collaboratives, co-créées avec les porteurs de projets et les populations, visant à partager des compétences et des expériences. En plus de notre rôle de financement, nous sommes engagés dans la production de connaissances, la formation, l’évaluation et la sensibilisation. Le groupe AFD agit également comme une plateforme rassemblant divers acteurs, notamment entreprises, collectivités, ONG et autres bailleurs, pour apporter des ressources, de l’expertise et des capacités d’action aux pays en développement.

Au cœur de nos priorités : le continent africain, qui concentre près de la moitié (45%) du volume des projets signés en 2022. La coopération s’articule dans des domaines diverses et variées tels que l’énergie, l’agriculture, l’éducation et la santé etc. et depuis le discobus de Ouagadougou de 2017, les priorités de l’agenda transformationnel du Président de la République française à savoir : la jeunesse, l’entreprenariat,  mais aussi à travers le sport et culture – des mandats forts portés par l’AFD.  Nous avons par exemple signé un partenariat avec la NBA, ou encore financé la réhabilitation du site royal d’Abomey au Bénin. Ces projets contribuent à créer du lien durable entre la France et l’Afrique, entre l’Europe et l’Afrique, mais aussi entre nos artistes, entreprises, étudiants et scientifiques.

Avec Business Africa