Matières premières : vers une baisse durable des prix mondiaux ?

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Matières premières : vers une baisse durable des prix mondiaux ?
Matières premières : vers une baisse durable des prix mondiaux ?

Les prix des matières premières entament un repli qui pourrait marquer un tournant durable. Selon la Banque mondiale, les cours globaux devraient chuter de 12% d’ici fin 2025, puis de 5% supplémentaires en 2026, atteignant ainsi leur plus bas niveau depuis six ans. Si cette tendance annonce un apaisement des tensions inflationnistes, elle soulève aussi de sérieuses inquiétudes pour les économies exportatrices, notamment dans les pays en développement.

Un cycle haussier qui touche à sa fin

Portés par la reprise post-pandémie et les perturbations liées à la guerre en Ukraine, les prix des matières premières avaient connu un envol spectaculaire entre 2020 et 2022. Cette flambée a offert un répit budgétaire aux pays producteurs, en particulier africains, en dopant leurs recettes d’exportation. Mais cet épisode semble désormais révolu. La Banque mondiale prévoit un recul net de l’ensemble des prix, corrigés de l’inflation, en dessous des moyennes observées entre 2015 et 2019. En clair, le super-cycle touche à sa fin, emportant avec lui les bénéfices de rente engrangés ces dernières années.

Une inflation qui reflue, mais à quel prix ?

À court terme, cette baisse constitue une bonne nouvelle pour les pays importateurs, en particulier ceux qui dépendent fortement de l’énergie. Après avoir atteint des sommets en 2022, les prix du pétrole et du charbon devraient respectivement reculer de 17% et 20% en 2025. Le baril de Brent, aujourd’hui autour de 81 dollars, pourrait glisser jusqu’à 60 dollars d’ici 2026. Ce reflux atténue les pressions inflationnistes, contribuant à stabiliser les prix à la consommation dans de nombreuses économies.

Mais ce soulagement reste relatif. Car dans l’autre camp, celui des producteurs, l’impact est beaucoup plus brutal. Deux tiers des pays à faible revenu dépendent étroitement des exportations de matières premières pour financer leurs budgets et alimenter leurs réserves de change. La baisse des cours équivaut pour eux à une ponction directe sur leurs marges de manœuvre. Pire : la volatilité actuelle, que la Banque mondiale juge plus élevée qu’à aucun moment depuis les années 1970, complique la planification économique.

Des mutations structurelles à l’œuvre

Au-delà des facteurs conjoncturels, la tendance baissière s’inscrit aussi dans un changement plus profond. La demande mondiale de pétrole ralentit structurellement, sous l’effet conjugué de la transition énergétique, du développement des véhicules électriques et de la stagnation de la croissance dans les grandes économies émergentes. En Chine, par exemple, près d’une voiture neuve sur deux vendue en 2024 est désormais électrique ou hybride. Or ce pays reste, de loin, le premier moteur de la demande mondiale en matières premières.

L’offre, elle, ne faiblit pas au même rythme. Les investissements dans de nouveaux projets miniers et énergétiques, amorcés durant le boom des prix, continuent d’alimenter les marchés. Ce déséquilibre structurel accentue la pression à la baisse sur les cours.

Paradoxes et angles morts

Les denrées alimentaires ne sont pas épargnées. Après plusieurs années de hausse, les prix agricoles mondiaux devraient reculer de 7 % en 2025. Mais ce reflux ne se traduit pas nécessairement par une amélioration de la sécurité alimentaire. Selon le Programme alimentaire mondial, 170 millions de personnes restent menacées par la faim, en particulier dans les zones de conflits. Car même à prix mondiaux modérés, les problèmes d’accès, de logistique et de pouvoir d’achat local persistent.

Autre paradoxe : alors que la plupart des matières premières reculent, l’or, valeur refuge par excellence, poursuit sa progression. Dopé par l’instabilité géopolitique et la demande des banques centrales, son prix pourrait atteindre un nouveau record en 2025. À l’inverse, les métaux industriels — cuivre, aluminium, nickel — subissent le contrecoup du ralentissement chinois, de la baisse de la demande manufacturière et des tensions commerciales persistantes entre grandes puissances.

Quels choix pour les pays en développement ?

Dans ce contexte complexe, la Banque mondiale invite les économies vulnérables à s’adapter rapidement. Trois axes sont mis en avant : assainir les finances publiques, stimuler les échanges commerciaux et renforcer l’attractivité pour les capitaux privés. Des recommandations classiques, mais qui se heurtent à une réalité de terrain difficile. Avec une dette publique en hausse, des taux d’intérêt élevés et des besoins sociaux croissants, la mise en œuvre de réformes structurelles devient plus ardue.

À cela s’ajoute un autre défi : la brièveté des cycles. Entre 2020 et 2024, les alternances haussières et baissières des prix ont été deux fois plus rapides qu’au cours des décennies précédentes. Cette instabilité chronique rend la prévision budgétaire incertaine et affaiblit la portée des politiques économiques.

Vers une ère de volatilité permanente ?

Loin d’un simple ajustement ponctuel, le repli actuel des matières premières pourrait bien signaler l’entrée dans une nouvelle ère, marquée par une instabilité durable. Entre chocs climatiques, tensions géopolitiques, transition énergétique et bouleversements économiques, les marchés semblent condamnés à des fluctuations plus fréquentes et plus brutales.

Pour les pays du Sud, la leçon est claire : le modèle de développement fondé sur l’exportation de matières premières brutes montre ses limites. La diversification des économies, le développement de chaînes de valeur locales et l’investissement dans les infrastructures restent les clés pour amortir les chocs à venir.

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