En mai 2025, le secteur bancaire ghanéen traverse une période critique. Selon un rapport de Fitch Solutions publié le 5 mai, 21,8% des prêts accordés par les banques sont non performants, c’est-à-dire qu’ils risquent de ne pas être remboursés. Ce taux, le plus élevé parmi les dix principaux pays d’Afrique subsaharienne, signale une fragilité majeure qui menace la stabilité financière du pays.
Ce niveau alarmant de créances douteuses expose les banques à des pertes importantes. À titre de comparaison, des pays comme le Kenya et le Nigeria affichent des ratios bien inférieurs, grâce à des cadres réglementaires plus solides. Au Ghana, la situation est aggravée par un ratio d’adéquation des fonds propres (CAR) de 14,0%, le troisième plus faible de la région, selon Fitch. Bien que supérieur au minimum réglementaire de 10%, ce coussin financier reste insuffisant face à d’éventuels chocs, comme une dépréciation des titres publics détenus en grande quantité par les banques.
Plusieurs facteurs expliquent cette vulnérabilité. Le programme d’échange de la dette intérieure (DDEP), lancé en 2022, a joué un rôle central. Ce plan a forcé les banques à convertir des obligations d’État à court terme en titres à plus long terme, moins rentables, ce qui a réduit leurs revenus et fragilisé leurs bilans. À cela s’ajoutent des taux d’intérêt élevés, maintenus pour contenir l’inflation, qui compliquent le remboursement des prêts pour les entreprises et les particuliers, alimentant ainsi la hausse des créances douteuses.
Malgré ces défis bancaires, l’économie ghanéenne montre des signes de vitalité. En avril 2025, l’indice PMI de S&P Global a atteint 52,6, son plus haut niveau en quatre ans, reflétant une expansion du secteur privé portée par une hausse des commandes et de l’emploi. Cette dynamique contraste avec la fragilité des banques. Fitch Solutions avertit toutefois que, sans réformes, les problèmes du secteur financier pourraient freiner cette reprise économique.
La crise ghanéenne s’inscrit dans un contexte régional plus large. En Afrique subsaharienne, des pays comme le Togo affichent des ratios de solvabilité encore plus faibles, à 3,8%. Cependant, la dépendance du Ghana aux titres publics et son exposition aux chocs externes, comme les fluctuations des taux d’intérêt mondiaux, rendent sa situation particulièrement préoccupante. Fitch note que des baisses de taux prévues en 2025 pourraient améliorer la qualité des prêts, mais un ralentissement économique mondial reste un risque.
Pour stabiliser le secteur, le Ghana cherche des solutions concrètes. Un prêt de 3 milliards de dollars négocié avec le FMI vise à renforcer les finances publiques, ce qui pourrait indirectement soulager les banques. Par ailleurs, la Banque mondiale a approuvé en 2024 un financement de 250 millions de dollars via le Ghana Financial Sector Stability Fund pour recapitaliser les institutions touchées par le DDEP. Ces mesures offrent un espoir, mais leur impact dépendra de réformes plus profondes.
Des changements structurels sont en effet nécessaires pour surmonter cette crise. Fitch Solutions souligne l’importance de renforcer la réglementation bancaire, à l’image des réformes entreprises au Nigeria et au Kenya. Une meilleure gestion des risques de crédit et une diversification des portefeuilles pourraient réduire les créances douteuses. L’exemple du Maroc, qui développe un marché secondaire pour les prêts non performants, pourrait également inspirer le Ghana à libérer des liquidités pour ses banques.
La santé du secteur bancaire est cruciale pour l’avenir économique du Ghana. Une crise prolongée limiterait l’accès au crédit, freinerait les investissements et menacerait les emplois. À l’inverse, des réformes rapides, combinées au soutien international, pourraient poser les bases d’une reprise durable. En mai 2025, le Ghana se trouve à un tournant décisif : agir promptement est essentiel pour éviter des conséquences plus graves.