La Guinée, pilier mondial de la bauxite, envisage d’annuler la licence minière d’Emirates Global Aluminium (EGA). Ce conflit, né d’un différend sur les douanes et de priorités économiques nationales, pourrait bouleverser l’économie guinéenne et les marchés mondiaux de l’aluminium.
En octobre 2024, les autorités guinéennes ont suspendu les exportations de bauxite de Guinea Alumina Corporation (GAC), filiale d’EGA, basée à Boké. Cette décision reposait sur des allégations d’irrégularités douanières. GAC exploite une concession de 690 km², riche de 400 millions de tonnes de bauxite, et exporte 12 millions de tonnes par an via le port de Kamsar. La suspension a provoqué une hausse des prix de l’aluminium (+2,5% à Londres) et de l’alumine (+4,2% à Shanghai), signe de l’importance de la Guinée sur le marché mondial.
Le 7 mai 2025, la situation s’est aggravée. Le gouvernement guinéen a notifié à EGA son intention de révoquer sa licence minière. EGA, qui emploie 3 200 personnes et a contribué à hauteur de 283 millions de dollars à l’économie guinéenne en 2023, cherche une solution. L’entreprise affirme vouloir collaborer avec les autorités pour résoudre le différend.
Ce conflit s’inscrit dans une volonté de réformer le secteur minier guinéen. Depuis 2021, sous la direction du président Mamady Doumbouya, le gouvernement pousse les entreprises étrangères à transformer la bauxite en alumine localement. La Guinée détient 25 milliards de tonnes de bauxite, un quart des réserves mondiales, mais tire peu de bénéfices de l’exportation brute. Une raffinerie locale créerait des emplois et augmenterait les revenus. En juin 2024, GAC a signé un accord préliminaire avec Aluminum Corporation of China pour construire une raffinerie à Boké d’ici 2026. Cependant, le gouvernement juge ces engagements trop lents.
Les accusations d’irrégularités douanières, bien que peu détaillées, amplifient les tensions. Le gouvernement souhaite renforcer le contrôle sur ses ressources et montrer aux investisseurs étrangers l’importance de respecter ses priorités. Cette fermeté reflète un objectif plus large : diversifier l’économie et réduire la dépendance aux matières premières brutes.
Une révocation de la licence aurait des conséquences majeures. Pour la Guinée, GAC représente une source clé de revenus. Une rupture pourrait décourager d’autres investisseurs, dans un pays où le secteur minier pèse 20% du PIB. À Boké, des milliers de familles dépendent des emplois générés par l’entreprise. Une crise prolongée risquerait de provoquer des tensions sociales.
À l’échelle mondiale, les répercussions seraient significatives. La Guinée fournit un cinquième de la bauxite mondiale. Une perturbation durable pourrait faire grimper les prix de l’aluminium, utilisé dans l’automobile, l’aéronautique et les emballages. Les marchés, déjà sensibles après la suspension d’octobre, suivent l’évolution avec attention.
Le gouvernement guinéen adopte une position ferme, motivé par le souhait de maximiser les bénéfices de ses ressources. Cette stratégie répond aux attentes d’une population qui veut voir ses richesses mieux valorisées. Cependant, défier un acteur comme EGA, soutenu par les Émirats arabes unis, comporte des risques. Des discussions parallèles avec des partenaires émiratis, notamment sur des échanges commerciaux impliquant la bauxite, pourraient compliquer les négociations.
EGA, de son côté, mise sur le dialogue. Une résolution pourrait inclure des engagements concrets, comme un calendrier précis pour la raffinerie. Le gouvernement, déterminé à faire avancer ses priorités, devra peser les bénéfices d’une négociation contre l’impact d’une révocation.
Ce différend dépasse le cadre d’un simple conflit commercial. Il illustre les défis des pays riches en ressources : concilier développement national et partenariats étrangers. Les prochains jours seront cruciaux. À Boké, les travailleurs attendent des nouvelles. À Conakry, les autorités évaluent leurs options. Sur les marchés mondiaux, l’aluminium reste sous tension. Une solution rapide est encore possible, mais les enjeux sont élevés pour tous.