Mémorial Sankara : un levier économique pour le Burkina Faso ?

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L’inauguration du mausolée Thomas Sankara le 17 mai dernier à Ouagadougou a suscité une forte émotion au Burkina Faso. Mais au-delà du devoir de mémoire, cet édifice pourrait ouvrir une nouvelle page dans la stratégie de développement du pays. Car en plus d’honorer une figure emblématique du panafricanisme, le mémorial pourrait devenir une source durable de revenus économiques.

Un projet structurant au-delà du symbole

Situé sur le site hautement symbolique du Conseil de l’Entente, le mausolée n’est que la première étape d’un projet plus vaste : le Mémorial Thomas Sankara. Il s’étendra sur plus de 14 hectares et intégrera un musée, une école politique, une place des martyrs, ainsi que diverses infrastructures culturelles et éducatives. L’ambition est claire : faire de ce lieu un centre vivant de culture, de mémoire et de réflexion politique.

Le tourisme mémoriel, une niche à fort potentiel

Dans de nombreux pays, les sites liés aux grandes figures historiques attirent des visiteurs venus du monde entier. À Cuba, la tombe de Che Guevara à Santa Clara génère chaque année des revenus touristiques importants, tout en renforçant l’image internationale du pays. Le Burkina Faso peut suivre cette voie.

Thomas Sankara bénéficie d’un capital symbolique puissant, en particulier auprès de la jeunesse africaine et de la diaspora. Si le site est bien aménagé et intégré dans une offre touristique cohérente, il pourrait attirer des milliers de visiteurs chaque année. Cela suppose une mise en valeur professionnelle du lieu, une communication ciblée et des services adaptés à l’accueil touristique.

Des retombées locales immédiates

Au-delà des touristes internationaux, ce type de site peut dynamiser l’économie locale. Les activités annexes — guides, restauration, artisanat, sécurité, hébergement — peuvent générer de nombreux emplois directs et indirects. Ces emplois, souvent non délocalisables, bénéficieraient en priorité aux populations environnantes.

Encore faut-il que l’État et les collectivités locales veillent à une gestion inclusive, permettant aux acteurs locaux de capter une partie des retombées économiques. La formation de jeunes en métiers liés au tourisme et à la culture serait un premier pas stratégique.

Un outil d’influence et de diplomatie culturelle

À plus grande échelle, le Mémorial Sankara pourrait aussi servir les intérêts géopolitiques du Burkina Faso. À l’image de Gorée au Sénégal ou de Robben Island en Afrique du Sud, ce site pourrait devenir un lieu de rassemblement pour les penseurs, artistes et militants africains. Forums, colloques, festivals ou conférences panafricaines pourraient y être organisés, contribuant au rayonnement culturel et politique du pays.

Ce rôle de carrefour pourrait aussi attirer des financements extérieurs, notamment de la part de l’Union africaine, de l’UNESCO ou de fondations privées engagées sur les questions de mémoire, d’éducation ou de panafricanisme.

Des défis à relever pour transformer l’essai

Toutefois, le potentiel économique d’un tel projet ne pourra se concrétiser que s’il repose sur une gouvernance claire, des financements pérennes, et une stratégie de développement bien pensée. Le risque, sinon, est de voir le site sombrer dans l’abandon ou dans une instrumentalisation politique sans retombées concrètes.

Dans un contexte où le Burkina Faso fait face à des contraintes sécuritaires et budgétaires majeures, faire du Mémorial Sankara un projet économique viable est un défi, mais aussi une opportunité rare : celle de faire vivre une mémoire nationale tout en renforçant l’économie et le rayonnement du pays.

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