Rapport Mali-Mètre 2025 : Assimi Goïta plébiscité, la Russie encensée

0
59
Rapport Mali-Mètre 2025 : Assimi Goïta plébiscité, la Russie encensée
Rapport Mali-Mètre 2025 : Assimi Goïta plébiscité, la Russie encensée

En mai 2025, le Mali affiche un soutien massif à son président de transition, Assimi Goïta, et à son allié russe. C’est ce que révèle la 16e édition du Mali-Mètre, une enquête d’opinion publiée par la fondation allemande Friedrich-Ebert-Stiftung. Dans un pays marqué par l’instabilité, ces résultats surprennent et interrogent. Que disent-ils des aspirations maliennes et des dynamiques géopolitiques actuelles ?

Un plébiscite pour Goïta

Le Mali-Mètre 2025, basé sur 2 220 entretiens à Bamako et dans dix capitales régionales, dresse un portrait flatteur du pouvoir en place. Plus de 72% des Maliens placent leur confiance en Assimi Goïta, colonel propulsé à la tête du pays après deux coups d’État en 2020 et 2021. Mieux encore, 90 % des sondés approuvent la gestion de la transition politique, et 82% soutiennent le nouveau gouvernement. Même dans des régions historiquement critiques, comme Kidal (78,7% de satisfaction) ou Gao (73%), Goïta séduit.

Ce soutien massif intrigue. Depuis 2021, les militaires ont suspendu les partis politiques, interdit les manifestations d’opposition et restreint la liberté d’expression. Pourtant, les Maliens semblent séduits par le discours nationaliste du régime, qui promet de restaurer la souveraineté et la sécurité. La reconquête de territoires face aux groupes jihadistes et séparatistes, souvent mise en avant par la propagande officielle, renforce cette popularité.

La Russie, partenaire de cœur

L’enquête révèle un autre phénomène : la Russie est perçue comme le partenaire le plus fiable du Mali. Près de 79% des Maliens lui font confiance pour garantir l’intégrité territoriale du pays. Ce chiffre contraste avec la défiance envers les anciennes puissances occidentales. Par exemple, 67% des sondés estiment que le départ de la mission onusienne MINUSMA a amélioré la sécurité.

Ce virage pro-russe s’explique par le contexte. Après la brouille avec la France, dont l’opération Barkhane a quitté le Mali en 2022, les nouvelles autorités se sont tournées vers Moscou. Les mercenaires du groupe Wagner, actifs aux côtés des forces maliennes, incarnent ce partenariat. Malgré des rapports internationaux dénonçant des exactions – massacres de civils, destruction de villages –, la Russie reste populaire. Pour beaucoup de Maliens, elle symbolise une alternative aux interventions occidentales jugées inefficaces.

Une sécurité en trompe-l’œil ?

Les Maliens sont optimistes : 68,7% estiment que la situation sécuritaire s’est améliorée en 2024-2025. Ce sentiment tranche avec les rapports internationaux. Les Nations unies et des ONG alertent sur une recrudescence des attaques jihadistes et des violences intercommunautaires. Cette dissonance suggère que le narratif de la junte, qui vante ses succès militaires, influence profondément l’opinion publique.

Un autre facteur joue : le climat politique. Les restrictions sur les libertés peuvent pousser les sondés à exprimer des opinions conformes au discours officiel, même dans une enquête anonyme. La Friedrich-Ebert-Stiftung, reconnue pour son impartialité, note elle-même cette limite. Les résultats reflètent donc autant les perceptions que le contexte autoritaire.

Un tournant géopolitique

Le Mali-Mètre 2025 ne se contente pas de sonder l’opinion. Il éclaire un basculement géopolitique en Afrique de l’Ouest. Le Mali, comme le Burkina Faso et le Niger, s’éloigne des partenaires traditionnels – France, ONU, Union européenne – pour se rapprocher de la Russie, mais aussi de la Turquie et de la Chine. Ce repositionnement reflète une aspiration à plus d’autonomie, mais il pose des questions. La dépendance envers des acteurs comme Wagner, aux méthodes controversées, peut-elle garantir une stabilité durable ?

Vers un avenir incertain

Le soutien à Goïta et à la Russie témoigne d’un Mali en quête de souveraineté, lassé des ingérences perçues de l’Occident. Mais ce plébiscite repose sur des bases fragiles. La sécurité reste précaire, l’économie vacille et les libertés s’érodent. Le Mali-Mètre 2025, en capturant cet instantané, invite à une réflexion : jusqu’où ce consensus populaire portera-t-il la junte ? Et à quel prix ?
Pour l’heure, Assimi Goïta et ses alliés russes surfent sur la vague de l’approbation. Mais dans un pays aussi complexe, les vents peuvent vite tourner.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici