
La Banque centrale du Nigeria (CBN) marque un temps d’arrêt. Réuni ce mardi 20 mai 2025 à Abuja, le Comité de politique monétaire (MPC) a décidé de maintenir son taux directeur (MPR) à 27,5%, après une série de hausses brutales depuis 2024. Une décision qui, selon le gouverneur Olayemi Cardoso, reflète la volonté de « consolider les premiers signes d’amélioration économique, tout en restant vigilant ».
Le taux de réserve obligatoire (CRR) reste fixé à 50% pour les banques de dépôt et 16% pour les banques d’investissement, tandis que le taux de liquidité (LR) est maintenu à 30%. Le corridor autour du taux directeur demeure asymétrique, à +500/-100 points de base.
C’est un tournant dans la politique monétaire nigériane. Après plus d’un an de resserrement agressif pour contrer l’envolée des prix, la CBN choisit de temporiser. Entre janvier 2024 et février 2025, la Banque centrale avait relevé son taux directeur de près de 900 points de base, dans une tentative musclée de contenir une inflation qui frôlait alors les 33%. Résultat : une flambée du coût du crédit, un ralentissement du crédit bancaire, mais aussi un début de stabilisation.
Inflation en repli, mais toujours douloureuse
Les dernières données publiées par le Bureau national des statistiques (NBS) montrent un ralentissement modeste : 23,71% en avril 2025, contre 24,23% en mars. Une inflexion attribuée à une baisse relative des prix alimentaires, à une stabilisation du naira, et à une nouvelle méthodologie de calcul de l’inflation.
Pour autant, les prix restent étouffants pour une grande partie de la population. Les ménages doivent composer avec un pouvoir d’achat affaibli, des prix alimentaires encore instables, et des coûts de transport toujours élevés depuis la suppression des subventions sur les carburants.
Stabiliser sans casser la machine économique
En maintenant ses taux, la CBN cherche un équilibre délicat : ne pas relâcher la pression trop tôt, tout en évitant d’étouffer une économie déjà fragilisée. Car les effets des hausses précédentes se font sentir. L’accès au crédit s’est fortement durci, en particulier pour les petites entreprises et les ménages. La consommation intérieure s’est contractée. L’investissement privé reste frileux.
Le gouverneur Cardoso l’a souligné : la politique monétaire agit avec un décalage temporel. Il faut laisser le temps aux mesures de produire leurs effets avant d’en rajouter.
Un signal à double sens pour les marchés
Cette pause dans le resserrement monétaire envoie un signal prudent aux marchés financiers. D’un côté, elle indique que la Banque centrale considère le pic de l’inflation comme probablement passé. De l’autre, elle confirme que le combat n’est pas terminé. Le message implicite est clair : la CBN reste prête à durcir à nouveau sa position si nécessaire.
Pour les investisseurs, notamment étrangers, la décision pourrait être perçue comme un signe de maturité institutionnelle et de prévisibilité dans la conduite de la politique économique. Cela pourrait aussi contribuer à renforcer la confiance dans le naira, qui s’est récemment apprécié.
Et maintenant ?
La suite dépendra de la capacité des autorités à soutenir la production locale, renforcer les filets sociaux, et restaurer la confiance des acteurs économiques. Le Nigéria reste confronté à une équation difficile : maîtriser l’inflation sans tuer la croissance, dans un contexte marqué par des déséquilibres structurels.
Mais pour l’instant, le message du MPC est clair : on observe, on évalue, on ajuste. Le prochain rendez-vous sera scruté de près.