Le secteur touristique kényan vient d’enregistrer une opération d’envergure. L’Autorité de la concurrence du Kenya (Competition Authority of Kenya – CAK) a validé, le 13 mai 2025, l’acquisition de la société Pollman’s Tours and Safaris par Alterra Capital Partners, une société d’investissement soutenue notamment par le milliardaire nigérian Aliko Dangote et l’Américain David Rubenstein. Montant de la transaction : 31 millions de dollars. Cette opération marque un tournant stratégique dans la diversification des investissements africains, en particulier dans les services de consommation haut de gamme.
Pollman’s : un monument du tourisme local change de mains
Fondée dans les années 1950, Pollman’s Tours and Safaris s’est imposée comme une référence au Kenya dans l’organisation de circuits touristiques, notamment sur la côte et dans les parcs nationaux. Présente depuis plus de 70 ans, l’entreprise est considérée comme l’une des pionnières du tourisme kényan. Sa notoriété et son réseau bien établi en font une cible de choix pour des investisseurs misant sur le redémarrage du tourisme post-pandémie et sur l’essor d’une classe moyenne africaine avide de prestations haut de gamme.
Selon l’avis de la CAK, les activités de Pollman’s ne chevauchent pas celles d’Alterra Capital Partners, évitant ainsi tout risque anticoncurrentiel. L’agence de voyage kényane est spécialisée dans les safaris et les excursions, tandis qu’Alterra agit comme gestionnaire d’actifs, ciblant des opportunités dans divers secteurs stratégiques du continent.
Une stratégie africaine de diversification sectorielle
L’acquisition de Pollman’s s’inscrit dans une stratégie plus large portée par Alterra. Créée pour soutenir la montée en puissance de champions économiques africains, la société prévoit d’investir jusqu’à 500 millions de dollars dans des secteurs clés sur le continent. Début 2025, elle avait déjà fait parler d’elle en rachetant, conjointement avec Phatisa Group, la chaîne de cafés Java House, très présente en Afrique de l’Est.
Fondée à Nairobi en 1999, Java House s’est développée pour atteindre 73 établissements au Kenya, en Ouganda et au Rwanda. Reconnue pour son positionnement premium, la chaîne est aujourd’hui perçue comme un acteur majeur de la restauration rapide de qualité sur le continent. En s’implantant dans ce secteur, Alterra confirme son intérêt croissant pour les services destinés à une population urbaine en expansion.
Dangote et la montée en gamme des services africains
Traditionnellement associé aux cimenteries, à l’agro-industrie et plus récemment au raffinage pétrolier, Aliko Dangote, via sa participation dans Alterra, semble opérer un virage stratégique en direction des services. Les rachats de Java House et de Pollman’s témoignent d’une volonté claire de miser sur la consommation africaine, en particulier sur les loisirs et la restauration.
Ce repositionnement illustre une lecture lucide des mutations économiques en cours : avec la croissance des villes africaines et l’émergence d’une classe moyenne, la demande pour des services de qualité – alimentation, tourisme, transport – augmente significativement. Pour des investisseurs aguerris, ces besoins en évolution constituent un relais de croissance durable.
L’Afrique de l’Est, nouveau laboratoire d’une ambition continentale
L’intérêt croissant d’Alterra pour l’Afrique de l’Est n’est pas anodin. Le Kenya, considéré comme un hub régional dans les secteurs technologique, touristique et financier, offre une base solide pour rayonner sur les marchés voisins. En consolidant des positions dans la restauration et le tourisme, Alterra construit un portefeuille orienté vers la satisfaction des besoins urbains, tout en diversifiant ses actifs.
L’approbation par les autorités kenyanes du rachat de Pollman’s Tours and Safaris dépasse le simple cadre d’une validation administrative. Elle s’inscrit dans un mouvement plus large de réorientation des investissements africains vers les services, l’expérience client et les marques à forte implantation locale. Si cette dynamique se poursuit, l’Afrique de l’Est pourrait devenir le terrain d’expérimentation d’un capitalisme africain plus tourné vers la consommation intérieure et la création de valeur durable.