Tensions diplomatiques entre l’Ouganda et l’Allemagne : une rupture militaire qui pourrait peser sur les relations économiques

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Tensions diplomatiques entre l’Ouganda et l’Allemagne : une rupture militaire qui pourrait peser sur les relations économiques

La récente décision des Forces de défense du peuple ougandais (UPDF) de suspendre, avec effet immédiat, leur coopération militaire avec l’Allemagne, marque un tournant préoccupant dans les relations entre Kampala et Berlin. Si les accusations d’activités subversives portées contre l’ambassadeur allemand Mathias Schauer sont d’ordre sécuritaire, les répercussions économiques de cette crise diplomatique pourraient s’avérer bien plus profondes.

Dans un communiqué signé par le Colonel Chris Magezi, directeur par intérim de l’information publique de la défense, les autorités militaires ougandaises justifient cette suspension par l’implication présumée de l’ambassadeur dans des « forces pseudo-politiques-militaires hostiles opérant contre le gouvernement ». Une mise en cause directe, rarissime dans les usages diplomatiques, qui jette un froid sur un partenariat bilatéral historiquement stable.

Un partenaire économique de premier plan

L’Allemagne figure parmi les principaux partenaires européens de l’Ouganda. En 2024, le volume des échanges commerciaux entre les deux pays s’élevait à plus de 335 millions de dollars américains, selon le ministère allemand des Affaires étrangères. L’Ouganda exporte principalement du café, du thé, du poisson et des produits agricoles, tandis que l’Allemagne fournit des machines industrielles, des produits chimiques, des équipements médicaux et des véhicules.

Au-delà des échanges commerciaux, Berlin soutient activement plusieurs programmes de développement en Ouganda. Par l’intermédiaire de la GIZ (Agence allemande de coopération internationale) et de la KfW (Banque allemande de développement), l’Allemagne investit dans les secteurs de l’énergie, de la bonne gouvernance, de l’eau et de l’agriculture durable. Ce soutien représente des centaines de millions d’euros en subventions et prêts concessionnels, orientés vers le développement rural et la transition énergétique.

Une détérioration prolongée des relations diplomatiques pourrait donc freiner ou reconfigurer ces flux d’aide et affecter la confiance des investisseurs allemands, notamment dans le domaine des énergies renouvelables où l’Allemagne est un acteur reconnu.

Des investissements allemands sous tension ?

L’Allemagne a récemment encouragé l’investissement de ses entreprises en Afrique dans le cadre de l’initiative « Compact with Africa » du G20, dont l’Ouganda espérait bénéficier à moyen terme. Plusieurs PME allemandes ont commencé à explorer des opportunités dans les domaines de l’agriculture intelligente, des infrastructures vertes et de la formation technique.

Toutefois, les tensions diplomatiques, si elles persistent, risquent de compromettre ces perspectives. La sécurité juridique, la transparence et la stabilité politique sont des critères déterminants pour les investisseurs allemands, et l’image internationale de l’Ouganda pourrait en pâtir.

Un contexte politique sensible

Cette rupture survient dans un climat politique déjà tendu en Ouganda. Le régime du président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, fait régulièrement l’objet de critiques internationales pour sa gestion autoritaire, sa répression de l’opposition, et les allégations de torture ou d’enlèvements extrajudiciaires par les forces de sécurité. Le général Muhoozi Kainerugaba, fils du président et chef de l’UPDF, est au centre de plusieurs controverses, notamment pour ses déclarations en ligne et sa prétention à la succession.

Plusieurs ambassades occidentales, dont celle de l’Allemagne, ont exprimé leur inquiétude ces dernières années, appelant au respect des droits humains et des libertés démocratiques. La mise en cause de l’ambassadeur Schauer pourrait être perçue comme une tentative de museler cette pression diplomatique.

Et maintenant ?

Pour l’heure, le gouvernement allemand ne s’est pas officiellement exprimé sur ces accusations. Une réponse ferme ou une expulsion de diplomates pourrait accentuer la crise et ouvrir une nouvelle phase de refroidissement entre les deux pays.

Reste à savoir si cette rupture militaire est temporaire ou prélude à un désengagement plus large, notamment dans les domaines économique, universitaire ou culturel. Le Goethe-Zentrum de Kampala, le DAAD (service d’échanges universitaires) et plusieurs projets de coopération décentralisée allemands sont encore actifs sur le territoire.

À moins d’un réchauffement rapide des relations, l’Ouganda pourrait perdre un allié économique stratégique, dans un contexte où la compétition pour l’investissement étranger s’intensifie sur le continent africain.

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