Hydrocarbures : La Gambie rejette les rumeurs de pillage pétrolier sénégalais

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Des rumeurs enflamment la Gambie : le Sénégal siphonnerait-il son pétrole ? Le ministère gambien du Pétrole, de l’Énergie et des Mines a balayé ces accusations dans un communiqué publié ce mardi 10 juin 2025. « Nous rejetons fermement les affirmations et allégations selon lesquelles le Sénégal détournerait les ressources pétrolières et gazières du pays », déclare-t-il. Derrière ces allégations, un contexte complexe mêle espoirs pétroliers, tensions régionales et déclarations controversées de l’ex-président Yahya Jammeh.

Une rumeur sans fondement

L’origine de la polémique ? Des enregistrements audio attribués à Yahya Jammeh, en exil depuis 2017. L’ancien dirigeant affirme que le Sénégal, sous l’égide d’Abdoulaye Wade, aurait planifié de détourner les ressources pétrolières gambiennes. Il accuse aussi le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, de fermer les yeux. Mais le ministère gambien est catégorique : ces allégations sont « fausses et non fondées ». Pourquoi ? La réponse est simple : la Gambie n’a pas de pétrole à voler.

https://twitter.com/MoPEGambia/status/1932386663067693235?t=Y-fFW7CZKfovcPY1bFgV-g&s=19

Exploration, pas extraction

Le communiqué explique la différence clé entre exploration et extraction. « Le terme ‘exploration’ désigne le processus de recherche de pétrole, tandis que ‘extraction’ désigne le processus d’extraction du pétrole du sol », précise le ministère. Or, la Gambie en est encore au stade de l’exploration. Depuis les années 1960, seuls cinq puits ont été forés : deux à terre, trois en mer. Les derniers, réalisés par FAR Ltd en 2019 et 2021, n’ont rien donné. « La Gambie n’a encore fait aucune découverte », insiste le ministère. Sans pétrole découvert, impossible de parler d’extraction ou de détournement.

Le Sénégal, un voisin pétrolier

À l’inverse, le Sénégal a frappé fort. En juin 2024, il a lancé l’exploitation du champ pétrolier offshore de Sangomar, avec des réserves estimées à 630 millions de barils. Ce succès repose sur une exploration méthodique. « La percée majeure du champ pétrolier de Sangomar a commencé avec le forage réussi du puits d’exploration SNE-1 en novembre 2014 », rappelle le communiqué gambien. Entre 2015 et 2016, plusieurs puits d’évaluation ont confirmé le potentiel du site. Le Sénégal a foré 49 puits offshore dans cette zone, contre seulement cinq en Gambie. Cette disparité explique pourquoi Dakar produit du pétrole, et Banjul non.

Une frontière sous surveillance

Les ressources pétrolières peuvent parfois chevaucher des frontières, comme entre le Sénégal et la Mauritanie. Dans ce cas, des négociations d’« unitarisation » garantissent un partage équitable. La Gambie a tenté sa chance près de la frontière sénégalaise. En 2021, FAR Ltd a foré un puits à 500 mètres de la ligne maritime. Résultat ? « Ce puits n’a donné lieu à aucune découverte justifiant une discussion sur le développement ou le partage conjoint des ressources », indique le ministère. Sans découverte, pas de négociation possible avec le Sénégal.

Yahya Jammeh, l’agitateur en exil

Les accusations de Jammeh ne sont pas nouvelles. L’ex-président, connu pour son style provocateur, a souvent joué la carte nationaliste pour rallier les Gambiens contre le Sénégal. Ses déclarations, qualifiées d’« incendiaires » par le ministère, visent à semer le doute sur la gestion des ressources naturelles. Mais elles tombent à plat face à un fait : la Gambie n’a pas encore un producteur de pétrole. Ces rumeurs pourraient toutefois raviver les tensions dans un pays où les relations avec le Sénégal, bien que globalement cordiales, restent marquées par une méfiance historique.

Un avenir pétrolier incertain

Malgré l’absence de découvertes, la Gambie ne baisse pas les bras. Le ministère mise sur de nouvelles explorations. L’acquisition de données sismiques se poursuit, et des compagnies pétrolières montrent de l’intérêt pour les blocs offshore. « Nous continuons à encourager les investissements dans les blocs pétrolières de la Gambie », affirme le communiqué. Mais ces efforts demandent du temps et des fonds. À titre de comparaison, certains pays forent des dizaines de puits avant de trouver du pétrole.

Un appel à la raison

Le ministère conclut en invitant le public à ignorer ces rumeurs. « Nous invitons à ne pas tenir compte de ces allégations infondées et de ces déclarations incendiaires », déclare-t-il. Les données sismiques et des puits, confidentielles, ne doivent pas alimenter des spéculations. Pour l’heure, la Gambie se concentre sur son potentiel pétrolier, encore hypothétique. Quant au Sénégal, son succès à Sangomar ne repose pas sur un prétendu vol, mais sur des décennies de travail.

Cet épisode illustre les espoirs et les frustrations d’un petit pays en quête de ressources. Il rappelle aussi le poids des rumeurs dans une région où le pétrole attise les ambitions. Pour la Gambie, le vrai défi reste de transformer ses ambitions pétrolières en réalité.

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