Selon une enquête exclusive de l’agence Reuters, les États-Unis conditionnent la signature d’un accord de paix entre le Rwanda et la République démocratique du Congo au retrait des troupes rwandaises de l’est du territoire congolais. Une exigence qui risque d’attiser les tensions dans une région déjà marquée par des décennies de conflits.
Les États-Unis s’impliquent activement dans la résolution de la crise dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). D’après une enquête publiée le 10 juin 2025 par l’agence de presse Reuters, Washington pousse en faveur d’un accord de paix contraignant entre Kigali et Kinshasa. Cet accord prévoirait que le Rwanda retire toutes ses troupes et équipements militaires du territoire congolais avant toute signature officielle.
Une telle exigence, bien que soutenue par Kinshasa, risque de rencontrer une forte opposition à Kigali, qui considère la présence de groupes armés hostiles dans l’est du Congo comme une menace existentielle.
Un projet d’accord confidentiel mais confirmé
Le projet d’accord de paix, consulté par Reuters, a été rédigé par des responsables américains. Quatre sources diplomatiques indépendantes ont confirmé l’authenticité du document, qui n’est pas daté. Il va bien au-delà de la déclaration de principes signée en avril à Washington par les ministres des Affaires étrangères des deux pays, en présence du secrétaire d’État américain Marco Rubio.
Cette déclaration initiale s’en tenait à des engagements généraux en faveur de la souveraineté mutuelle. Désormais, les États-Unis posent une condition non négociable : « Nous exigeons le retrait total des troupes rwandaises comme condition préalable à la signature de l’accord, et nous ne ferons aucun compromis », a déclaré un haut responsable du cabinet du président congolais Félix Tshisekedi à Reuters.
Paix, investissements et rivalités régionales
Selon Massad Boulos, conseiller principal de l’ancien président américain Donald Trump pour l’Afrique, Washington souhaite conclure cet accord dans un délai de deux mois. L’objectif est double : mettre fin à un conflit persistant et ouvrir la voie à des milliards de dollars d’investissements occidentaux, notamment dans les minerais stratégiques de la région – tantale, or, cobalt, cuivre, lithium.
Ces ressources, indispensables aux technologies de pointe, attisent les convoitises internationales. Mais la stabilité sécuritaire reste un préalable indispensable à tout engagement économique durable.
Kigali persiste à nier tout soutien au M23
L’armée rwandaise est accusée d’avoir déployé entre 7 000 et 12 000 soldats dans l’est du Congo, notamment pour appuyer les rebelles du M23, selon des analystes et diplomates cités par Reuters. Ce groupe armé, composé majoritairement de Tutsis, a récemment conquis les deux plus grandes villes de la région lors d’une offensive éclair.
Le Rwanda dément ces accusations, affirmant que ses forces n’interviennent que pour se défendre contre l’armée congolaise et les milices hutus responsables du génocide de 1994. Près d’un million de personnes, principalement des Tutsis, avaient alors été massacrées, entraînant depuis une instabilité chronique dans la région des Grands Lacs.
Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a indiqué à Reuters que des experts des deux pays devaient se retrouver à Washington cette semaine pour discuter des modalités de l’accord.
Une issue diplomatique encore incertaine
Pour l’heure, le Rwanda n’a pas encore répondu officiellement au projet d’accord soumis par les États-Unis. De son côté, Kinshasa accuse Kigali de faire traîner les négociations. Les États-Unis restent discrets : le Département d’État n’a pas souhaité commenter l’information, selon Reuters.En parallèle, le Qatar mène des pourparlers directs entre le Congo et le M23, dans un contexte régional complexe où chaque acteur cherche à défendre ses intérêts géopolitiques et sécuritaires.