Une crise économique et diplomatique couve dans la capitale nigériane. La Federal Capital Territory Administration (FCTA) menace de fermer 34 ambassades étrangères pour des loyers fonciers impayés. Ce bras de fer, qui touche des missions de pays africains, européens et asiatiques, révèle les tensions entre finances publiques et relations internationales. Que se passe-t-il, et quelles sont les conséquences possibles ?
Des dettes qui s’accumulent
La FCTA reproche à 34 ambassades de ne pas avoir payé leurs loyers fonciers, certains depuis 2014. Selon The Punch (26 mai 2025), ces arriérés s’élèvent à environ 2,3 millions de dollars. Naija News précise que certaines dettes dépassent une décennie. Parmi les missions visées, on trouve des ambassades de pays comme la Zambie, ou encore la Côte d’Ivoire, certains avec des montants élevés ou d’autres avec des bien moindres, selon TheCable (26 mai 2025).
Le ministre du FCT, Nyesom Wike, a lancé un ultimatum. Les débiteurs avaient 14 jours, jusqu’au 9 juin 2025, pour régulariser leur situation, sous peine de fermeture, rapporte Premium Times. Cette mesure s’inscrit dans une vaste campagne contre 4 794 propriétés à Abuja, dont certaines n’ont pas payé depuis 43 ans. « Aucun débiteur ne sera épargné », a averti un officiel de la FCTA, cité par Nigerian Tribune (27 mai 2025).
Un enjeu économique pressant
Le Nigeria traverse une période économique difficile. La dévaluation du naira et la baisse des revenus pétroliers pèsent sur les finances publiques. Les loyers fonciers, bien que parfois modestes, sont cruciaux pour la FCTA. « Ces fonds financent le développement d’Abuja », a expliqué un responsable, selon TheCable. En s’attaquant aux ambassades, le gouvernement veut montrer sa détermination à récupérer chaque naira dû.
Mais les montants varient fortement. Certaines ambassades ne doivent que quelques milliers de nairas, ce qui soulève des questions. NigerianEye (février 2024) avait déjà signalé des dettes cumulées de 5,36 millions de dollars pour plusieurs missions. Des ambassades, comme celles de la Russie et de la Turquie, ont nié tout arriéré, selon Sahara Reporters (26 mai 2025). Ces désaccords laissent planer le doute sur d’éventuelles erreurs administratives.
Une menace diplomatique risquée
Fermer des ambassades serait un geste audacieux, mais controversé. La Convention de Vienne (1961) protège l’inviolabilité des locaux diplomatiques, note Nigerian Observer. Femi Falana, avocat nigérian, a qualifié la menace de « violation du droit international », selon Nigerian Tribune (27 mai 2025). Le Socio-Economic Rights and Accountability Project (SERAP) a appelé le président Bola Tinubu à intervenir, craignant des répercussions sur les relations avec des partenaires clés, rapporte Sahara Reporters.
Les ambassades concernées incluent des membres de la CEDEAO et d’autres régions, rendant l’enjeu régional sensible. Une escalade pourrait compliquer les relations diplomatiques, dans un contexte où le Nigeria cherche à renforcer son leadership en Afrique de l’Ouest. « Le Nigeria doit agir avec prudence », a conseillé un analyste cité par The Punch.
Des obstacles à la mise en œuvre
La menace de fermeture semble difficile à exécuter. Le Ghana, par exemple, a déclaré n’avoir reçu aucune notification officielle, selon TheCable. Certaines institutions, comme le Federal Inland Revenue Service, ont réglé leurs dettes pendant le délai de grâce, note Premium Times. Cela suggère que des négociations pourraient éviter des mesures extrêmes. Les petites sommes dues par certaines ambassades renforcent l’hypothèse d’erreurs dans les registres de la FCTA.
Vers une résolution ou une crise ?
Cette affaire met en lumière les défis du Nigeria : assainir ses finances tout en préservant ses alliances diplomatiques. La FCTA maintiendra-t-elle sa menace, ou les ambassades trouveront-elles un accord ? Pour l’instant, aucune fermeture n’a eu lieu, et des discussions discrètes pourraient apaiser les tensions. À Abuja, l’économie et la diplomatie jouent une partie serrée, sous le regard attentif de la communauté internationale.