Afrique sous embargo : les pays touchés par les restrictions de voyage de Trump

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Afrique sous embargo : les pays touchés par les restrictions de voyage de Trump
Afrique sous embargo : les pays touchés par les restrictions de voyage de Trump

Le 4 juin 2025, l’administration de Donald Trump a signé un décret imposant des restrictions de voyage à 19 pays, dont 10 africains, effectives dès le 9 juin. Cette mesure, justifiée par des préoccupations de sécurité nationale, cible des nations jugées défaillantes dans leurs systèmes de délivrance de passeports ou leur coopération avec les États-Unis. Parmi elles, de nombreux pays africains se retrouvent dans trois catégories distinctes : interdiction totale, restrictions partielles, et période de conformité. Quels sont ces pays, et quelles conséquences économiques pourraient découler de cette politique ? Cet article décrypte les enjeux.

Interdiction totale : sept pays africains bloqués

Sept nations africaines sont soumises à une interdiction complète d’entrée aux États-Unis pour leurs ressortissants, sauf exemptions spécifiques (diplomates, résidents permanents, ou cas d’intérêt national). Ces pays sont :

  • Tchad
  • République du Congo (Congo-Brazzaville)
  • Guinée équatoriale
  • Érythrée
  • Libye
  • Somalie
  • Soudan

L’administration Trump reproche à ces pays des failles dans leurs systèmes d’identification, des taux élevés de dépassement de visas, ou un manque de coopération pour rapatrier leurs citoyens expulsés. Par exemple, le Tchad affiche un taux de dépassement de visas de 49,54% en 2023, selon un rapport du Département de la Sécurité intérieure (DHS). La Somalie, qualifiée de « refuge terroriste » par Trump, est critiquée pour son absence de contrôle territorial, limitant ses capacités de vérification d’identité.

Cette interdiction pourrait freiner les échanges économiques. Les diasporas de ces pays, qui envoient des milliards de dollars en transferts de fonds, risquent de voir leurs mouvements limités. « Ces mesures nuisent aux liens entre les peuples, aux échanges éducatifs et commerciaux, et aux relations diplomatiques construites sur des décennies », a déploré la Commission de l’Union africaine. Le Tchad a déjà réagi en suspendant les visas pour les citoyens américains, un acte de réciprocité qui pourrait compliquer les relations économiques bilatérales.

Restrictions partielles : trois pays sous surveillance

Trois pays africains font face à des restrictions partielles, interdisant l’entrée pour les visas d’immigration et certains visas non-immigrants (tourisme, études, échanges) comme les B-1, B-2, F, M, et J :

  • Burundi
  • Sierra Leone
  • Togo

Pour ces nations, les visas de travail (H-1B, L-1) restent possibles, mais avec une validité réduite. Le Burundi, par exemple, est pointé pour un taux de dépassement de visas B-1/B-2 de 15,35% et de 17,52% pour les visas étudiants et d’échange. La Sierra Leone, quant à elle, a exprimé sa volonté de coopérer. « Nous voulons collaborer avec nos partenaires américains pour maintenir de bonnes relations », a déclaré Chernor Bah, ministre de l’Information sierra-léonais.

Ces restrictions pourraient affecter les étudiants et les touristes, deux moteurs économiques importants. En 2023, les sept pays sous restrictions partielles (dont trois africains) ont reçu 69 411 visas B-1, B-2, F, M, et J, selon le Département d’État. Une réduction de ces flux pourrait freiner les revenus touristiques et les frais universitaires payés aux États-Unis, tout en limitant les opportunités éducatives pour les jeunes Africains.

Période de conformité : un ultimatum pour 12 pays africains

Douze pays africains ont été placés sous un ultimatum de 60 jours pour réformer leurs systèmes d’identité et coopérer davantage avec les États-Unis, sous peine de restrictions accrues. Ces pays incluent :

  • Angola
  • Bénin
  • Burkina Faso
  • Cameroun
  • Côte d’Ivoire
  • République démocratique du Congo (RDC)
  • Djibouti
  • Éthiopie
  • Gabon
  • Gambie
  • Sénégal
  • Zimbabwe

Un mémo du Département d’État, révélé par The Washington Post, indique que ces nations doivent améliorer leurs processus de délivrance de passeports et partager davantage d’informations sur les criminels ou les terroristes présumés. L’Éthiopie et le Sénégal, partenaires clés des États-Unis, risquent de subir des tensions diplomatiques si les réformes demandées ne sont pas mises en œuvre. « Punir des pays entiers pour les actions d’une minorité est inefficace », critique Bright Simons, analyste chez IMANI Ghana, suggérant des solutions comme des cautions pour réduire les dépassements de visas.

Les implications économiques sont significatives. Ces pays dépendent des diasporas aux États-Unis, qui ont généré 3,2 milliards de dollars de revenus en 2023, selon l’American Immigration Council. Une restriction accrue pourrait réduire ces transferts, affectant les ménages et les petites entreprises. De plus, des pays comme le Sénégal, où le tourisme et les échanges éducatifs avec les États-Unis sont importants, pourraient voir leurs économies locales fragilisées.

Un contexte géopolitique tendu

Cette politique s’inscrit dans une stratégie plus large de l’administration Trump, qui a débuté par un décret le 20 janvier 2025, ordonnant une évaluation des pays à risque pour la sécurité nationale. La récente attaque de Boulder, Colorado, menée par un Égyptien ayant dépassé son visa, a servi de justification, bien que l’Égypte ne soit pas visée. « Nous ne voulons pas de personnes qui nous veulent du mal », a déclaré Trump dans une vidéo publiée sur X.

Cependant, les critiques abondent. « Ce n’est pas une question de sécurité nationale, mais de théâtre politique », dénonce Shawn VanDiver, président d’#AfghanEvac, pointant un décret préparé bien avant l’attaque de Boulder. L’Union africaine appelle à un « dialogue constructif » pour éviter une rupture des relations. Certains pays, comme la Somalie, se disent prêts à négocier. « La Somalie est prête à discuter pour répondre aux préoccupations américaines », a assuré l’ambassadeur somalien Dahir Hassan Abdi.

Quels impacts à long terme ?

Les restrictions pourraient pousser certains pays africains à se tourner vers d’autres partenaires, comme la Chine ou la Russie, selon des analystes sur X. Les économies africaines, déjà fragiles, risquent de pâtir de la réduction des flux migratoires et touristiques. En 2023, 298 600 non-citoyens des 19 pays visés (dont 10 africains) sont entrés aux États-Unis, contribuant à 2,5 milliards de dollars de pouvoir d’achat.

Pour les pays sous ultimatum, les 60 jours à venir seront cruciaux. Réformer les systèmes d’identification dans un délai si court est un défi, surtout pour des nations confrontées à des crises internes, comme la RDC ou le Burkina Faso. Les États-Unis pourraient ajouter d’autres pays à la liste, avec 25 nations africaines supplémentaires sous surveillance, dont le Ghana et le Nigeria.

Une politique controversée

Cette mesure rappelle le « Muslim Ban » de 2017, qui ciblait principalement des pays musulmans et fut contesté en justice. Bien que mieux préparée juridiquement, la proclamation de 2025 suscite des inquiétudes. « Cette politique discriminatoire nuit à nos communautés et à notre économie », a déclaré la représentante Pramila Jayapal sur X. Des recours judiciaires sont attendus, mais leur succès reste incertain, la Cour suprême ayant validé une version antérieure en 2018.

En conclusion, les restrictions de voyage de l’administration Trump redessinent les relations entre les États-Unis et l’Afrique. Si elles visent à renforcer la sécurité, elles risquent de perturber les économies africaines et de tendre les relations diplomatiques. Les 60 prochains jours seront déterminants pour les pays sous ultimatum, alors que le continent cherche à naviguer dans ce nouvel environnement géopolitique.

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