
À travers un partenariat avec la CEDEAO, l’Allemagne et l’Espagne, l’Union européenne annonce un financement de 105 millions d’euros pour soutenir le commerce, la paix et la gouvernance en Afrique de l’Ouest. Cette initiative intervient dans un contexte de fragmentation régionale croissante et de concurrence géopolitique accrue.
L’Union européenne, en partenariat avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Allemagne et l’Espagne, a lancé une initiative stratégique d’un montant de 105 millions d’euros visant à stimuler le commerce intra-africain, renforcer la gouvernance régionale et appuyer les efforts de paix dans une région fragilisée par l’instabilité. L’annonce a été faite le 17 juin 2025 via les canaux officiels de l’UE au Nigeria.
Ce financement s’inscrit dans le cadre du programme Global Gateway, la stratégie européenne d’investissement dans les infrastructures mondiales, qui prévoit jusqu’à 150 milliards d’euros pour l’Afrique d’ici 2027. Ce projet marque une nouvelle étape dans la coopération entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest, en pleine mutation politique et économique.
Quatre programmes pour un double objectif : croissance et stabilité
La majeure partie des fonds – 50 millions d’euros – sera allouée au programme Africa Trade Competitiveness and Market Access (ATCMA), qui vise à renforcer la compétitivité des entreprises ouest-africaines et à faciliter leur accès aux marchés, notamment européens. Ce soutien porte sur l’amélioration des chaînes de valeur locales, l’appui à la transformation des produits et la conformité aux normes internationales.
Un second programme, doté de 11,5 millions d’euros, cible le secteur des services, dont le poids dans les économies africaines ne cesse de croître, qu’il s’agisse de la logistique, des technologies numériques ou des services aux entreprises.
Les deux autres composantes de l’initiative visent la consolidation de la paix et de la sécurité ainsi que le renforcement des institutions de la CEDEAO. Ces axes sont jugés cruciaux dans un contexte marqué par la recrudescence des violences jihadistes, les transitions militaires au Sahel et la fragilisation de l’architecture régionale de sécurité.
Une coopération technique multisectorielle
Plusieurs agences européennes et internationales sont impliquées dans la mise en œuvre des programmes : la GIZ (coopération allemande), l’UNIDO, le Centre du commerce international (ITC), l’Agence espagnole de coopération internationale (AECID), ainsi que l’agence française Expertise France et le Fonds d’innovation pour l’accès aux marchés (FIAP).
L’objectif affiché : proposer des solutions “co-construites” avec les partenaires africains, axées sur le développement des compétences locales, la formation professionnelle et l’amélioration de l’environnement commercial. Ces interventions s’appuient sur les accords de partenariat économique (APE) entre l’UE et les pays d’Afrique de l’Ouest, bien qu’ils restent controversés dans certains cercles économiques africains.
Une initiative dans un climat régional sous tension
Cette initiative intervient alors que l’Afrique de l’Ouest traverse une période de profondes turbulences politiques. En janvier 2025, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé leur retrait de la CEDEAO pour former l’Alliance des États du Sahel (AES), dénonçant une organisation « instrumentalisée par l’étranger » et jugée inefficace face à l’insécurité.
Ce retrait remet en question l’unité régionale, compliquant les projets d’intégration comme la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) ou le tarif extérieur commun de la CEDEAO, pourtant conçus pour créer un marché commun de plus de 400 millions d’habitants.
Malgré ces divisions, le président de la Commission de la CEDEAO, Omar Alieu Touray, a réaffirmé lors d’une récente conférence la volonté de l’organisation de poursuivre ses efforts pour « une région pacifique et intégrée ».
Concurrence géopolitique et stratégies d’influence
Face à la montée en puissance de la Chine et de la Russie en Afrique, l’Union européenne entend affirmer une approche fondée sur le partenariat et la durabilité. L’accent est mis sur des solutions « adaptées à l’Afrique », mais sans pour autant nier les critiques persistantes sur la dépendance aux financements extérieurs.
Les pays membres de l’AES, en particulier, fustigent régulièrement ce qu’ils considèrent comme une influence excessive des partenaires occidentaux dans les politiques économiques et sécuritaires de la région. Ce nouveau programme, en insistant sur la co-construction et la complémentarité, vise justement à rééquilibrer les rapports de coopération.
Enjeux et limites d’un engagement ciblé
Avec 105 millions d’euros, le projet reste modeste au regard des besoins colossaux de la région en matière d’infrastructures, d’emplois, de sécurité et d’intégration. Mais il envoie un signal politique clair : l’Union européenne entend maintenir son rôle de partenaire stratégique pour l’Afrique de l’Ouest et soutenir une vision d’intégration régionale fondée sur la paix, le commerce et la résilience institutionnelle.
Pour les entreprises locales, les opportunités pourraient être concrètes : accès facilité au marché européen, appui à la compétitivité, diversification économique. Reste à voir si, dans une région minée par les divisions internes, ces efforts suffiront à déclencher une dynamique durable de transformation.