À Vienne, lors du Forum du Fonds de l’OPEP pour le développement international, l’Africa Finance Corporation a lancé une alliance stratégique pour mobiliser les capitaux islamiques et arabes en faveur du développement des PME et des infrastructures africaines. Un virage structurant vers un financement alternatif plus inclusif.
L’Africa Finance Corporation (AFC) poursuit son offensive diplomatique et financière. À l’occasion du Forum de l’OPEP pour le développement international (OFID) tenu le 20 juin 2025 à Vienne, l’institution panafricaine a signé un protocole d’accord stratégique avec trois partenaires majeurs du monde arabe.
L’initiative, baptisée IFETAA, a été scellée avec l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), l’Organisation de comptabilité et d’audit des institutions financières islamiques (AAOIFI) et l’Union des banques arabes (UBA). Son objectif : mobiliser les capitaux islamiques et arabes pour soutenir la transformation économique de l’Afrique, en particulier à travers le financement des micro, petites et moyennes entreprises (MPME), considérées comme le socle de la croissance inclusive.
Une réponse aux défis de bancabilité
Selon l’AFC, IFETAA vise à élargir le recours à la finance islamique sur le continent, un segment encore marginal malgré son potentiel. Cette forme de financement, fondée sur le partage des risques et l’interdiction des intérêts, se concentre sur des projets tangibles et productifs, ce qui la rend particulièrement adaptée aux investissements dans les infrastructures, l’agro-industrie ou l’énergie.
En Afrique, les besoins en financement sont colossaux : le déficit annuel en infrastructures est estimé à 170 milliards de dollars. Pour y répondre, l’AFC mise sur des partenariats non traditionnels. « L’initiative IFETAA représente une nouvelle approche audacieuse pour surmonter les défis de bancabilité », souligne l’institution sur son canal officiel.
Une stratégie d’alliance Sud-Sud
Lancée en 2007, l’AFC a investi plus de 13 milliards de dollars dans 35 pays africains. Elle agit comme un catalyseur du développement, mobilisant des financements publics et privés pour des projets à fort impact dans l’énergie, le transport ou les ressources naturelles.
Ce partenariat avec des acteurs arabes s’inscrit dans une stratégie de rapprochement Sud-Sud déjà amorcée par l’AFC ces dernières années. En 2023 et 2024, l’institution avait déjà sécurisé des lignes de financement auprès de la Banque islamique de développement, du Fonds saoudien pour le développement et de la BADEA, la Banque arabe pour le développement économique en Afrique.
Des rencontres bilatérales de haut niveau
En marge du forum, l’AFC a multiplié les échanges diplomatiques. La délégation a salué la nomination de Son Excellence Abdullah Al-Musaibeeh à la tête de la BADEA et réaffirmé son engagement à renforcer leur coopération.
L’institution panafricaine a également tenu des discussions avec Faisal Al-Qahtani, directeur général adjoint du Fonds saoudien pour le développement, et Waleed Shamlan Al Bahar, directeur par intérim du Fonds koweïtien pour le développement économique arabe. Ces rencontres ont porté sur le renforcement des financements concessionnels, qui permettent de rendre les projets publics plus attractifs pour les investisseurs.
Un autre échange important a eu lieu avec le Dr Hashim Hussein, directeur de l’ONUDI à Bahreïn, afin de planifier les étapes concrètes de mise en œuvre du programme IFETAA.
Un positionnement renforcé sur la scène internationale
Avec des actifs dépassant les 12,3 milliards de dollars en 2023 et un résultat net de 329 millions de dollars, l’AFC confirme sa solidité financière. En juin 2025, elle a annoncé un accord de 320 millions de dollars avec l’Italie pour soutenir le développement du corridor Lobito, axe stratégique reliant les mines de la RDC et de la Zambie aux ports de l’Angola.
Ce type de projet illustre la volonté de l’AFC de connecter les opportunités africaines aux marchés mondiaux, tout en renforçant les chaînes de valeur régionales. Le rapprochement avec les fonds du Golfe pourrait accélérer cette dynamique.
Une question d’équilibre et d’exécution
La finance islamique peut-elle s’imposer comme une alternative crédible au financement traditionnel sur le continent ? Si le potentiel est réel, les défis de mise en œuvre restent nombreux : harmonisation des cadres réglementaires, sensibilisation des acteurs locaux, et identification de projets alignés avec les principes de la charia.
En ce sens, l’initiative IFETAA marque un premier pas structurant. Encore faudra-t-il en assurer l’exécution rigoureuse pour qu’elle devienne un levier durable au service du développement africain.