En marge du Forum économique international de Saint-Pétersbourg (SPIEF), l’État fédéré du Niger, situé au nord-ouest du Nigéria, a signé un mémorandum d’intention avec la Sberbank, première banque russe, dans les secteurs du numérique, de l’agriculture et des services publics.
L’Afrique n’est plus seulement perçue comme une source de matières premières. À mesure que les équilibres économiques mondiaux se déplacent, le continent devient un partenaire stratégique pour les puissances en quête d’influence. La Russie ne fait pas exception. Lors de la 28e édition du Forum économique international de Saint-Pétersbourg (SPIEF), le gouvernement de l’État du Niger — à ne pas confondre avec la République du Niger voisine — a officialisé un accord avec Sberbank, poids lourd du secteur bancaire russe.
L’objectif : accélérer la transformation numérique et agricole de cet État nigérian, tout en créant de nouvelles zones de croissance économique.
Une coopération multisectorielle
L’accord a été signé par le gouverneur de l’État du Niger, Mohammed Umaru Bago, et par Timur Kozintsev, vice-président principal de Sberbank. Selon les termes du protocole, les deux parties s’engagent à travailler conjointement dans des domaines clés : agriculture intelligente, cybersécurité, santé, éducation numérique et exploitation minière.
Dans une communication officielle, le gouverneur Bago a précisé que l’accord vise à « mettre en œuvre un certain nombre de projets destinés à accroître l’efficacité de l’agriculture, à améliorer la qualité de vie et à créer de nouveaux pôles de croissance économique ». Il prévoit l’élaboration de feuilles de route, la mise en place de groupes de travail conjoints et le lancement de projets pilotes, dans une logique de test avant généralisation.
L’intelligence artificielle au service de l’économie
Une partie importante de l’accord porte sur l’application des technologies d’intelligence artificielle (IA) dans les secteurs stratégiques de la région. D’après le service commercial russe au Nigeria, ce protocole vise à favoriser la transformation numérique à grande échelle. En clair, il s’agit d’optimiser les rendements agricoles à l’aide de données et d’algorithmes prédictifs, de renforcer la cybersécurité des infrastructures locales, et de numériser les systèmes de santé et d’éducation.
Si aucun montant ou calendrier précis n’a encore été communiqué, ce partenariat s’inscrit dans un plan plus vaste de modernisation numérique de l’État du Niger, déjà amorcé localement par le gouvernement Bago.
Le SPIEF, nouveau carrefour Afrique-Russie
La signature de cet accord intervient dans un contexte où la Russie, confrontée à un isolement croissant depuis le début de la guerre en Ukraine et les sanctions occidentales de 2022, réoriente ses partenariats vers le « Sud global ». Le SPIEF 2024 en a été un exemple manifeste : une présence renforcée des délégations africaines a été observée, avec des pays comme la Sierra Leone, la République centrafricaine ou l’Angola.
Sberbank n’en est pas à son premier partenariat en Afrique. Lors de ce même forum, elle a également signé un accord-cadre de financement avec plusieurs pays du continent — Mozambique, Angola, Éthiopie, Zimbabwe — via un mécanisme de crédit export d’un montant total de 320 milliards de roubles (environ 3,6 milliards de dollars), selon les données disponibles.
Quel rôle pour la Russie dans la transition africaine ?
Cette dynamique s’inscrit dans une redéfinition des alliances économiques africaines, face à une forme de lassitude envers les bailleurs traditionnels et à la recherche de nouvelles sources d’expertise technologique. Les autorités russes, de leur côté, y voient une opportunité de déployer leur savoir-faire en intelligence artificielle, cybersécurité et finance numérique, en échange d’un accès à de nouveaux marchés et relais d’influence.
Mais ces partenariats soulèvent aussi des questions légitimes. Quel est le niveau réel d’expertise de Sberbank en matière d’IA appliquée à l’agriculture africaine ? Quel cadre juridique et technologique pour garantir la souveraineté numérique des États partenaires ? Quels mécanismes de financement seront mis en place pour éviter des dettes excessives ou des dépendances nouvelles ?
Pour l’instant, ni le gouvernement du Niger ni Sberbank n’ont communiqué d’échéancier détaillé ou de montants financiers liés à cet accord.
Une coopération à suivre
En l’absence de détails chiffrés, il est encore trop tôt pour mesurer l’impact concret de ce protocole. Mais une chose est sûre : l’Afrique n’est plus un terrain passif. Elle devient acteur de choix dans la redéfinition des relations économiques mondiales, et les accords comme celui signé au SPIEF entre Sberbank et l’État nigérian du Niger témoignent d’un basculement en cours vers de nouvelles formes de coopération Sud-Sud.