La plateforme e-justice.ci illustre l’ambition du gouvernement ivoirien de moderniser l’administration par le numérique, dans une logique de performance, de transparence et de croissance inclusive.
Plus besoin de patienter des heures devant un tribunal pour obtenir un casier judiciaire ou un certificat de nationalité. En Côte d’Ivoire, ces documents sont désormais accessibles en ligne, via la plateforme officielle www.e-justice.ci, mise en service par le ministère de la Justice et des Droits de l’Homme.
Lancée dans le cadre de la réforme de digitalisation des services publics, cette plateforme permet aux citoyens d’effectuer leurs démarches administratives à distance. Chaque document délivré est sécurisé grâce au Cachet Électronique Visible (CEV), une innovation adoptée par l’administration ivoirienne pour garantir l’authenticité des actes. Selon le ministère, l’objectif est de faciliter l’accès aux documents officiels, limiter les fraudes et désengorger les juridictions.
Une réforme numérique à l’échelle de l’État
La plateforme e-justice n’est que la partie visible d’un vaste plan de transformation numérique de l’administration publique ivoirienne. Depuis 2020, les autorités ont accéléré les réformes pour faire de l’administration un levier de développement et d’attractivité.
Le site service-public.gouv.ci concentre plus de 250 démarches administratives dématérialisées. Le portail e-impôts.gouv.ci permet aux contribuables de déclarer et régler leurs impôts en ligne, tout en renforçant les capacités de recouvrement de la Direction générale des impôts (DGI). Le programme e-foncier, pour sa part, vise à numériser le cadastre national et à sécuriser les titres de propriété, un enjeu central dans un pays où les litiges fonciers freinent les investissements.
Des effets économiques mesurables
La digitalisation n’est pas qu’un outil de modernisation : elle a aussi un impact économique direct. Selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2024 sur la gouvernance numérique en Afrique, la Côte d’Ivoire figure parmi les pays les plus avancés d’Afrique de l’Ouest en matière de services publics dématérialisés. Le rapport souligne que la numérisation permet d’améliorer la transparence de l’action publique, de réduire les coûts administratifs et de stimuler la croissance en améliorant l’environnement des affaires.
L’étude estime que les services publics numériques peuvent faire gagner jusqu’à 2% du PIB dans les pays à revenu intermédiaire, en réduisant les pertes de productivité dues à la bureaucratie. La Banque africaine de développement, dans une note technique de 2023, encourage également les pays membres à accélérer la digitalisation pour « renforcer la compétitivité de leurs économies nationales ».
Une fonction publique repensée
Cette modernisation repose aussi sur une transformation interne de l’administration. Le gouvernement ivoirien a entrepris un recensement biométrique des agents publics, visant à assainir la masse salariale et à éliminer les cas de doublons ou de fictifs.
Parallèlement, il a lancé le système SIGFAE (Système Intégré de Gestion des Fonctionnaires et Agents de l’État), qui centralise les informations sur les carrières, les avancements, les mutations et les retraites. Un plan de formation continue a également été initié, notamment via l’École nationale d’administration (ENA), pour accompagner les agents dans cette transition numérique.
Des défis persistants
Malgré les avancées, plusieurs obstacles freinent encore le déploiement complet des services numériques en Côte d’Ivoire. La fracture numérique demeure un défi majeur, surtout dans les zones rurales peu couvertes par l’Internet haut débit. Le manque de compétences numériques chez certains agents et usagers ralentit aussi l’adoption des nouvelles plateformes.
Autre préoccupation : la cybersécurité. Dans un contexte de multiplication des menaces informatiques, l’État doit renforcer la protection des données personnelles et des systèmes d’information. En 2022, l’Autorité de régulation des télécommunications de Côte d’Ivoire (ARTCI) a alerté sur la nécessité d’un cadre juridique plus robuste en matière de protection des données.
Une administration en mutation, un État en mouvement
La dynamique engagée par la Côte d’Ivoire illustre une volonté politique claire : adapter l’État aux exigences du XXIe siècle, améliorer la performance des services publics, et répondre aux attentes des citoyens.
En février 2025, lors d’une conférence sur la gouvernance numérique à Abidjan, le Premier ministre Robert Beugré Mambé déclarait :
« Une administration numérique est une administration plus efficace, plus transparente et plus accessible »
(source : www.primature.ci).
Pour l’État ivoirien, il ne s’agit pas simplement de moderniser des procédures, mais de changer de paradigme, pour construire une administration plus agile, plus inclusive et orientée résultats.