En 2023, la production mondiale de cocaïne a atteint un niveau sans précédent avec 3 708 tonnes, selon le Rapport mondial sur les drogues 2025 de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Cette hausse de 34% par rapport à 2022 témoigne d’un marché en pleine expansion, porté par une offre surabondante, une demande en forte croissance et des réseaux criminels de plus en plus organisés. Dans un monde secoué par les crises géopolitiques, économiques et sociales, l’économie de la cocaïne prospère à une échelle mondiale inédite, posant un défi majeur aux États.
Le rapport indique que 316 millions de personnes ont consommé des drogues en 2023, soit 6% de la population mondiale âgée de 15 à 64 ans. Le cannabis reste la substance la plus consommée (244 millions d’usagers), mais la cocaïne progresse rapidement avec environ 25 millions de consommateurs. Si l’Amérique du Nord et l’Europe de l’Ouest demeurent les marchés historiques de cette drogue stimulante, de nouveaux foyers de consommation apparaissent, notamment en Afrique et en Asie. Cette évolution traduit une transformation profonde des routes du trafic, désormais plus diversifiées et moins prévisibles.
La croissance de la consommation va de pair avec l’explosion des saisies : 2 275 tonnes de cocaïne interceptées en 2023, soit une augmentation de 68% par rapport à la moyenne 2019-2023. Ces chiffres révèlent à la fois l’efficacité accrue des dispositifs de répression et, paradoxalement, l’ampleur de la production et du trafic. Les principaux pays producteurs – Colombie, Pérou et Bolivie – continuent de concentrer l’essentiel de la culture de la feuille de coca, tandis que les réseaux de distribution, souvent transnationaux, exploitent les failles de la gouvernance mondiale et les vulnérabilités créées par les conflits, les migrations forcées et les inégalités croissantes.
Derrière ces dynamiques, se dessine une économie parallèle d’une puissance considérable. Les profits générés par le commerce mondial de la cocaïne se chiffrent en dizaines de milliards de dollars chaque année. Ils sont recyclés dans des circuits de blanchiment sophistiqués, alimentant parfois des secteurs légaux comme l’immobilier, la logistique ou encore les marchés financiers. Cette économie souterraine, difficilement traçable, renforce le pouvoir de structures criminelles capables de rivaliser avec certaines institutions étatiques dans des régions fragiles.
Mais les réponses apportées restent largement insuffisantes. Malgré l’ampleur des saisies, une grande partie de la cocaïne échappe encore aux autorités. Le rapport de l’ONUDC alerte également sur le manque d’accès aux traitements pour les personnes souffrant de dépendance : seules une sur douze reçoit une aide appropriée. En France, par exemple, l’association Addictions France appelle à une inflexion des politiques trop centrées sur la répression au détriment de la prévention et des soins, soulignant l’urgence d’un rééquilibrage des approches.
Parallèlement, la montée en puissance des drogues synthétiques – comme le fentanyl et les nitazènes – aggrave la situation mondiale. En Amérique du Nord, les surdoses liées à ces substances ont connu une forte hausse, accentuant la pression sur les systèmes de santé et soulignant la porosité entre différents marchés de drogues.
L’explosion du marché de la cocaïne ne peut donc plus être considérée comme un simple enjeu de sécurité publique. Elle révèle les failles structurelles d’un ordre économique mondial où des réseaux criminels exploitent les vulnérabilités des sociétés modernes. Face à cette menace, l’ONUDC plaide pour une réponse globale, articulant coopération internationale, lutte ciblée contre les trafics, amélioration de l’accès aux soins et politiques de réduction des risques. Faute de quoi, les conséquences sociales, économiques et sanitaires pourraient devenir encore plus dévastatrices dans les années à venir.