Côte d’Ivoire / Immersion 2025 : un tremplin vers l’emploi ou un simple job d’été ?

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Côte d’Ivoire / Immersion 2025 : un tremplin vers l’emploi ou un simple job d’été ?
Côte d’Ivoire / Immersion 2025 : un tremplin vers l’emploi ou un simple job d’été ?

En cette entame du troisième trimestre 2025, le gouvernement ivoirien déploie un dispositif de grande envergure destiné à sa jeunesse : le programme de Stage d’Immersion 2025. Portée par l’Agence Emploi Jeunes sous l’égide du ministère de la Promotion de la Jeunesse, de l’Insertion professionnelle et du Service civique, cette initiative prévoit de sélectionner 50 000 jeunes, élèves ou étudiants âgés d’au moins 16 ans, pour les intégrer temporairement dans le monde professionnel dès le 30 juin 2025.

Ce programme, qui prend la forme d’un « job de vacances », s’inscrit dans un contexte où la transition entre l’école et l’emploi demeure particulièrement difficile. Si l’initiative est saluée pour sa portée sociale et son potentiel éducatif, elle soulève aussi plusieurs interrogations économiques sur sa capacité réelle à réduire le sous-emploi et favoriser l’insertion durable des jeunes.

Un chômage global trompeusement bas

Selon les données de Trading Economics, le taux de chômage en Côte d’Ivoire était estimé à 2,4% en 2023, un des plus faibles de la région ouest-africaine. Toutefois, ce chiffre masque une réalité plus nuancée : il ne prend pas en compte les jeunes qui exercent des activités précaires, informelles, ou qui ne cherchent plus activement un emploi par découragement.

Pour les jeunes âgés de 15 à 24 ans, le taux de chômage s’élevait à 3,98% la même année, selon The Global Economy. Mais là encore, cette donnée ne suffit pas à décrire l’ampleur des difficultés. D’après le ministère ivoirien de la Jeunesse, environ 400 000 jeunes quittent chaque année le système éducatif, pour un marché de l’emploi public qui n’absorbe qu’environ 15 000 d’entre eux.

Le manque d’expérience, obstacle récurrent

Ce déséquilibre entre offre et demande est aggravé par un frein structurel : l’inexpérience professionnelle. La plupart des entreprises, en particulier dans le secteur formel, réclament un minimum de pratique ou de familiarité avec le milieu de travail. Or, les stages académiques restent rares ou mal encadrés, et peu de jeunes parviennent à les valoriser.

C’est précisément ce déficit que le programme « Immersion 2025 » cherche à combler. Conçu comme un stage d’observation et de participation, il permet aux jeunes – du niveau Seconde jusqu’au Master – d’intégrer une structure professionnelle pendant la période des vacances scolaires. L’objectif affiché : découvrir les codes du monde du travail, développer une culture professionnelle de base et renforcer l’employabilité.

Une opportunité à fort potentiel, mais encore floue

Le programme est gratuit, aussi bien pour l’inscription que pour l’accompagnement, et disponible via une plateforme numérique (www.agenceemploijeunes.ci) ou dans les préfectures, sous-préfectures et guichets emploi à travers le pays. Cette accessibilité est un point fort.

Mais plusieurs zones d’ombre subsistent. Ni la durée exacte du stage, ni la nature des entreprises d’accueil, ni la possibilité de gratification ou d’attestation officielle n’ont été clairement précisées par l’Agence Emploi Jeunes. Or, ces éléments sont essentiels pour crédibiliser la démarche et éviter qu’elle ne soit perçue comme une opération symbolique ou cosmétique.

Une politique alignée sur la stratégie nationale

Le programme s’inscrit dans le cadre de la Stratégie nationale pour l’emploi des jeunes 2021–2025, qui vise la création de 1,77 million d’emplois durant cette période. Il vient compléter d’autres dispositifs en cours comme le Programme Jeunesse du Gouvernement, les prêts d’honneur, ou encore les soutiens aux startups jeunes et aux TPE.

Toutefois, selon les chiffres relayés par Statista, 67,6% de la population active en Côte d’Ivoire était considérée comme occupée en 2024, mais une part importante exerce dans l’informel, sans protection sociale ni perspective d’évolution. Le vrai défi n’est donc pas seulement de “donner un emploi”, mais de favoriser une insertion durable, formelle et qualifiante.

Structurer l’avenir ou repousser l’insertion ?

Interrogé par Abidjan.net en juin 2024, l’économiste ivoirien Youssouf Carius soulignait :
« L’enjeu n’est pas seulement de créer des stages, mais de construire des parcours d’employabilité. Il faut articuler immersion, formation continue et accompagnement vers un vrai emploi. »

Cette analyse pose la vraie question : le programme « Immersion2025 » marque-t-il le début d’un parcours structurant, ou représente-t-il un simple sas temporaire, qui, faute de suivi, se traduira par un retour à la case départ ?

Sans système de suivi, ni passerelle vers d’autres dispositifs d’insertion, les jeunes risquent de repartir dans le cycle bien connu : petits stages, longues attentes, reconversion non choisie ou repli sur l’informel.

Une ambition à transformer en levier structurel

Le lancement de Immersion2025 est un signal politique fort en faveur de la jeunesse. Dans un pays où plus de 70% de la population a moins de 35 ans, et où le dynamisme économique (avec une croissance autour de 6,5% par an) ne suffit pas à absorber tous les entrants sur le marché du travail, il faut aller au-delà des slogans.

Ce programme pourrait être le point de départ d’une nouvelle approche, centrée sur la continuité entre formation, expérience et accompagnement vers l’emploi formel. À condition que l’ambition soit suivie de moyens, de critères d’évaluation clairs, et d’un véritable engagement du secteur privé.

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