Alors que la production mondiale de pétrole est repartie à la hausse, le dernier rapport d’Afreximbank Research (juillet 2025) souligne les fragilités persistantes du marché, prises entre une offre en expansion, une demande hésitante et des tensions géopolitiques persistantes.
Une offre en progression, malgré des facteurs de tension
La reprise amorcée depuis début 2025 se confirme. Selon le rapport, la production mondiale de pétrole a augmenté de 411 000 barils par jour (b/j) en juillet, dans le prolongement de la réintégration progressive des volumes retirés fin 2023. À l’époque, l’OPEP+ avait procédé à des réductions volontaires de l’ordre de 2,2 millions de barils par jour (Mb/j) pour stabiliser les prix. Depuis avril, 1,4 Mb/j ont déjà été remis sur le marché, avec 0,8 Mb/j supplémentaires attendus dans les mois à venir.
Cette remontée de l’offre intervient dans un contexte encore marqué par des tensions géopolitiques. Certains pays membres de l’OPEP+ continuent de dépasser leurs quotas officiels, ce qui complique les efforts de coordination. Par ailleurs, la levée partielle des restrictions dans plusieurs pays producteurs accroît les volumes disponibles, contribuant à un potentiel excédent structurel.
Des prévisions de production en hausse, mais sous contraintes
Les estimations publiées par l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA) confirment la tendance haussière. L’EIA prévoit une production mondiale moyenne de 104,6 Mb/j en 2025, en augmentation de 1,6 Mb/j par rapport à 2024. Pour 2026, la hausse attendue est de 0,97 Mb/j.
Cependant, ces projections restent soumises à de nombreuses incertitudes. D’une part, certains pays producteurs cherchent à compenser les dépassements de quotas par d’autres ajustements internes. D’autre part, les sanctions économiques visant des acteurs majeurs comme la Russie, l’Iran ou le Venezuela pourraient réduire le volume de pétrole effectivement disponible sur le marché international, limitant l’ampleur de l’excédent attendu.
Une demande mondiale modérée et contrastée
Du côté de la demande, les signaux sont moins dynamiques. L’économie mondiale ralentit, avec une croissance estimée à 2,8% en 2025, contre 3,3% en 2024. Dans ce contexte, la demande de pétrole progresse mais à un rythme plus lent. L’EIA prévoit une hausse de 0,74 Mb/j en 2025, puis de 0,76 Mb/j en 2026.
Ces prévisions reflètent notamment la montée en puissance des véhicules électriques et les efforts de transition énergétique dans les économies avancées. Toutefois, cette tendance n’est pas uniforme. L’OPEP anticipe une demande plus soutenue, avec une hausse estimée à 1,3 Mb/j pour chacune des deux années, tirée principalement par les pays non membres de l’OCDE. En Asie, au Moyen-Orient ou encore en Amérique latine, la demande liée au transport, à l’industrie et à la climatisation estivale reste forte.
Quelles implications pour l’Afrique ?
Dans ce contexte instable, les économies africaines, pour beaucoup dépendantes des recettes pétrolières, doivent faire preuve de prudence. L’abondance de l’offre mondiale pourrait exercer une pression baissière sur les prix, réduisant les marges de manœuvre budgétaires des pays producteurs.
Néanmoins, certains États africains pourraient bénéficier d’un effet d’aubaine lié aux sanctions visant d’autres fournisseurs mondiaux. C’est notamment le cas de l’Algérie, membre actif de l’OPEP, qui dispose d’une capacité de production comprise entre 1 et 1,4 Mb/j. Le pays a réaffirmé son engagement à maintenir sa production, ce qui lui permettrait de consolider ses parts de marché dans un environnement concurrentiel.
Plus largement, la situation actuelle plaide pour une diversification des débouchés et une intégration régionale renforcée, à travers des alliances Sud-Sud ou des partenariats intra-africains, dans la logique de la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine).
Une équation toujours instable
Le marché pétrolier reste donc suspendu à plusieurs inconnues :
– Une surproduction potentielle, issue du retour progressif des volumes retirés en 2023,
– Une demande incertaine, freinée par la conjoncture mondiale et la transition énergétique,
– Des facteurs géopolitiques majeurs, entre sanctions, alliances stratégiques et différends internes à l’OPEP+.
Pour les pays africains, la priorité est double : surveiller de près les évolutions de prix tout en investissant dans la résilience économique. Les mois à venir seront décisifs pour évaluer l’équilibre à venir du marché.
Trois signaux à suivre de près :
1. L’évolution des sanctions internationales, notamment vis-à-vis de la Russie, de l’Iran et du Venezuela ;
2. Les nouvelles données trimestrielles de l’EIA, qui pourraient ajuster les prévisions de production et de demande ;
3. Les décisions de l’OPEP+, attendues dans les prochaines réunions ministérielles, concernant les niveaux de quotas et leur respect effectif.
Dans un environnement aussi volatil, la prudence stratégique est de mise. Le rapport d’Afreximbank le rappelle : le retour à l’équilibre du marché pétrolier ne sera ni linéaire, ni garanti.