Taxe sur le cuivre : une reconfiguration des échanges mondiaux, l’Afrique peut-elle en profiter ?

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Taxe sur le cuivre : une reconfiguration des échanges mondiaux, l’Afrique peut-elle en profiter ?
Taxe sur le cuivre : une reconfiguration des échanges mondiaux, l’Afrique peut-elle en profiter ?

Le président américain Donald Trump a annoncé, à la surprise générale, l’instauration d’une taxe de 50% sur les importations de cuivre, applicable dès le 1er août. Cette décision s’inscrit dans une série de mesures protectionnistes déjà amorcées depuis le début de l’année et vise à réduire la dépendance des États-Unis vis-à-vis de leurs partenaires étrangers pour l’approvisionnement en métaux critiques.

Cette annonce qui, au-delà de ses répercussions immédiates sur les marchés, soulève de nombreuses interrogations quant à ses implications géopolitiques et commerciales. Dans ce contexte, certains pays producteurs, notamment en Afrique, entrevoient des opportunités. Mais encore faut-il être en mesure de les saisir. Décryptage.

Une décision justifiée par la sécurité nationale

Métal clé de la transition énergétique, le cuivre est indispensable à la fabrication de véhicules électriques, d’éoliennes, de câbles ou encore de composants électroniques. Les États-Unis, qui dépendent à 50-60% des importations – principalement en provenance du Chili et du Canada – justifient cette nouvelle taxe par des considérations de sécurité nationale.

Le président Trump, lors d’un point presse cité par Reuters (8 juillet 2025), a affirmé que cette mesure visait à protéger les industries stratégiques américaines. Cette initiative fait suite à l’instauration, ces derniers mois, de taxes similaires sur l’acier, l’aluminium (50% en juin) et sur la majorité des biens importés (10% en avril). Elle intervient alors même qu’une enquête officielle sur les risques liés aux importations de cuivre ne devait rendre ses conclusions qu’en novembre prochain.

L’effet immédiat ne s’est pas fait attendre : les marchés ont réagi avec une flambée des prix. À New York, le cuivre a atteint 12 330 dollars la tonne, tandis qu’il franchissait la barre de 5,69 dollars la livre sur le Comex, établissant un nouveau record (Reuters, 8 juillet 2025).

Le Brésil dans la tourmente

Parallèlement, le Brésil a vu l’ensemble de ses exportations vers les États-Unis frappées par des droits de douane de 50%, une mesure que Washington justifie par des tensions politiques croissantes. L’administration Trump dénonce notamment le procès intenté contre l’ancien président Jair Bolsonaro, qualifié de « chasse aux sorcières », ainsi que des atteintes présumées à la liberté d’expression sous le gouvernement de Luiz Inácio Lula da Silva (Reuters, 8 juillet 2025).

Le Brésil, qui exportait pour 3,3 milliards de dollars de cuivre vers les États-Unis en 2021, voit ses perspectives commerciales s’assombrir. Le président Lula a dénoncé une mesure unilatérale et n’a pas exclu d’éventuelles représailles (Folha de S.Paulo, 9 juillet 2025). À court terme, le pays pourrait intensifier ses échanges avec la Chine, où ses ventes de cuivre ont déjà progressé de 180% au premier trimestre 2025 (OEC World). Toutefois, la réorientation des flux commerciaux ne se fera pas sans coût, notamment pour les industries minières et agricoles brésiliennes, fortement exposées au marché nord-américain.

L’Afrique en position d’attente

Face à ce bouleversement, certains pays africains producteurs de cuivre pourraient entrevoir une marge de manœuvre. La Zambie (environ 800 000 tonnes par an) et la République démocratique du Congo (près de 2 millions de tonnes) figurent parmi les principaux acteurs du secteur. Leurs exportations vers les États-Unis demeurent marginales, représentant à peine 2 à 3% des flux mondiaux (USGS 2024), mais le contexte pourrait les rendre plus visibles sur l’échiquier mondial.

Aux États-Unis, certains minerais stratégiques sont susceptibles d’être temporairement exemptés de surtaxes afin de sécuriser les chaînes d’approvisionnement internes. Le cuivre pourrait faire partie de cette catégorie, selon des analyses relayées par le Global Supply Chain Law Blog (2025), ce qui offrirait à certains pays tiers, dont des États africains, un accès privilégié au marché américain.

Par ailleurs, l’augmentation des prix internationaux pourrait stimuler les investissements dans les secteurs extractifs. En Zambie, des analystes cités par Bloomberg (9 juillet 2025) estiment que la situation pourrait renforcer l’attrait du pays pour les multinationales. Anglo American, par exemple, envisagerait un renforcement de ses activités en RDC.

Des contraintes structurelles persistantes

Cependant, ces perspectives restent théoriques sans réformes structurelles. Les infrastructures minières de nombreux pays africains, souvent vétustes ou sous-dimensionnées, constituent un frein majeur à l’augmentation de la production. En RDC, l’instabilité politique et les incertitudes réglementaires dissuadent encore de nombreux investisseurs. Un rapport de la Banque mondiale (2024) souligne que, sans amélioration du climat des affaires et des conditions logistiques, les pays africains risquent de passer à côté de cette fenêtre d’opportunité.

La volatilité des marchés représente un autre facteur de risque. Si les pays comme le Chili ou le Canada réorientent leurs exportations vers l’Asie ou l’Europe, un excédent de cuivre pourrait apparaître à moyen terme, entraînant une pression à la baisse sur les prix mondiaux. Ce scénario affecterait directement les pays africains, notamment les petites exploitations minières, moins résilientes face à la concurrence internationale.

Un impact mondial aux multiples facettes

Aux États-Unis, les premières conséquences de la taxe se font sentir dans l’industrie. Les secteurs de l’automobile, de l’électroménager ou du bâtiment, qui consomment massivement du cuivre, anticipent une hausse des coûts. Selon un économiste cité par le Wall Street Journal (9 juillet 2025), les prix des produits finaux pourraient grimper de 5 à 10% dès 2026, ce qui alourdirait la facture pour les ménages américains.

Dans le même temps, la Chine pourrait renforcer son influence, en devenant un refuge commercial pour les exportateurs marginalisés par la politique américaine. L’Afrique, tout comme le Brésil, pourrait alors se rapprocher davantage de Pékin, au risque d’accroître sa dépendance à un seul marché.

L’heure des choix pour l’Afrique

La taxe américaine sur le cuivre s’inscrit dans un mouvement plus large de redéfinition des priorités industrielles et commerciales. Si elle peut renforcer à court terme l’autonomie stratégique des États-Unis, elle accroît les tensions avec des partenaires clés comme le Brésil et modifie les équilibres du commerce mondial.

Pour l’Afrique, l’occasion est réelle mais conditionnée à une transformation en profondeur des conditions d’exploitation minière et d’attractivité pour les investisseurs. Sans investissements durables dans les infrastructures, sans garanties de stabilité politique et sans amélioration de la gouvernance, les opportunités actuelles pourraient rester lettre morte.

L’Afrique saura-t-elle faire de cette crise un levier de développement ? Plus que jamais, l’heure est à la stratégie.

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