« La microassurance a le plus grand potentiel de croissance dans la zone FANAF » Amara Mohamed Traoré, Directeur Pays de Inclusive Guarantee (partie 1)

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Amara Mohamed Traoré, Directeur Pays de Inclusive Guarantee parle dans cette interview du secteur de l’assurance en Afrique, des défis à relever et des opportunités à saisir.

La dernière assemblée de la FANAF a révélé que le marché africain de l’assurance connaît une marge de progression importante. Selon vous dans quel segment ou type d’assurance, cette marge de progression est-elle la plus significative ?

D’après les dernières études du cabinet McKinsey, l’Afrique, avec une croissance économique soutenue et un secteur de l’assurance sous-développé, est la deuxième région à la croissance la plus rapide pour l’assurance après l’Amérique latine. Avant COVID-19, le marché devait croître à un taux annuel de 7 % entre 2020 et 2025, surpassant l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie. Certaines branches comme l’assurance automobile, les assurances vies, et les microassurances enregistreront certainement des croissances significatives au cours des prochaines années.

Pour ce qui est de l’assurance automobile, les actions de digitalisation associées à l’augmentation continue des immatriculations de véhicules neufs auront un impact significatif sur le volume de primes collectées par les assureurs. En 2023, en Côte d’Ivoire les primes sur la branche automobile ont bondi d’au moins 23% grâce à la mise en place des assurances digitales qui réduisent considérablement les fraudes selon les derniers chiffres de l’ASACI.

Par ailleurs, la forte croissance de la classe moyenne induit de nouveaux besoins pour les populations africainses. Et bien que les assurances vie représentent seulement 37% des primes émises en zone FANAF en 2022, si on en analyse l’évolution au cours des 10 dernières années, vous noterez par exemple que de 2013 à 2022 les assurances vie ont enregistrées une croissance moyenne de 6,8% contre 3,1% pour les assurances non vie (Source : FANAF 2024).

Les assurances vies continueront à convaincre les africains vu le développement de nouveaux canaux de distribution tels que la bancassurance, et les opérateurs mobiles. Enfin, la microassurance a selon moi le plus grand potentiel de croissance dans la zone FANAF. L’Afrique connaît l’une des croissances démographiques les plus rapides au monde. Selon les projections des Nations Unies, la population africaine devrait doubler d’ici 2050, passant de 1,3 milliard de personnes en 2020 à environ 2,5 milliards.

Avec une grande partie de la population vivant avec des revenus modestes, la microassurance pourrait jouer un rôle crucial en offrant des protections accessibles et abordables. A cela il faut rajouter la nécessité de garantir une sécurité alimentaire à toute cette population, l’autosuffisance passera certes par la modernisation de l’agriculture, mais aussi par la démocratisation des assurances agricoles et indicielles. Mais nous aurons l’occasion de développer ces deux notions un peu plus tard dans cette interview.

Les exigences réglementaires sur la « solvabilité des acteurs locaux » sont-elles de nature à crédibiliser le secteur ou plutôt à ralentir son développement ?

Ces exigences réglementaires ont un double impact, comme la plupart des réformes. Effectivement, elles contribueront à crédibiliser le secteur en garantissant la stabilité financière des assureurs. Un client qui ne peut pas recevoir son indemnisation parce que son assureur initial n’a pas les moyens de respecter ses engagements perd toute confiance en notre système d’assurance. Mais si ces règles sont trop brusques, elles pourraient ralentir les acteurs nationaux et favoriser les grands groupes internationaux. Il est essentiel de trouver un équilibre pour favoriser la croissance des acteurs régionaux tout en maintenant la confiance des parties prenantes.

Le marché africain des assurances demeure encore très disparate en termes de taille et de degré de consolidation, 91 % des primes seraient concentrées dans une dizaine de pays seulement. Comment, selon vous, inverser cette tendance ?

En effet, les assurances sont plus développées dans certains pays que dans d’autres sur notre continent. Mais cette hétérogénéité est toujours cohérente avec la maturité économique des pays. Cette tendance pourra être inversée si les pays les moins développés misent plus sur la microassurance qui est la façon la plus efficace de capter des populations aux faibles revenus. Cela passera par les innovations non seulement dans les moyens de distribution mais surtout dans les garanties offertes aux assurés afin d’aligner les garanties sur les besoins des populations.

Ne pensez-vous pas que l’environnement sécuritaire préoccupant qui prévaut dans de nombreux pays africains, et notamment ceux du Sahel, pourrait compromettre le potentiel de développement du secteur, dans cette région ?

Le secteur des assurances est étroitement lié à la croissance des économies. Cette situation pourrait avoir pour effet de réduire les investissements tout en augmentant le coût de l’assurance en raison des risques d’instabilités. Toute instabilité, quel que soit sa nature biaise les modèles actuariels. Dans un tel cas, la prime pure augmente (car la probabilité de survenance d’un sinistre ne peut être maîtrisée), et ça se ressentira forcément chez l’assuré. Si les revenus baissent pendant que les primes augmentent, les gens préfèreront épargner plutôt qu’investir dans une assurance.

Avec Business Africa