L’agence de notation Moody’s est sous le feu des critiques. Le Mécanisme Africain d’Évaluation par les Pairs (APRM), un organisme de l’Union africaine, accuse l’agence d’avoir mal évalué la situation économique du Kenya. Dans un communiqué publié le 27 janvier 2025, l’APRM estime que Moody’s a pris des décisions précipitées et nuisibles à l’économie du pays.
Un changement de note controversé
En juillet 2024, Moody’s avait abaissé la note de crédit du Kenya à Caa1 avec une perspective négative. Cette décision intervenait en pleine crise politique, après les manifestations contre un projet de loi de finances jugé impopulaire. L’agence justifiait alors cette dégradation par une incertitude sur la stabilité budgétaire du pays.
Mais en janvier 2025, Moody’s a surpris tout le monde en révisant sa perspective du Kenya de négative à positive, tout en maintenant la note Caa1. Un changement brusque qui a fait réagir l’APRM. Selon l’organisme, il est rare qu’une agence de notation fasse un tel bond sans passer par une étape intermédiaire de stabilité. Pour lui, cette correction prouve que Moody’s avait mal jugé la situation en juillet 2024.
L’APRM va plus loin : il affirme que la première dégradation de la note était fondée sur des facteurs politiques et non économiques. À l’époque, le budget final du Kenya n’avait pas encore été adopté, et les données économiques complètes n’étaient pas disponibles. Moody’s aurait donc agi sur la base de spéculations, et non d’analyses solides.
Une accusation qui dépasse le cas du Kenya
Le communiqué de l’APRM ne se limite pas au Kenya. Il rappelle un cas similaire survenu en 2023 avec le Nigeria. Cette année-là, Moody’s avait abaissé la note du pays, anticipant une dégradation des finances publiques sous la nouvelle administration. Mais quelques mois plus tard, l’agence avait changé d’avis et amélioré la perspective du Nigeria, reconnaissant ainsi implicitement une erreur d’évaluation.
Pour l’APRM, ces erreurs de notation ne sont pas anodines. Elles ont des conséquences graves pour les pays africains. Une mauvaise note augmente le coût des emprunts sur les marchés internationaux. Elle pousse aussi les investisseurs à se méfier des obligations émises par les États africains, rendant plus difficile le financement des projets de développement.
L’organisme dénonce également une approche biaisée des agences de notation. Il estime que ces dernières appliquent des critères trop rigides aux pays africains, sans prendre en compte les réalités locales. Il appelle Moody’s et les autres agences à plus de rigueur et de patience avant de publier leurs évaluations.
Un débat plus large sur la notation des économies africaines
Ce nouvel épisode relance un débat de fond : les agences de notation internationales sont-elles trop sévères avec les pays africains ? Depuis plusieurs années, de nombreuses voix dénoncent des évaluations injustes qui compliquent l’accès au financement pour les économies du continent.
L’Union africaine elle-même s’intéresse de plus en plus à cette question. Elle encourage les pays africains à développer leurs propres outils d’évaluation, comme l’APRM, pour mieux défendre leurs intérêts face aux agences occidentales.
Le cas du Kenya pourrait donc être un tournant. Si les critiques de l’APRM trouvent un écho auprès d’autres institutions financières, Moody’s et ses concurrentes devront peut-être revoir leur façon d’évaluer les économies africaines. Une réforme qui pourrait changer la donne pour de nombreux pays en quête de financement sur les marchés internationaux.