Banque / Retour à la normale pour les titres nigériens : la BCEAO acte la fin d’un régime d’exception

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La Banque Centrale met un terme aux mesures spéciales sur les obligations souveraines du Niger, signe d’un apaisement sur le marché régional.

C’est une page qui se tourne pour le système bancaire ouest-africain. En effet, début avril 2025, la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a annoncé la levée des mesures temporaires appliquées au traitement comptable et prudentiel des titres publics émis par l’État du Niger. Ces titres reprennent désormais un traitement standard, identique à celui réservé aux autres obligations souveraines de l’Union Monétaire Ouest-Africaine (UMOA).

Cette décision ne relève pas seulement d’un ajustement technique : elle marque aussi un tournant dans le processus de réintégration financière du Niger, après une période de forte turbulence politico-économique.

Un soutien de crise devenu inutile

Retour en arrière. En août 2023, à la suite d’un coup d’État militaire à Niamey, les institutions régionales, dont l’UEMOA, avaient suspendu le pays et imposé des sanctions économiques. Parmi celles-ci figurait le gel de son accès au marché financier régional. Le Niger, soudainement coupé de ses sources classiques de financement, s’est retrouvé dans l’incapacité d’émettre ou de refinancer ses dettes.

Cette rupture a aussitôt mis sous pression les banques commerciales de la zone UMOA, détentrices d’importants volumes de titres publics nigériens. Pour prévenir une crise bancaire liée à une dévalorisation brutale de ces actifs, la BCEAO avait alors pris une mesure exceptionnelle en janvier 2024. Elle avait autorisé les établissements de crédit à continuer de classer ces obligations comme des créances saines, même si leur valeur de marché ou leur liquidité était incertaine.

La reprise du marché comme indicateur clé

La levée de cette dérogation exceptionnelle signifie que la situation s’est stabilisée. En clair : le Niger est à nouveau en mesure d’émettre, de placer et d’honorer ses engagements sur le marché financier régional. Ses interventions sont considérées comme normales, et sa dette redevient un actif souverain standard aux yeux de l’autorité monétaire.

Cette évolution est donc un double signal de confiance : d’une part, envers les autorités nigériennes, jugées désormais capables d’honorer leurs engagements ; d’autre part, envers les investisseurs et banques de l’UMOA, invités à reprendre une lecture classique du risque souverain nigérien.

Rétablir une cohérence réglementaire

Pour les banques commerciales, cela implique le retour aux exigences habituelles de comptabilisation et de provisionnement. Désormais, les titres émis par le Trésor nigérien devront être évalués selon les critères prudentiels standards, sans traitement de faveur. Ce retour à la norme renforce la cohérence du cadre réglementaire commun, socle indispensable à la stabilité financière de l’Union.

Car si la dérogation avait pu se justifier à titre temporaire, elle avait introduit un précédent délicat : celui d’un traitement différencié entre dettes souveraines au sein d’une même union monétaire. En mettant un terme à ce régime d’exception, la BCEAO rappelle que tous les États membres doivent être soumis aux mêmes règles, quelle que soit leur situation politique interne.

Un geste technique à portée politique

Au-delà de l’aspect comptable, la décision de la BCEAO véhicule un message politique fort : celui du retour à la solidarité régionale et à la discipline commune. Pendant la crise, le régulateur monétaire avait été contraint de faire preuve de flexibilité pour préserver la stabilité du système bancaire. Cette période d’ajustement touche à sa fin.

Cela dit, tout n’est pas encore gagné pour Niamey. La levée des mesures exceptionnelles ne signifie pas que les défis structurels du pays sont derrière lui. Il devra poursuivre ses efforts pour regagner la pleine confiance des investisseurs, garantir la continuité de ses paiements et démontrer sa capacité à mobiliser des ressources de manière soutenable.

Une Union résiliente qui referme un épisode sensible

Pour l’ensemble de l’UMOA, cette décision permet de tourner la page d’une crise délicate, sans rupture majeure dans la stabilité monétaire. Elle illustre la résilience du cadre institutionnel régional face à une situation politique extrême. Elle rappelle aussi que l’intégrité du marché régional repose sur des règles communes, que même les circonstances exceptionnelles ne peuvent remettre en cause indéfiniment.

En somme, ce retour au droit commun n’est pas seulement une note administrative : il reflète un rééquilibrage progressif entre flexibilité et rigueur dans la gestion collective de la stabilité financière ouest-africaine.

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