La République démocratique du Congo (RDC) et les États-Unis intensifient leurs discussions pour un accord majeur sur les minerais critiques. Lors d’une récente visite à Kinshasa, un haut conseiller américain a rencontré le président Félix Tshisekedi. Objectif : stimuler les investissements privés dans le secteur minier congolais. Mais ce partenariat, aux enjeux colossaux, suscite autant d’espoirs que de questions.
La RDC abrite des richesses minérales exceptionnelles. Elle produit 70% du cobalt mondial, essentiel pour les batteries des véhicules électriques. Ses gisements de lithium, cuivre et coltan attirent les regards. Face à la domination chinoise, qui contrôle 75% du secteur minier congolais, les États-Unis veulent sécuriser leur approvisionnement. Cet accord pourrait redessiner la géopolitique des ressources critiques.
Les négociations ne datent pas d’hier. Dès 2019, Tshisekedi évoquait un partenariat avec Washington. En février 2025, le sénateur congolais Pierre Kanda Kalambayi a relancé les discussions, proposant un accès privilégié aux gisements en échange d’une aide sécuritaire. En mars, un proche du président s’est rendu à Washington. La rencontre d’avril à Kinshasa marque une étape clé.
L’est de la RDC, riche en minerais, reste instable. Le groupe rebelle M23, accusé d’être soutenu par le Rwanda, contrôle des zones minières stratégiques. Ces milices tirent des millions de dollars du commerce illégal de coltan. Kinshasa espère un soutien américain – formation, équipements, voire bases militaires – pour stabiliser la région.
Les États-Unis, eux, misent sur leurs entreprises privées. L’administration Trump, fidèle à sa doctrine « America First », veut encourager les investissements sans engager directement l’État. Problème : aucune grande firme minière américaine n’opère actuellement en RDC. Les risques liés à l’insécurité et à la corruption freinent les ardeurs.
Le président Tshisekedi insiste sur un partenariat équitable. Il veut que la RDC transforme ses minerais sur place, créant des emplois et de la valeur ajoutée. Un modèle inspiré de l’accord renégocié avec la Chine en 2024. Mais la transparence inquiète. Des ONG, comme La Sentinelle des Ressources Naturelles, dénoncent des discussions opaques. L’opposition, menée par la plateforme Lamuka, craint un « bradage » des richesses nationales.
Les défis sont nombreux. La plupart des concessions minières sont déjà attribuées, souvent à des firmes chinoises. Renégocier ces contrats serait complexe. De plus, la gouvernance congolaise, critiquée pour sa « kleptocratie », alimente le scepticisme. « Un accord sans réforme structurelle profitera aux élites, pas au peuple », prévient Jean-Pierre Okenda, analyste minier.
L’opinion publique congolaise est partagée. Sur les réseaux, certains saluent une diversification des partenaires. D’autres redoutent une nouvelle forme d’exploitation. « Les minerais doivent servir les Congolais, pas seulement les puissances étrangères », écrit un utilisateur sur X.
Les États-Unis avancent prudemment. Des financements pour des entreprises opérant en RDC sont envisagés, selon Bloomberg. Mais une présence militaire directe semble improbable. « Washington préférera des solutions indirectes, comme le soutien à des partenaires régionaux », estime Stephanie Wolters, experte en géopolitique africaine.
Cet accord, s’il aboutit, pourrait transformer la RDC en pivot stratégique. Pour Tshisekedi, c’est une chance de renforcer son pouvoir face aux crises internes. Pour Washington, c’est une opportunité de contrer Pékin. Mais sans transparence ni réformes, le rêve d’un partenariat « gagnant-gagnant » risque de rester hors de portée.