Inégalités de genre en Afrique : des progrès visibles, des obstacles structurels

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Inégalités de genre en Afrique : des progrès visibles, des obstacles structurels
Inégalités de genre en Afrique : des progrès visibles, des obstacles structurels

L’Afrique subsaharienne continue de réduire ses inégalités de genre, mais à un rythme trop lent pour espérer atteindre la parité avant un siècle. Selon le Global Gender Gap Report 2025 du Forum économique mondial, la région a comblé 68% de son écart global entre hommes et femmes. Des avancées notables ont été réalisées, notamment en matière de représentation politique et d’entrepreneuriat. Mais des freins persistants — mariages précoces, économie informelle, inégalités numériques — ralentissent la dynamique. Décryptage d’un équilibre encore fragile.

Des trajectoires contrastées entre pays

En 2025, l’Afrique subsaharienne se classe sixième sur huit régions mondiales analysées, derrière l’Europe et l’Amérique du Nord. Depuis 2006, elle a gagné 5,6 points sur l’indice global. Un progrès réel, mais inégal selon les pays. La Namibie (8e mondiale) et le Rwanda (12e) affichent des niveaux de parité dépassant les 80%. Ces performances s’expliquent par des politiques volontaristes, notamment l’adoption de quotas dans les institutions politiques.

À l’opposé, des pays comme le Tchad (57%) ou la République démocratique du Congo (61%) enregistrent peu d’évolution. Les inégalités y restent profondément ancrées dans les structures sociales, éducatives et économiques.

Économie : un potentiel féminin sous-exploité

Les femmes sont au cœur des économies africaines. Elles dirigent un tiers des entreprises, et produisent jusqu’à 70% des denrées alimentaires. Pourtant, leur participation économique reste faible dans les statistiques formelles : le score régional atteint seulement 68,1%. En cause, la prédominance de l’économie informelle et des emplois précaires, dans lesquels les femmes sont surreprésentées.

Les écarts entre pays sont là encore marqués. Le Botswana, avec un score de 87,3%, tire son épingle du jeu grâce à un environnement économique plus inclusif. À l’inverse, le Tchad (44,4%) illustre l’exclusion persistante des femmes de l’économie structurée.

Le numérique, nouvel accélérateur d’inégalités

L’écart d’accès aux technologies aggrave la fracture économique. En Afrique subsaharienne, seulement 34% des femmes utilisent l’internet mobile, contre 50% des hommes. Cet écart numérique limite leur accès à la formation, aux services bancaires, et aux opportunités d’emploi. Le Forum économique mondial alerte sur ce frein croissant à l’autonomisation économique des femmes.

Éducation : des progrès encore fragiles

Avec un score de 85,6%, l’Afrique subsaharienne se classe dernière au monde pour l’égalité dans l’éducation. Si l’écart s’est réduit de 5,2 points depuis 2006, de fortes disparités demeurent. Le Tchad (66,7%) ou la Guinée (73,2%) illustrent les défis liés aux mariages précoces, au travail domestique ou à la pauvreté.

Fait encourageant, les femmes surpassent aujourd’hui les hommes dans l’enseignement supérieur dans plusieurs pays. Mais cet avantage reste limité à une minorité, en particulier dans les zones urbaines.

Santé : des indicateurs en trompe-l’œil

La région affiche un score élevé (97,1%) en matière de santé et de survie, notamment en raison d’un bon équilibre démographique entre sexes à la naissance. Mais derrière ce chiffre, le taux de mortalité maternelle reste parmi les plus élevés au monde : quatre fois supérieur à la moyenne mondiale, selon l’OMS. L’accès aux soins prénatals et obstétriques reste inégal, en particulier dans les zones rurales.

Représentation politique : des avancées, mais peu de femmes au sommet

La participation des femmes à la vie politique connaît des avancées notables. En 2025, la région atteint un score de 22,2% en autonomisation politique, mieux que certaines régions du Moyen-Orient ou d’Asie. Le Rwanda reste en tête mondiale avec un parlement paritaire. Plusieurs pays — comme l’Afrique du Sud, l’Éthiopie ou le Sénégal — ont aussi instauré des quotas qui ont permis d’atteindre une représentation ministérielle féminine de 40,2% en moyenne.

Toutefois, seules 3,2% des années de pouvoir exécutif dans la région ont été exercées par des femmes. Les femmes restent rares à accéder à la tête de l’État ou aux ministères régaliens.

Un potentiel encore bridé

Le rapport du Forum économique mondial souligne qu’au rythme actuel, il faudra 102 ans pour combler l’écart total entre les sexes en Afrique subsaharienne. Ce délai reflète la persistance d’obstacles structurels : mariages précoces, polygamie, inégalités foncières, manque d’infrastructures éducatives ou sanitaires. L’accès limité au numérique, à la formation et au capital constitue un frein majeur à la pleine inclusion des femmes.

Et pourtant, les gains potentiels sont énormes. Des études de la Banque mondiale estiment qu’un accès égalitaire à l’emploi et aux ressources pourrait ajouter des milliards de dollars au PIB de la région chaque année.

Accélérer le mouvement : les leviers d’action

L’Afrique dispose de plusieurs leviers pour accélérer le changement :

  • investir dans l’éducation des filles et la lutte contre les mariages précoces,
  • combler l’écart numérique entre hommes et femmes,
  • renforcer les politiques de quotas dans les sphères économiques et politiques,
  • améliorer la collecte et la transparence des données sur les inégalités.

Les exemples de la Namibie, du Rwanda ou du Botswana montrent que des progrès rapides sont possibles avec une volonté politique forte et des politiques ciblées.

Pour aller plus loin : Global Gender Gap Report 2025, disponible sur www.weforum.org

Top-10 africain en égalité hommes-femmes en 2025:

1- Namibie (8e mondiale)
2- Cap-Vert (30e)
3- Afrique du Sud (33e)
4- Rwanda (39e)
5- Liberia (40e)
6- Burundi (44e)
7- Eswatini (46e)
8- Zimbabwe (49e)
9- Mozambique (53e)
10- Tanzanie (55e)

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