Banques CEMAC : alerte sur une concentration des risques devenue structurelle

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La 14e réunion annuelle de concertation entre la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC) et la profession bancaire de la CEMAC s’est tenue le 23 juin 2025 à Bangui. L’occasion pour les régulateurs et les banquiers de poser un diagnostic sans complaisance : la concentration des financements bancaires sur quelques contreparties, notamment les États, atteint un niveau préoccupant. Une dynamique qui expose le système bancaire à des risques majeurs de stabilité.

Des créances en souffrance et une exposition au risque souverain inquiétante

Dans son discours d’ouverture, le Président de la COBAC et Gouverneur de la BEAC, Yvon Sana Bangui, a rappelé que plus de 17% des crédits bruts étaient en souffrance à fin mars 2025. Un niveau élevé qui reflète les tensions accumulées dans les bilans bancaires. Plus préoccupant encore : les financements sont de plus en plus concentrés sur un nombre réduit de contreparties, en particulier les États.

Une « reconfiguration progressive des financements », selon Félix Ndzie, Directeur de la Surveillance Permanente à la COBAC, qui fragilise les équilibres prudentiels et restreint la capacité des banques à financer l’économie réelle. Face à ce constat, la COBAC envisage plusieurs mesures correctrices, bien que leur contenu n’ait pas été détaillé à ce stade.

Limiter les titres publics, encourager la culture du remboursement

Du côté de la profession bancaire, des propositions ont été formulées pour contenir ce risque systémique. Félix Njoumé, président de l’Association professionnelle des établissements de crédit en Centrafrique, a souligné la nécessité de diversifier les actifs bancaires en réduisant la part des titres publics dans les bilans. Il a également insisté sur l’importance d’ancrer une culture du remboursement auprès de la clientèle pour améliorer la qualité du portefeuille de crédit.

Plusieurs participants ont aussi évoqué les obstacles judiciaires à l’exécution des garanties, appelant à une réforme du cadre légal et à la création d’un fonds régional de garantie afin de mutualiser les risques.

De nouvelles règles pour encadrer la conformité et l’agrément

La question de la stabilité ne se limite pas à la gestion du risque de crédit. Le renforcement du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FTP) a également été au cœur des débats. Emery Tchoussi Bah, représentant de la COBAC, a présenté les lignes directrices du nouveau règlement, destinées à faciliter son application concrète par les établissements.

Autre sujet stratégique abordé : l’agrément unique dans la CEMAC, présenté par Marcel Ondelé, Secrétaire Général de la COBAC. Ce nouveau mécanisme vise à harmoniser les conditions d’exercice bancaire dans l’espace communautaire et à simplifier l’expansion régionale des établissements de crédit.

La BEAC adapte son dispositif de refinancement

Pour accompagner le secteur, la BEAC a présenté les réformes de son guichet spécial de refinancement, à travers une communication de Mahamat Nassour Habib Doutoum, Directeur de la Stabilité Financière. L’objectif affiché est clair : renforcer l’accès à la liquidité pour les banques tout en maintenant une gestion prudente des risques monétaires et financiers.

Des attentes fortes pour une gouvernance bancaire concertée

Au-delà des présentations, les débats ont mis en lumière plusieurs chantiers à approfondir : la publication régulière des indicateurs d’activité bancaire, une implication accrue des Trésors publics dans la gestion du risque de concentration, et la nécessité de mieux partager les données sur les PME pour améliorer leur scoring.

Les participants ont également plaidé pour l’organisation d’un forum régional élargi à l’ensemble des acteurs économiques, afin de réfléchir collectivement à un financement plus équilibré des économies nationales.

Un équilibre à trouver entre rentabilité et prudence

En clôture des travaux, le Gouverneur Sana Bangui a réaffirmé la nécessité de trouver un juste équilibre entre les exigences de rentabilité des banques et les impératifs de stabilité du système financier. Dans une zone CEMAC confrontée à des vulnérabilités économiques structurelles, ce défi s’annonce aussi complexe qu’urgent.

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