Mali – Barrick Mining : Réouverture sous contrôle judiciaire, tensions toujours vives

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Mali – Barrick Mining : Réouverture sous contrôle judiciaire, tensions toujours vives
Mali – Barrick Mining : Réouverture sous contrôle judiciaire, tensions toujours vives

Fermé depuis avril dans un climat de contentieux fiscal, le bureau de Barrick Mining à Bamako a été rouvert le 23 juin, mais reste placé sous surveillance judiciaire. Ce nouveau développement illustre l’impasse persistante entre l’État malien et le géant canadien de l’or.

Le bras de fer engagé depuis plus d’un an entre le gouvernement malien et Barrick Mining a connu un nouveau tournant avec la réouverture officielle du bureau de la société à Bamako. L’administration fiscale, qui avait scellé les locaux en avril pour « défaut de paiement d’impôts », a levé les scellés, mais sous la supervision d’un administrateur judiciaire désigné par la justice.

Selon le communiqué officiel, c’est Soumana Makadji, ancien ministre malien de la Santé, qui a été nommé administrateur provisoire chargé de piloter cette phase de transition. Il devra veiller à la relance progressive des opérations et à la conformité des activités avec les nouvelles exigences légales.

Une crise déclenchée par la réforme du code minier

Le différend entre Bamako et Barrick a éclaté en 2023, avec l’adoption d’un nouveau code minier par les autorités de transition. Ce texte, qui vise à accroître la participation de l’État dans l’exploitation des ressources naturelles, permet à l’État malien de détenir jusqu’à 35% des parts dans les projets miniers, contre 20% auparavant.

Barrick, qui exploite le complexe aurifère Loulo-Gounkoto dans l’ouest du pays, n’a pas modifié la structure de son capital : 80% pour l’entreprise, 20% pour l’État, une répartition jugée désormais insuffisante par le gouvernement malien, alors que l’or représente plus de 75% des recettes d’exportation du pays (source : Banque mondiale, données macroéconomiques 2024).

Mise sous administration judiciaire du complexe Loulo-Gounkoto

Le 11 juin 2024, le tribunal de commerce de Bamako a décidé de placer le complexe minier Loulo-Gounkoto sous contrôle judiciaire, confié à un administrateur provisoire pour une durée de six mois. Cette mesure exceptionnelle intervient après plusieurs mois de contentieux autour d’impôts et redevances que l’État estime impayés, pour un montant contesté par la compagnie.

Barrick a toujours nié toute irrégularité fiscale et affirme avoir rempli ses obligations contractuelles, notamment dans le cadre du protocole signé avec le gouvernement malien en octobre 2023, qui prévoyait le versement de 85 millions de dollars, selon les déclarations publiques de la société (source : Barrick, résultats du T3 2024).

Arbitrage international en cours

Face aux blocages, Barrick a saisi en janvier 2025 le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). La société conteste la légalité de certaines décisions maliennes, notamment la saisie de près de trois tonnes d’or en fin d’année 2024 et la suspension de ses exportations.

Le groupe, coté à Toronto et New York, souligne que le complexe Loulo-Gounkoto représentait 14% de sa production mondiale d’or en 2023, soit l’un de ses actifs les plus stratégiques sur le continent.

Le Mali entre souveraineté économique et risque réputationnel

Avec cette reprise sous tutelle, Bamako poursuit sa politique de reprise en main des ressources nationales, dans la lignée des annonces faites par la junte au pouvoir depuis 2021. Le ministre malien des Mines avait d’ailleurs affirmé, en août 2023, que « l’État ne pouvait plus être spectateur dans l’exploitation de son propre sous-sol » (source : communiqué du Ministère des Mines, août 2023).

Mais cette fermeté comporte un risque : affaiblir la confiance des investisseurs étrangers, déjà échaudés par l’affaire Barrick. D’autres opérateurs comme Resolute Mining ou B2Gold, également présents au Mali, suivent de près l’évolution du contentieux, alors que le secteur aurifère représente plus de 10% du PIB du pays (source : FMI, 2024).

La réouverture encadrée du bureau de Barrick Mining à Bamako ne signe pas la fin du bras de fer. Elle révèle, au contraire, un affrontement plus large entre exigences de souveraineté et respect des contrats d’investissement. Alors que le contentieux suit son cours devant les juridictions internationales, la production reste suspendue, et les exportations toujours bloquées.

La relance effective de la mine de Loulo-Gounkoto dépendra désormais de la capacité des deux parties à trouver un terrain d’entente – juridiquement viable, politiquement acceptable et économiquement durable.

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