Washington convoque l’Afrique : Cinq pays pour un virage stratégique

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Washington convoque l’Afrique : cinq pays pour un virage stratégique
Washington convoque l’Afrique : cinq pays pour un virage stratégique

Du 9 au 11 juillet 2025, la Maison-Blanche accueille un sommet inédit entre les États-Unis et cinq pays africains. Objectif affiché : rompre avec la logique d’aide au développement au profit de partenariats commerciaux ciblés, dans une perspective stratégique globale.

Alors que la Chine, la Russie, l’Union européenne et les pays du Golfe étendent leur influence en Afrique, les États-Unis cherchent à repositionner leur présence sur le continent. C’est dans ce contexte que le président Donald Trump, entamant son second mandat, reçoit à partir de ce mercredi 9 juillet 2025, à Washington les dirigeants de cinq États africains : le Gabon, la Guinée-Bissau, le Libéria, la Mauritanie et le Sénégal.

Selon Reuters (2 juillet 2025), cette rencontre est la première d’une série d’initiatives diplomatiques à visée économique, portées par l’administration Trump. Elle se distingue des précédents sommets Afrique–États-Unis par son format restreint et sa finalité opérationnelle : sceller des accords rapides, dans un cadre bilatéral, autour du commerce, de la sécurité et de l’accès aux ressources critiques.

Un sommet ciblé et assumé comme tel

Le choix des cinq pays invités ne relève ni du hasard ni du protocole. Ces États sont jugés politiquement stables, ouverts à la coopération bilatérale et stratégiquement utiles aux intérêts américains. Ils disposent également de ressources naturelles convoitées, notamment des minerais stratégiques indispensables aux technologies de transition énergétique.

Le Sénégal et la Mauritanie, par exemple, partagent le champ gazier offshore Grand Tortue Ahmeyim, exploité en partenariat avec BP et Kosmos Energy. Le Gabon reste un producteur majeur de pétrole et de manganèse. La Guinée-Bissau et le Libéria, bien que plus modestes, offrent des débouchés portuaires et un positionnement géographique d’intérêt pour les routes maritimes et les flux commerciaux de l’Afrique de l’Ouest.

Des enjeux géoéconomiques majeurs

D’après le média kenyan Switch TV (3 juillet 2025), les discussions ont porté sur trois axes : la sécurisation des chaînes d’approvisionnement en minerais critiques, la signature de nouveaux accords commerciaux, et le renforcement de la coopération sécuritaire dans les zones de transit de drogues et de migrations illégales.

En toile de fond, les États-Unis cherchent à contrer l’influence croissante de la Chine, qui a investi plus de 155 milliards de dollars dans les infrastructures africaines entre 2000 et 2022, selon les données du China Africa Research Initiative (CARI) de l’université Johns Hopkins. La Russie, de son côté, s’implante via des accords militaires et sécuritaires, souvent opaques, notamment au Sahel.

L’administration Trump entend réagir en misant sur une approche qualifiée de « diplomatie transactionnelle ». Selon un haut responsable cité par Semafor (1er juillet 2025), les ambassadeurs américains en poste en Afrique seront désormais évalués sur la base des résultats économiques tangibles obtenus : signature de contrats, facilitation de projets d’investissement, protection des intérêts stratégiques américains.

Une méthode qui interroge

Cette méthode, axée sur les résultats concrets et la réciprocité immédiate, contraste fortement avec l’approche multilatérale et fondée sur l’aide qui prévalait sous les administrations précédentes. Elle est perçue comme brutale par certains analystes, qui s’inquiètent de l’absence de garde-fous sur les plans environnementaux, sociaux ou démocratiques.

À ce stade, peu d’informations ont filtré sur les accords en cours de négociation. Il n’est pas encore établi si les États africains auront pu faire valoir leurs priorités, notamment en matière d’industrialisation locale, de transfert de technologies ou de création d’emplois. Le risque d’un partenariat déséquilibré, où les matières premières sont extraites sans valeur ajoutée pour les pays producteurs, reste présent.

Le Nigeria écarté : un signal diplomatique

L’absence du Nigeria dans la liste des pays invités a suscité de nombreuses interrogations. Première économie africaine en termes de PIB, géant démographique de plus de 220 millions d’habitants, le Nigeria entretient pourtant des relations historiques avec les États-Unis.

Selon le journal nigérian ThisDayLive (4 juillet 2025), cette exclusion serait liée à la complexité institutionnelle du pays, à l’absence de mécanismes rapides de contractualisation et aux tensions commerciales survenues ces dernières années. D’autres observateurs y voient un message clair : Washington privilégie désormais les pays considérés comme agiles, réactifs et prêts à signer des accords rapides, au détriment des puissances africaines traditionnelles.

Une nouvelle doctrine américaine en Afrique ?

Ce sommet s’inscrit dans une redéfinition plus large de la stratégie américaine sur le continent. L’objectif n’est plus l’aide au développement, mais le rendement stratégique : accès à des matières premières critiques, sécurisation de corridors commerciaux, et constitution d’alliances politiques à géométrie variable.

À court terme, l’intérêt mutuel peut paraître évident. À long terme, les équilibres restent fragiles. Plusieurs ONG et think tanks africains alertent déjà sur le besoin d’intégrer des clauses de durabilité et de souveraineté économique dans ces futurs accords.

Le sommet de Washington marque une inflexion majeure dans les relations entre les États-Unis et l’Afrique. En optant pour une diplomatie contractuelle, l’administration Trump affirme une vision utilitariste des partenariats. Reste à savoir si les pays africains invités sauront tirer pleinement profit de cette exposition diplomatique sans céder sur leurs intérêts fondamentaux.

Ce virage stratégique, s’il se confirme, annonce une recomposition des alliances sur le continent, et une redistribution des cartes dans le grand jeu de la compétition internationale pour les ressources africaines.

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