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  • 01/12/2025

Guinée‑Bissau : Entre putsch militaire, narcotrafic et fragilité économique, une nation suspendue à l’incertitude

La Guinée‑Bissau, fragile mosaïque d’institutions et de richesses naturelles, est de nouveau plongée dans l’incertitude. Le 26 novembre 2025, des tirs ont éclaté près du palais présidentiel à Bissau, et peu après, l’armée annonçait qu’elle prenait le contrôle du pays, suspendant le processus électoral et destituant le président Umaro Sissoco Embaló. Si ce coup d’État résonne comme un énième épisode d’instabilité dans un pays habitué aux secousses politiques, ses conséquences économiques et sociales menacent d’être plus tangibles et plus durables que les cris et les tirs du moment.

 

L’impact se fait sentir immédiatement. La CEDEAO, inquiète de la fragilité institutionnelle, a suspendu la Guinée‑Bissau de ses organes décisionnels, tandis que l’Union africaine a dénoncé l’action des militaires et exigé la libération des personnes détenues.

 

Dans un pays où l’aide extérieure et les financements internationaux constituent une bouée de sauvetage pour le budget et les projets de développement, cet isolement régional équivaut à un frein brutal sur l’économie. Les investisseurs étrangers, déjà hésitants, observent la situation avec méfiance, pesant chaque décision avec prudence, conscients que la stabilité politique est la clé de tout engagement durable.

 

L’économie bissau-guinéenne repose largement sur la production agricole, et plus spécifiquement sur la noix de cajou. Cette culture représente près de 95% des exportations du pays, et sa bonne santé conditionne directement la balance commerciale et les devises disponibles pour financer les importations et le fonctionnement de l’État.

 

En 2023, la production avait atteint 260 000 tonnes, marquant une hausse notable par rapport à l’année précédente. Mais cette dépendance à un seul produit rend le pays particulièrement vulnérable aux perturbations, qu’elles soient climatiques, logistiques ou politiques. Avec un gouvernement suspendu et un climat de tension, les circuits d’exportation risquent de se bloquer, menaçant les revenus des producteurs et la stabilité des marchés.

 

Au‑delà de l’agriculture, la Guinée‑Bissau est régulièrement pointée par les observateurs internationaux comme un point de transit majeur pour le trafic de stupéfiants vers l’Europe. Cette réalité contribue à fragiliser l’État, nourrit la corruption et renforce certains réseaux de pouvoir parallèles.

 

Dans ce contexte, le coup d’État ne se résume pas à un affrontement militaire : il s’inscrit dans une dynamique où les alliances et les intérêts économiques clandestins jouent un rôle clé. Chaque décision politique ou militaire peut se traduire en contrôle de flux financiers et d’influence, accentuant l’incertitude économique et la fragilité des institutions.

 

Pour les acteurs économiques et financiers, la question est donc moins de savoir qui commande à Bissau que de comprendre l’ampleur de l’incertitude à venir. Le gel des aides extérieures, la suspension de la Guinée‑Bissau par la CEDEAO, et la crainte de perturbations dans les secteurs clés comme la noix de cajou ou l’infrastructure logistique créent un environnement où la prudence devient impérative.

 

Les entreprises locales, confrontées à la hausse des coûts et à un accès plus difficile aux financements, risquent de subir un ralentissement significatif, tandis que les bailleurs et investisseurs étrangers attendront des signaux de stabilité avant de s’engager à nouveau.

 

Le coup d’État de novembre 2025 illustre une fois de plus la fragilité structurelle de la Guinée‑Bissau, mais il met surtout en lumière les défis économiques et sécuritaires qui accompagnent la turbulence politique. La survie et la croissance de l’économie bissau-guinéenne dépendront non seulement de la résolution de la crise politique, mais aussi de la capacité du pays à diversifier ses sources de revenus, à sécuriser ses circuits d’exportation et à restaurer la confiance des partenaires régionaux et internationaux.

 

Dans ce récit, chaque décision politique se traduit directement en conséquence économique, et chaque perturbation institutionnelle devient une histoire de production, d’exportation, de narcotrafic et de survie économique.