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  • 01/12/2025

Tourisme / Zimbabwe : Le gouvernement déroule le tapis rouge aux investisseurs

Le Zimbabwe a longtemps eu ce paradoxe qui amuse les économistes : un des patrimoines naturels les plus spectaculaires d’Afrique australe, mais un secteur touristique empêtré dans une bureaucratie si dense qu’elle finissait par faire fuir les plus motivés. Et voilà que, depuis quelques mois, Harare décide de changer le script – avec une énergie qui ressemble aux grandes campagnes de rattrapage économique.

 

Cette fois, le tourisme n’est plus traité comme un secteur “sympa à avoir”. Il devient un pilier stratégique, le genre de pilier qu’on polit, qu’on allège et qu’on protège, parce qu’il doit rapporter des devises, attirer des investisseurs et générer des emplois à grande échelle.

 

Le cœur de la transformation commence par un ménage réglementaire qui ressemble à un démontage complet du vieux système de licences. Les coûts, autrefois dissuasifs, s’effondrent. Les hôtels, notamment les 5 étoiles qui payaient plus de 5 000 dollars pour renouveler leur licence, profitent désormais d’un tarif qu’on croirait négocié en période de soldes. La licence tombe à 2 000 dollars.

 

Les petites maisons d’hôtes voient leurs frais divisés par plus de trois. Et certaines exigences jugées archaïques disparaissent simplement, comme les licences d’alcool que personne ne comprenait vraiment. L’Autorité du tourisme du Zimbabwe prend seule les commandes, digitalise tout le processus, et transforme la lourdeur administrative en simple formalité.

 

Dans l’ombre de cette simplification, le gouvernement glisse un deuxième étage de fusée : les incitations. Elles ne concernent plus seulement les hôtels et les tour-opérateurs, mais tout l’écosystème – aviation, écotourisme, tourisme communautaire, événementiel.

 

Les permis pour les bateaux commerciaux sont supprimés, ceux des houseboats sont coupés de moitié, tandis que les frais pour les avions deviennent presque symboliques. Les restaurants et agences de voyage, longtemps étranglés par des coûts irrationnels, respirent enfin. On comprend le message : l’État veut densifier les investissements, encourager les expansions, fluidifier les opérations. Pour un pays qui veut redevenir un hub touristique sérieux en Afrique australe, c’est presque un prérequis.

 

Mais un secteur touristique ne se réveille jamais par décret. Il se réveille grâce aux routes, aux aéroports, aux postes-frontières. Harare l’a bien compris et multiplie les chantiers visibles : Beitbridge, longtemps réputé pour ses files interminables, se modernise ; l’aéroport de Victoria Falls continue sa montée en gamme ; les corridors touristiques reçoivent un lifting destiné à réduire les frictions. Ce n’est pas glamour, mais c’est essentiel : un touriste heureux commence toujours par être un touriste qui a voyagé sans stress.

 

À côté de ces investissements lourds, une offensive plus subtile se déploie : un marketing renouvelé, tourné vers le monde. Le Zimbabwe envoie un signal clair aux compagnies aériennes, aux groupes hôteliers, aux plateformes internationales. Le pays veut se repositionner comme destination sûre, prévisible, ouverte, connectée.

 

Les partenariats s’enchaînent, la ZTA prend le lead, et le privé est explicitement invité à co-investir dans l’image du pays. Le tourisme, ici, n’est pas traité comme une affaire de brochures mais comme un secteur d’exportation à part entière, avec ses règles, ses risques et ses ambitions.

 

Reste un dernier pilier, peut-être le plus décisif pour les investisseurs : la gouvernance. Le Zimbabwe tente de refermer la parenthèse des années d’incertitudes légales en renforçant les dispositifs de protection des investisseurs. La ZIDA muscle ses garanties, les systèmes de règlement des litiges sont revus, et les coûts d’entrée – longtemps jugés prohibitifs – sont eux aussi rabotés. La licence d’investissement générale, autrefois hors de portée, se stabilise à 4 000 dollars sur trois ans. Même les zones économiques spéciales deviennent plus accessibles.

 

Dans cette orchestration, tout converge vers un récit économique cohérent : un État qui cherche à redevenir compétitif, à attirer les capitaux et à repositionner son tourisme comme moteur de transformation. Le Zimbabwe rêve encore de son horizon 2030 et de son statut de pays à revenu intermédiaire supérieur. Pour y arriver, il a besoin d’un secteur touristique moderne, rentable, structuré, capable de nourrir des chaînes de valeur entières – de l’aviation à l’agrotourisme, du MICE au tourisme communautaire.

 

Les signaux envoyés sont clairs, presque impatients. Aux investisseurs, le Zimbabwe dit : “venez, c’est le moment”. Aux opérateurs locaux : “saisissez les nouvelles marges”. Aux touristes : “la maison est en train de redevenir accueillante”.

 

Il reste du travail, bien sûr. Mais le mouvement est lancé, et cette fois, il ressemble à une vraie stratégie – pas à une simple annonce. Dans un continent où la bataille pour les devises se joue parfois sur un détail, Harare a décidé d’avancer vite, fort et avec une feuille de route assumée. Un pari qui, s’il est tenu, pourrait bien reconfigurer le paysage touristique d’Afrique australe.