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  • 01/12/2025

Maritime / Nigéria : Quand Lagos décroche un siège à l’OMI, c’est toute l’Afrique qui avance

Le 28 novembre 2025, le Nigéria a décroché son ticket pour la catégorie C du Conseil de l’Organisation maritime internationale. Une victoire qui dépasse largement les frontières du pays et qui oblige, d’une certaine manière, le continent à se regarder dans le miroir. Car cet événement touche à l’un des enjeux les plus silencieux mais les plus déterminants de notre époque : la place réelle de l’Afrique dans la gouvernance mondiale du transport maritime, cette artère vitale qui fait circuler près de 80 % du commerce international.

 

Depuis Londres, où siège l’OMI, le continent n’a jamais été totalement absent, mais il s’est rarement imposé comme un bloc audible. Quelques États ont, au fil des années, réussi à s’installer dans le Conseil, mais souvent de manière isolée, fragmentée, presque discrète. L’Égypte y apparaît depuis longtemps comme l’un des membres africains les plus réguliers. Le Maroc a su se faire une place au fil des scrutins. Le Kenya conserve un siège presque sans interruption depuis deux décennies. Et le Libéria, souvent méconnu par le grand public, figure même dans la prestigieuse catégorie A, aux côtés des puissances maritimes majeures, grâce à son rôle stratégique dans l’industrie du pavillon international.

 

D’autres pays, comme Madagascar ou le Ghana, ont également marqué l’histoire africaine de l’OMI en étant parmi les premiers à y accéder. Mais malgré ces noms, malgré ces efforts individuels, la réalité demeure implacable : l’Afrique est, encore aujourd’hui, sous-représentée dans une organisation dont les décisions régissent les normes de sécurité, d’environnement, de construction navale, de commerce maritime et de mobilité globale. Autrement dit, une institution qui touche directement la souveraineté économique des États côtiers, la fluidité des échanges et la place de chaque pays dans les chaînes de valeur mondiales.

 

C’est précisément ce contexte qui donne au siège obtenu par le Nigéria une portée beaucoup plus vaste que l’euphorie d’un soir. En renforçant son influence au sein de l’OMI, Lagos ne gagne pas seulement une voix ; il ouvre une brèche. Il rappelle que l’Afrique peut, lorsque la stratégie est cohérente et portée au plus haut niveau, entrer dans les espaces où se façonnent les règles du commerce mondial. Et il crée, par effet d’entraînement, un moment de lucidité pour tous les autres corridors portuaires du continent : Abidjan, Dakar, Lomé, Tema, Port-Saïd, Tanger Med, Durban.

 

Dans les couloirs du ministère nigérian de la Marine et de l’Économie bleue, la victoire est présentée comme la résultante logique du travail mené par Adegboyega Oyetola. Mais dans les capitales africaines, elle résonne autrement : comme un rappel que l’influence internationale ne se mendie pas. Elle se construit. Elle se gagne. Elle se cultive.

 

Alors que le commerce maritime entre dans une nouvelle ère — digitalisation des ports, transition énergétique, nouveaux standards de sûreté, recomposition des routes — l’Afrique n’a plus le luxe d’attendre qu’on lui fasse une place. Le siège nigérian est un signal clair : lorsqu’un pays africain avance, c’est tout le continent qui retrouve un peu plus de poids dans un monde où la mer reste la première caisse de résonance de la puissance économique.

 

Ce qui s’est joué le 28 novembre 2025 n’est donc pas un simple succès diplomatique. C’est un chapitre de plus dans la lente mais irréversible montée en puissance du continent sur la scène maritime mondiale. L’Afrique n’observe plus. Elle s’installe, elle influence, elle revendique. Et elle le fait là où cela compte le plus : là où se décide le commerce du futur.