Exclusif : En faillite ? « Nous sommes bien loin de ce sort » Serge Pokou , PDG de Stane Assurance

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Depuis le 1er juillet 2017, Stane International est devenue Stane Assurance. Le prétexte est tout trouvé pour aller à la découverte de ce petit poucet qui a déstabilisé la hiérarchie de l’assurance en Côte d’Ivoire, dès son entrée sur le marché en 2014. Serge POKOU, PDG de Stane Assurance nous parle des perspectives de sa compagnie et revient sur les mois de turbulences qu’elle vient de traverser.

 
 

BankassurAfrik : Bonjour Monsieur POKOU, présentez-vous à nos lecteurs svp

Serge POKOU : Je suis Serge Pokou, 37 ans, marié et père de deux adorables filles. Je suis le Fondateur et le Président Directeur Général de Stane Assurance, une nouvelle compagnie d’assurance qui a démarré ses activités le 1er juillet 2017 après avoir obtenu son agrément le 20 juin 2017, sur avis favorable de la Cima (Conférence Interafricaine des marchés d’assurances) à sa session du 13 mai 2017.
 

BA : Depuis le 1er juillet, Stane International est devenue Stane Assurance. Pourquoi ce changement de dénomination ? Est-ce toujours la même entité ?

SP : Ce n’est pas un simple changement de dénomination qui s’est opéré. C’est une histoire qui a démarré en 2009 par le développement des solutions informatiques pour le marché des assurances dont l’une des applications a servi dès 2014 à la gestion de portefeuilles santé pour le compte d’organismes assureurs et de mutuelles. Nous sommes aujourd’hui compagnie d’assurance avec une identité juridique et une philosophie nouvelles. Stane Assurance est un assureur innovant qui présente des produits accessibles à tous sur toute la chaîne de valeur de l’assurance non-vie (santé, accidents, auto, habitation, risques d’entreprise, caution, transport) avec un accent mis sur un service de proximité en cas de sinistre.
 

BA : Revenons donc à la genèse de cette aventure. Comment vous vient l’idée de créer Stane International ?

SP : C’est d’abord un projet de deux jeunes ivoiriens : Richard Ninmin et moi-même. L’idée était d’apporter une solution pérenne pour répondre aux besoins de couverture médicale de 95% de nos compatriotes, exclus des régimes conventionnels d’assurance. Nous nous sommes appuyés sur le mécanisme de la solidarité et de l’entraide pour modéliser ce phénomène social que professionnalise l’assurance.
Ainsi, en cas de maladie, d’accident ou de maternité, chaque citoyen peut garder la tête haute et faire face aux débours sans avoir à s’indigner de la précarité qui peut naître d’une telle situation.
 

BA : En 2016, un communiqué du Ministère de l’Economie et des Finances ivoirien, paru dans la presse, mettait en garde les consommateurs et les invitait même à s’abstenir de souscrire des contrats d’assurance auprès de Stane International. Quelles en étaient les raisons ? Cela a-t-il un lien avec votre changement de dénomination ?

SP : Au moment des faits, nous avions déjà engagé le processus pour être assureur. Le plus important était d’aller jusqu’au bout du processus et nous avons réussi notre démarche avec le concours de la Direction des Assurances et du Ministère. Ils ont porté et défendu avec rigueur et élégance notre dossier jusqu’à l’obtention du suffrage de la CIMA et la signature de l’agrément d’exercer des opérations d’assurance non-vie.  Le grand défi, maintenant, c’est de réaliser l’activité en prodiguant la qualité de service d’assurance et d’assistance que sont en droit d’exiger nos frères et sœurs de Côte d’Ivoire.
 

Serge POKOU, PDG de Stane Assurance

 
 
« Aujourd’hui les difficultés qui subsistent, relèvent de problèmes surmontables »

 

BA : Ces derniers mois, nous avons également observé des plaintes récurrentes de vos assurés, dont les réseaux sociaux s’en sont fait l’écho, à propos de dysfonctionnements au niveau de Stane. Je vous citerai entre autres la réduction du réseau des pharmacies et centres de soins conventionnés, les plaintes des prestataires pour des retards de paiements ou tout simplement d’impayés et par conséquent refusent vos clients, l’augmentation du montant des primes.  Ces plaintes sont-elles avérées ? Si oui, viens alors la question que beaucoup de personnes se posent, Stane serait en elle en faillite ?

 
SP : Nous sommes bien loin de ce sort. Nous avons fait le choix de la transparence et des réseaux sociaux, en particulier Facebook, plateforme sur laquelle nous revendiquons plus de 200 000 fans.
Mais comme vous devez le savoir, les difficultés que nous avons rencontrées sont liées à tout ce parcours du combattant pour la création de Stane Assurance. C’est un chemin de croix qui a été le nôtre. La priorité majeure pour moi était l’agrément pour continuer à exister. Aujourd’hui les difficultés qui subsistent, relèvent de problèmes surmontables. Nous travaillons dans le sens de créer un climat de confiance entre les prestataires médicaux et nous en réduisant chaque mois le délai de paiement des factures.
S’agissant des augmentations tarifaires, il faut plutôt parler d’ajustement, car c’est la sinistralité qui définit la prime d’année en année. Nous avons certes les frais de gestion que nous avons su minimiser grâce à la technologie, mais le coût moyen des prestations par assuré suit une tendance à la hausse au fil des ans.
D’ici à 2018, des changements sont annoncés pour permettre à Stane de se focaliser sur sa nouvelle fonction de gestionnaire de risque. La gestion des prestations sera externalisée et nous aiderons les partenaires à prendre une option sur l’administration technologique des régimes de santé.
 

BA : Aujourd’hui, le processus est terminé et la compagnie Stane Assurance a lancé ses activités. Qu’est ce qui change pour vos adhérents ?

SP : Nous ne parlons plus d’adhérents mais d’assurés. Sur la santé, nous allons continuer à promouvoir de nouvelles innovations que nous dévoilerons au fil de l’eau. Sur les autres assurances, notamment l’automobile, l’habitation, globalement les risques du particulier ainsi que les risques d’entreprise, nous voulons donner un service axé sur l’assistance.
Aujourd’hui quand vous souscrivez un contrat d’assurance habitation, le risque mis en avant est l’incendie alors qu’il s’agit d’un événement d’occurrence rare. Par contre, à des fréquences régulières, nous avons des soucis du quotidien : une serrure bloquée, un problème avec l’étanchéité, un incident électrique.
Stane Assurance veut inaugurer une assistance à ce niveau-là de sorte à être présente assez souvent dans la vie de ses assurés.
 

BA : A ses débuts, Stane intervenait comme prestataire et travaillait en collaboration avec NSIA et la GNA pour certaines particularités. Cette collaboration se poursuit-elle ?

SP : Le but de notre projet était d’être autonome. Nous remercions tous ceux qui nous ont accompagné dans notre démarche. Aujourd’hui, nous sommes un assureur et nous assumons pleinement ce statut.
 

BA : L’un des slogans de Stane « Utiliser la technologie pour favoriser l’accès à l’assurance à toutes les couches sociales ».  En ce moment, où tout le monde parle de digitalisation, expliquez-nous, comment Stane assurance met la technologie au service de l’assurance ?

SP : La technologie a pour avantage de créer un service de proximité entre le client et l’entreprise. L’assurance est un métier dont le principe est immuable. En revanche, la digitalisation, du point de vue de l’assureur, favorise le time-to-market par une mutualisation fulgurante et aide à réduire remarquablement les frais d’exploitation. Elle facilite la vie de l’assuré par un gain de temps et d’argent sur les étapes de souscription et de prise en charge. Ainsi la dématérialisation, la désintermédiation et la démonétisation sont au cœur des nouveaux enjeux du métier sur lesquels Stane entend jouer sa partition. Tout en contribuant à vulgariser massivement l’assurance qui est restée, paradoxalement à son essence, un produit de luxe.
 

« Vulgariser massivement l’assurance qui est restée, paradoxalement à son essence, un produit de luxe »

 

BA : Quelles mutations voyez-vous dans le secteur de l’assurance en Côte d’Ivoire et en Afrique pour les 5, 10 prochaines années ?

SP : Au niveau organisationnel, il y aura une concentration car la recapitalisation des compagnies d’assurance à 5 milliards Fcfa est effective depuis le 1er juin 2016.  Coté offre, l’assurance va naturellement évoluer vers le service et l’assistance.
La technologie sera l’épicentre du dispositif de l’assurance dans les toutes prochaines années. On ne fera plus l’assurance comme aujourd’hui où les assurés interagissent avec l’assureur à toutes les étapes de la vie du contrat. On pourra communiquer avec un robot intelligent pour la majorité des actes à accomplir. Notamment la souscription et le paiement en ligne, la signature électronique des contrats, l’attestation d’assurance numérique, les contrôles policiers par flash du code QR, les déclarations de sinistre via smartphone, les indemnisations par mobile money.
Stane travaille avec âpreté et pugnacité pour exister dans ce monde à venir.
 

BA : On dit souvent que ceux qui portent un projet novateur ne sont pas assez aidés par leur entourage, par leur environnement. Avez-vous rencontré des freins lorsque vous avez décidé de fonder votre entreprise ? Si oui, lesquels et comment vous les avez contournés ?

 
SP : Il fallait surmonter l’idée de pouvoir faire de l’assurance maladie pour les particuliers et à grande échelle. Einstein dit que « Si une idée ne parait pas d’abord absurde, alors il n’y a aucun espoir qu’elle devienne quelque chose ».
La première chose a été de bâtir une ingénierie très complexe pour rendre cela possible. Après la mise en place de l’activité, il a fallu affronter l’adversité d’une concurrence farouche. Il y a un paradoxe bien connu chez nous qui commande que les acteurs d’un même marché se battent pour les miettes laissées sur la table quand le pain se trouve en dessous, juste à leurs pieds.
J’ai bénéficié du soutien de ma famille, des proches, des amis entrepreneurs, de la solidarité des anciens de Yamoussoukro (Lycée Scientifique et INP-HB). Egalement de la sympathie des anciens collègues et de la jeunesse du secteur des assurances, de la confiance des prestataires médicaux et de l’accueil favorable des Ivoiriens à qui notre activité est destinée.
Je retiens dans cette aventure le concours et l’aide que m’ont apportés mes proches et les inconnus plutôt que les obstacles qui jalonnent le chemin de tout entrepreneur.
 

BA : L’argent est souvent cité comme un frein à l’entreprenariat et vous depuis le début de cet entretien, vous n’en avez pas fait cas. Cela veut dire que vous avez toujours pu trouver facilement vos partenaires financiers ?

SP : Je ne parlerai pas de partenaires financiers pour le moment parce que les fonds qui ont permis à cette société d’exister proviennent de ce que l’on appelle la « love money ». C’est-à-dire  nos propres ressources, ceux de nos amis et de nos parents. Pour moi, ce qu’il y a de plus important c’est le trésor que regorge l’activité elle-même. La nature nous démontre cela. Vous semez un grain de maïs, il vous donne plusieurs épis, vous semez les grains récoltés, ils vous donnent davantage d’épis. C’est l’effort qui fournit la ressource.
 

BA : Peut-on envisager une possible transformation bancassurance à l’exemple du groupe Nsia de Jean Kacou Diagou ?

SP : Stane est un bébé qui est né il y a peu de temps. Il faut s’en occuper, l’aider à grandir et lui permettre de gagner sa propre indépendance. Ce que je veux faire de Stane, c’est la porter à l’asymptote du possible, puis la laisser elle-même définir les conditions de son évolution future.
 

BA : Quelqu’un a dit, « en matière d’entreprise il n’y a rien de nouveau, on ne fait qu’adapter ce qui existe déjà aux besoins du moment. ». Quels conseils pourriez-vous donner à des entrepreneurs qui considèrent certains secteurs comme fermés et hésitent à s’y engager.

SP : D’abord, il convient de faire ce que l’on aime parce que l’acte d’entreprendre est très contraignant. Il y a deux choses fondamentales à savoir ensuite. On ne peut pas entreprendre par procuration : rester dans son bureau et dire à son frère de gérer une activité pour soi. On ne peut encore moins entreprendre avec les moyens d’autrui. Il faut fournir ses propres ressources par le capital que l’on remet dans le business et le temps que l’on sacrifie à la tâche.
Je conseille enfin de ne pas attendre une rentabilité financière pour soi mais espérer le dividende qui est distribué au progrès social, culturel et économique de la nation.
 

BA : Votre mot de fin

SP : Mon dernier propos est une citation profonde d’Houphouët-Boigny laissée dans le livre d’or du Lycée Scientifique de Yamoussoukro à son inauguration en avril 1978. Elle résume le rôle des pouvoirs publics, la vision à entretenir pour l’avenir, le temps de l’effort et la quête du bien-être pour tous.
« En misant sur sa jeunesse, un pays, quel que soit l’état de son développement, prend la meilleure des assurances pour être présent aux rendez-vous de l’Histoire, et l’avenir que celle-ci nous promet appartiendra, qu’on le veuille ou non, à la Science, à la Technique, et à la Technologie, moyen le plus puissant d’éliminer le sous-développement, dont le fardeau stérilise à la base, toute promesse de progrès culturel et social. »
 
 
Propos recueillis par Viviane YOBOUE

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