Directeur Général des compagnies Allianz CI Assurances Vie et Allianz CI assurances TIARD, Mamadou G K KONE est depuis le 29 avril 2021, président de l’Association des Sociétés d’Assurance de Côte d’Ivoire (ASACI). Elu avec son Bureau exécutif, pour trois ans, par acclamation, en remplacement de Bakayoko Saliou, dont le mandat a pris fin, le nouveau président de l’ASACI, aborde dans cet entretien exclusif sa feuille de route et les grands enjeux du secteur de l’assurance en Côte d’Ivoire et dans la zone de la Conférence interafricaine des marchés d’assurance (CIMA).
Comment présenter Mamadou G K Koné, quel est son parcours académique et professionnel ?
Je suis effectivement Mamadou G K KONE. En termes de parcours académique, comme la plupart des cadres du secteur des assurances en Afrique francophone, je suis diplômé de l’Institut International des Assurances (IIA) de Yaoundé. Dans la logique de ma formation de base en mathématiques, je suis également diplômé d’actuariat de l’école de Statistiques de Paris (ENSAE PARIS). Enfin, je suis également titulaire d’un MBA obtenu à la London Business School où je me suis spécialisé sur les questions de stratégie, de leadership et de transformation des organisations.
En matière de parcours professionnel, Après avoir commencé ma carrière chez l’Assureur AXA Côte d’Ivoire et à la Direction Nationale des Assurances de Côte d’Ivoire (Ministère de l’Economie et des Finances), j’ai exercé pendant 10 ans à Libreville au siège de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances (CIMA) que j’ai quitté en Mars 2010 en tant que Commissaire Contrôleur en Chef. Dans la même année, j’ai rejoint le groupe Allianz en tant que Directeur Général Adjoint de sa filiale vie ivoirienne puis Directeur Général de la même filiale à partir de Septembre 2014. En février 2020, j’ai été nommé Administrateur Directeur Général des filiales IARD et Vie du groupe Allianz en Côte d’Ivoire.
Parallèlement à mes fonctions de Directeur Général, j’ai été pendant 6 ans Membre du Comité des Experts de la CIMA et du Bureau Exécutif de la Fédération des Sociétés d’Assurances de Droit National Africaines (FANAF). A ces divers titres, j’ai travaillé au développement des marchés africains en insistant depuis plusieurs années sur la nécessaire transformation de nos organisations et de nos pratiques.
Vous êtes depuis le 30 avril 2021 président de l’ASACI. Quelles sont les points saillants de votre feuille de route ?
Notre feuille de route peut être résumée en 5 points forts à partir desquels nous voulons mettre notre industrie en chantier :
- L’accélération de la cadence de règlement des sinistres et l’amélioration de la qualité de service.
- La recherche de nouveaux relais de croissance pour donner au secteur des assurances un nouveau souffle dans son développement.
- La transformation digitale de nos processus pour aboutir à l’excellence opérationnelle et donc mieux servir nos clients.
- La redynamisation des relations avec le régulateur tout en renforçant la place de l’auto régulation dans notre industrie.
- La réforme de notre faitière pour faire de l’ASA CI un interlocuteur incontournable et crédible pour l’Etat de Côte d’Ivoire, pour les autorités de régulation, pour les autorités fiscales et pour toutes les autres parties prenantes de l’écosystème.
Quelle est la typologie du marché ivoirien de l’assurance ? Quelles sont les parts de l’IARD comparée à la vie ?
Le marché des assurances en Côte d’Ivoire compte 32 compagnies d’assurances dont 11 sociétés d’assurances vie et 21 sociétés d’assurances non vie. En 2020, nous avons réalisé un chiffre d’affaires global de 415 milliards de F CFA dont 232 milliards de F CFA pour l’assurance non vie (56%) et 183 milliards de F CFA pour l’assurance vie (44%). Avec ces chiffres, nous nous rapprochons à grands pas des standards des grands marchés d’assurance où ce sont les assurances vie qui dominent l’industrie devant les assurances non vie.
Vous avez pu noter à travers différentes publications que le Marché a réalisé en dépit de la pandémie de la COVID 19 un taux de croissance de 6 % dont 8,6% pour les branches Vie et 4% pour les branches non vie (Incendie Accidents Risques Divers). On constate donc que les branches vie ont plus cru en 2020 que les branches non vie. Ce n’est pas une tendance isolée dans la mesure où sur les 10 dernières années, les branches vie ont connu un taux moyen annuel de croissance à long terme de 9% contre 8% pour les branches non vie.
En dépit de sa position de leader de la CIMA, la Côte d’Ivoire reste confrontée à un faible taux de pénétration de l’assurance ?
Mesurée en part des primes d’assurances dans le PIB, le taux de pénétration de l’assurance en Côte d’Ivoire est de 1,3%. Il est très faible comparé à l’énorme potentiel de croissance des primes d’assurance dont regorge le pays. Comparé à certains pays, le taux de pénétration mesuré en part du PIB tourne autour de 10% dans des pays comme la France et 13% pour l’Afrique du Sud du fait des assurances retraite. Nous nous sommes à 1,3% et nul besoin de préciser que le gap est énorme. C’est d’ailleurs pour cette raison que la recherche de nouveaux gisements de croissance est inscrit dans le top 3 des actions prévues dans le plan stratégique 2021_2023 de notre Bureau Exécutif.
Les jeunes représentent 70% de la population ivoirienne. Comment cette catégorie est-elle prise en compte dans votre feuille de route ?
Vous avez certainement raison s’agissant de l’importance des jeunes dans nos populations. L’Afrique est en effet un continent jeune et de plus en plus jeune. Depuis quelques années, on assiste en Côte d’Ivoire comme sur une bonne partie du continent à une mutation sociétale portée par les jeunes générations et certaines catégories sociales, bouleversant les codes de la consommation de biens et de services. Ces jeunes générations sont plus exigeantes et mieux formées. Elles veulent du plus vite et du moins cher. Parallèlement, ces jeunes ont porté haut la révolution technologique en Afrique caractérisée en grande partie par le succès du téléphone mobile qui transforme toute la société, influe sur les transactions et conditionne le succès de toute initiative économique. Le consommateur jeune veut désormais le meilleur de tout. La moindre insatisfaction est facilement relayée sur la toile et amplifiée. Toutes ces questions liées à la jeune génération sont prises en comptes dans les points 1 à 3 de notre feuille de route mentionné ci-haut.
Nous devons d’abord reformer rapidement nos système d’information et notre modèle organisationnel pour les adapter au monde du digital. Nos systèmes d’informations et nos structures organisationnelles sont en effet lourds, anciens voire inadaptés à l’agilité requise dans la nouvelle relation client. Nous devons donc casser les silos «Produits» qui caractérisent nos sociétés pour donner plus de transversalité «clients» à nos actions. Dans cette nouvelle approche, les clés d’une expérience client réussie reposent sur une batterie d’actions dont celle de faire de la gestion des sinistres un excellent levier de fidélisation et conquête des clients. A l’égard des sociétés membres de l’ASA CI, nous disons que les maitres mots devant caractériser notre industrie à l’ère du nouveau client sont co-construction, technologie, formation, agilité et créativité.
Quel est votre plan d’actions pour développer le secteur de l’assurance en Côte d’Ivoire ?
La mise en œuvre des différents chantiers contenus dans notre feuille de route repose d’abord sur un plan opérationnel 2021-2022 comprenant 65 actions reparties à travers des équipes de travail composées des membres du Bureau Exécutif. Ces équipes devraient s’appuyer sur les commissions techniques de l’ASA CI et sur le Secrétariat Général pour mettre notre industrie en chantier et lui donner un nouveau visage à même de rassurer plus que par le passé tous nos partenaires. Il est évident que cela passera par une réforme des structures opérationnelles de notre faitière pour les rendre plus efficaces et plus productrices de résultats.
Pouvez-vous faire un point des réformes majeures du secteur des assurances dans la zone CIMA ?
La période 2015 à 2019 a été marquée par un vaste programme de reformes réglementaires au point que certains ont parlé de frénésie réglementaire sans précédent. A la décharge du régulateur, cette situation était justifiée par un certain nombre de dysfonctionnements dont la lenteur dans le paiement de certains sinistres, l’importance des frais de fonctionnement, l’absence de transparence dans certains contrats et la faiblesse des systèmes d’information.
Sur cette base et tenant compte d’un contexte mondial qui à l’époque était favorable à plus régulation dans le monde de la finance, notre régulateur avait engagé un vaste programme de réformes reposant sur cinq axes :
- Rééquilibrer au profit des assurés le partage des valeurs créées par les opérations d’assurance
- Renforcer la qualité de la gouvernance des entités d’assurance et de réassurance
- Améliorer la qualité de service
- Renforcer les fonds propres et le provisionnement technique
- Augmenter la rétention locale.
Une radioscopie de ces réformes sur la plupart de nos marchés dont la Côte d’Ivoire montre qu’elles n’ont pas toutes donné les résultats escomptés. Le cas le plus emblématique est celui de la micro-assurance, branche dans laquelle les assureurs n’ont pas constaté de réelles incitations à y opérer tant sur le plan technique, commercial et même fiscal. A contrario, le renforcement des fonds propres avec le capital social minimum à trois milliards de F CFA a donné plus capacités aux compagnies d’assurance pour prendre plus de risques et accroitre la rétention nationale des primes. L’enseignement principal que nous tirons de ces réformes est que les assureurs à travers leurs différentes faitières devront être associées de façon plus soutenue pour que les reformes réglementaires pressent en compte les vents nouveaux de digitalisation qui soufflent sur notre écosystème. Notre association est prête à apporter son expertise dans ce cadre.
Avec FA