En Afrique, le secteur des assurances connait une croissance soutenue depuis des décennies. Cette croissance serait cependant à relativiser car elle serait, dans certains pays, la résultante d’une forte croissance économique, qu’une augmentation réelle du taux de pénétration qui reste généralement inférieur à 1%, exception faite de l’Afrique du Sud, du Maroc, de la Tunisie et du Kenya.
La croissance réelle des primes d’assurance demeure en deçà de la croissance à deux chiffres, généralement présentée dans les différents rapports et études.
Quel est le potentiel de développement du secteur et quelles sont les principales réformes à adopter afin de lui insuffler un nouveau souffle ? Jean Damascène Nignan, Directeur Général du Groupe UAB livre son point de vue.
La dernière assemblée de la FANAF a révélé que le marché africain de l’assurance connaît une marge de progression importante. Selon vous dans quel segment ou type d’assurance, cette marge de progression est-elle la plus significative ?
Les données publiées sont celles à fin 2022 et concernent douze marchés sur les quatorze de la zone CIMA. Elles présentent les évolutions entre 2013 et 2022 d’une part et les médianes de 2013 à 2022 d’autre part. De cette analyse, on observe une très bonne évolution sur la branche Vie avec des taux de croissance sur la période atteignant plus de 40% dans certains pays comme le Bénin, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. C’est le résultat de réformes structurelles et d’une certaine discipline tarifaire sur les produits Décès. L’automobile et la santé continuent de progresser également avec une croissance de plus de 20% sur la moitié des marchés concernés.
Les exigences réglementaires sur la « solvabilité des acteurs locaux » sont-elles de nature à crédibiliser le secteur ou plutôt à ralentir son développement ?
Vous faites sans doute référence au capital minimum des sociétés Non Vie qui devrait passer de trois à cinq milliards au 31 décembre 2024. C’est difficile d’apporter une réponse tranchée. Les marchés sont bien différents et les arguments pour ou contre sont nombreux. Cela ne concerne pas que les acteurs locaux dans la mesure où ces exigences règlementaires s’imposent à toutes les compagnies de la zone. La solvabilité des acteurs est primordiale pour la crédibilité du secteur. Je pense que le but ultime de l’ensemble des parties prenantes c’est d’avoir un secteur de l’assurances performant qui joue son rôle de moteur de nos économies au profit des populations. Il est donc important de contextualiser pour tenir compte de l’évolution significative de l’environnement au cours de ces dernières années.
Le marché africain des assurances demeure encore très disparate en termes de taille et de degré de consolidation, 91 % des primes seraient concentrées dans une dizaine de pays seulement. Comment, selon vous, inverser cette tendance ?
Cette configuration est le reflet de la taille des économies des différents pays. On dit que l’assurance est un moteur et un marqueur de l’économie d’un pays. Tant que Les économies africaines seront disparates, nous aurons des marchés de l’assurance disparates. Vous verrez que la concentration des primes d’assurance dans ces pays est quasi proportionnelle à la taille du PIB. Ces statistiques montrent par contre le potentiel de développement du secteur à conditions d’activer certains leviers : réformes structurelles, discipline des marchés, solidité et capacité des acteurs à innover et toucher les populations à faibles revenus par la microassurance. En somme, il s’agira d’une combinaison dynamique de plusieurs leviers et le digital en est une clé.
Ne pensez-vous pas que l’environnement sécuritaire préoccupant qui prévaut dans de nombreux pays africains, et notamment ceux du Sahel, pourrait compromettre le potentiel de développement du secteur, dans cette région ?
Lorsqu’on fait le lien entre le développement économique et l’assurance, on a la réponse à votre question. Toute crise qui a un impact sur l’économie met le secteur de l’assurance en difficulté. Les compagnies doivent s’adapter en permanence pour continuer de soutenir l’économie dans les pays à fort défi sécuritaire. C’est dans ce cadre qu’elles recherchent de la capacité auprès des réassureurs sur les risques PVT pour protéger les investissements dans un contexte difficile. L’insécurité crée des besoins nouveaux certes, mais la nature du péril fait que le risque et les primes sont transférés afin de protéger le portefeuille des compagnies locales. Dans le même temps on observe un rétrécissement sur certaines branches pour les risques classiques dans ces pays.
Avec Business Africa