L’Afrique détient près de 30% des réserves mondiales de minéraux critiques – lithium, cobalt, nickel, manganèse – indispensables aux technologies du futur, notamment les batteries électriques et les énergies renouvelables. Pourtant, le continent ne capte qu’une infime partie de la valeur générée par ces ressources, la majorité étant exportée à l’état brut. Pourquoi l’Afrique peine-t-elle à tirer profit de cette manne, alors que la demande mondiale explose ?
Cette contradiction a été au cœur des discussions lors de l’African Mining Indaba 2025, à Cape Town, en Afrique du Sud. Kanayo Awani, vice-présidente exécutive d’Afreximbank, a dénoncé ce qu’elle appelle un « paradoxe des ressources » :
« Notre continent regorge de ressources stratégiques, mais leurs bénéfices s’évaporent au-delà de nos frontières, laissant nos économies fragiles et dépendantes ».
Si l’enjeu est largement reconnu, sa résolution passe par des investissements massifs, une volonté politique forte et un cadre réglementaire favorable à la transformation locale. L’exportation brute des matières premières maintient l’Afrique en bas de l’échelle des chaînes de valeur mondiales. Les pays producteurs perçoivent des revenus miniers, mais ceux-ci restent insuffisants pour impulser un réel développement industriel.
Les freins sont nombreux : un déficit d’infrastructures (énergie, routes, ports) limite l’installation d’industries de transformation, tandis qu’un accès limité au financement empêche les entreprises locales de s’imposer face aux multinationales. Par ailleurs, des cadres réglementaires instables rendent les investissements risqués et freinent l’essor d’un tissu industriel local. Ces défis expliquent pourquoi seuls quelques pays africains ont réussi à industrialiser une partie de leur production minière.
Certaines nations ont pourtant amorcé un virage vers une meilleure valorisation de leurs ressources. Le Botswana a imposé que ses diamants soient taillés et polis localement, augmentant ainsi les revenus et créant des emplois qualifiés. L’Afrique du Sud a développé une industrie autour des métaux du groupe du platine, cruciaux pour la transition énergétique. La Namibie a interdit l’exportation de lithium brut, obligeant ainsi les entreprises à investir dans des unités de transformation locales. Mais ces exemples restent rares. À l’inverse, des pays comme la RDC ou la Guinée, pourtant riches en cobalt et en bauxite, peinent encore à développer une industrie locale en raison de contraintes logistiques et d’une forte dépendance aux multinationales étrangères.
Consciente de ces défis, Afreximbank finance plusieurs initiatives pour encourager la transformation locale des minéraux critiques. L’un des projets phares est le Fonds d’ajustement de 10 milliards de dollars de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), destiné à compenser les pertes de recettes douanières des États et à soutenir les infrastructures industrielles. Autre initiative d’envergure : le partenariat RDC-Zambie visant à produire des batteries électriques en Afrique. Si ce projet aboutit, ces deux pays pourraient devenir des hubs de production stratégiques pour l’industrie mondiale des véhicules électriques, captant ainsi une partie significative de la chaîne de valeur.
Si le potentiel est immense, il ne pourra être pleinement exploité sans une volonté politique forte. Les gouvernements africains doivent adopter des stratégies industrielles cohérentes, inspirées des réussites du Botswana ou du Ghana, en instaurant des politiques fiscales et douanières incitatives pour encourager les industries locales, en sécurisant l’approvisionnement en énergie pour garantir des coûts de production compétitifs et en favorisant des partenariats publics-privés pour attirer des investissements long terme.
L’Afrique dispose d’une opportunité historique pour briser le cycle de la dépendance et transformer ses richesses minières en un véritable levier de développement. Mais le temps presse : si elle ne structure pas rapidement son industrie, elle risque de rester spectatrice de l’essor mondial des technologies basées sur ses propres ressources.
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