Le Nigéria, géant pétrolier d’Afrique, est en ébullition. Pas à cause d’une pénurie, mais d’un conflit entre deux groupes qui vendent l’essence : IPMAN et PETROAN. Au centre de cette bataille ? Aliko Dangote, l’homme le plus riche du continent, et sa méga-raffinerie. Voici pourquoi ça chauffe.
Un pays accro au pétrole
Le Nigéria produit du brut, mais pendant des décennies, il a importé son carburant. Absurde ? Oui, jusqu’à l’arrivée de la raffinerie Dangote en 2024, capable de produire 650 000 barils par jour. Fini les importations, place à l’autosuffisance. Mais ce rêve a un prix : une guerre économique entre ceux qui distribuent l’essence.
IPMAN contre PETROAN : le choc des visions
D’un côté, IPMAN, l’Association indépendante des commerçants de produits pétroliers. Ses 30 000 membres gèrent des milliers de stations-service. Ils veulent un marché libre, où les prix fluctuent selon l’offre et la demande. De l’autre, PETROAN, qui regroupe les propriétaires de points de vente. Eux réclament une pause : des prix fixes pendant six mois pour éviter les pertes.
Pourquoi ce désaccord ? Tout a commencé avec des baisses de prix brutales. La raffinerie Dangote a réduit le litre d’essence de 890 à 815 nairas (environ 0,50 dollar). La Nigerian National Petroleum Company (NNPC) a suivi, descendant à 860 nairas dans certaines stations. Résultat : les automobilistes jubilent, mais les détaillants de PETROAN pleurent. Leurs stocks, achetés plus cher, ne se vendent plus.
Dangote, l’homme qui change la donne
Aliko Dangote, magnat du ciment devenu roi du pétrole, est le déclencheur involontaire de cette tempête. Sa raffinerie, la plus grande d’Afrique, veut conquérir le marché local et régional. En cassant les prix, il force la concurrence à s’adapter.
IPMAN applaudit. En effet, l’organisation considère que la dérégulation doit bénéficier aux consommateurs. Pour PETROAN, par contre, il s’agit d’une instabilité qui tue leurs affaires. « La révision soudaine des prix à la baisse a entraîné des pertes massives, les négociants concernés comptant des milliards de nairas de pertes », déplore Joseph Obele, porte-parole de PETROAN.
Un marché en pleine mutation
Le Nigéria vit une révolution. Le Petroleum Industry Act, adopté en 2021, a dérégulé le secteur, supprimant les subventions sur l’essence. Les prix devraient logiquement baisser avec Dangote et NNPC en lice. Mais pour PETROAN, cette liberté est un piège. Ils craignent que Dangote, allié à NNPC, ne devienne un monopole écrasant les petits acteurs.
Et après ?
Le gouvernement observe, silencieux. Les Nigérians, eux, profitent de carburant moins cher – pour l’instant. Mais cette guerre des prix pourrait redessiner l’économie d’un pays où l’essence touche tout : du transport à l’inflation. IPMAN rêve de concurrence pure. PETROAN veut un filet de sécurité. Et Dangote ? Il avance, imperturbable, vers son empire pétrolier.
Une chose est sûre : au Nigeria, le carburant n’est pas qu’un produit. C’est un champ de bataille.