Crise minière au Mali : Le groupe canadien Barrick Gold plie bagage, l’État durcit le ton

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Les autorités maliennes réclament des arriérés d’impôts à l’entreprise, qui conteste l’application rétroactive du nouveau code minier adopté en 2024. Une situation qui illustre les tensions croissantes entre l’État et les grandes compagnies opérant dans le secteur aurifère.

Le 15 avril 2025, les bureaux du groupe minier canadien Barrick Gold ont été fermés à Bamako, à l’initiative des services fiscaux maliens qui évoquent un « non-paiement d’impôts ». Cette mesure marque une nouvelle étape dans un bras de fer engagé depuis plusieurs mois entre l’entreprise et les autorités maliennes, autour du complexe aurifère de Loulo-Gounkoto, situé à l’ouest du pays.

Ce gisement stratégique, détenu à 80% par Barrick Gold et à 20% par l’État malien, est l’un des plus importants d’Afrique. Il représente à lui seul une part significative de la production d’or du Mali, qui reste le troisième producteur du continent après l’Afrique du Sud et le Ghana.

C’est au nom de la « souveraineté économique » que Bamako a adopté en 2024 un nouveau code minier, renforçant la participation de l’État et durcissant les exigences fiscales à l’égard des opérateurs. Depuis, plusieurs grandes compagnies minières sont en discussions avec le gouvernement concernant les modalités d’application de ce texte. Selon l’AFP, les autorités réclameraient à Barrick Gold plusieurs centaines de millions de dollars d’arriérés, calculés sur la base des nouvelles règles fiscales.

Dans un communiqué publié à la suite de la fermeture de ses bureaux, le groupe canadien déplore que « certains services de l’État aient aggravé la situation en menaçant de placer la mine de Loulo-Gounkoto sous administration provisoire ». Barrick Gold estime que le nouveau code est appliqué de manière quasi rétroactive, ce qui serait contraire aux engagements antérieurs. Une position que partage un conseiller au ministère malien des Mines, cité par l’AFP, qui reconnaît que « les discussions achoppent sur ce point précis ».

La tension entre les deux parties s’est accentuée depuis janvier, lorsque trois tonnes d’or ont été saisies sur le site de Loulo-Gounkoto. Depuis cet épisode, les opérations d’exportation sont à l’arrêt, ce qui pèse sur les revenus du groupe. Par ailleurs, quatre employés maliens de l’entreprise sont détenus depuis novembre 2024, dans le cadre d’une enquête ouverte par les autorités. Ces dernières ont émis en décembre des mandats d’arrêt nationaux à l’encontre du PDG sud-africain de Barrick Gold, Mark Bristow, et du directeur général malien du complexe, les soupçonnant de « blanchiment de capitaux ».

Malgré cette situation tendue, Barrick Gold affirme, dans un communiqué relayé par l’AFP, qu’un accord avait été « négocié et accepté par le ministère de l’Économie et des Finances en février 2025, sous réserve de sa signature par le gouvernement ». Le groupe indique avoir déjà versé 85 millions de dollars à l’État malien en octobre 2024, dans le cadre de ces discussions.

Mais l’issue semble incertaine. Selon une source proche de Barrick, également citée par l’AFP, « l’État malien continue de durcir sa position en réclamant désormais des frais de justice estimés à plus de 15 milliards FCFA, soit environ 23 millions d’euros ». La même source évoque également des accusations de comptes offshores, autorisés par la législation mais qui alimenteraient la méfiance des autorités.

Face à ces blocages, l’entreprise dit continuer à privilégier la négociation, tout en se réservant le droit de recourir à l’arbitrage international. « Nous recherchons une solution constructive, mais nous n’excluons pas d’utiliser toutes les voies de droit à notre disposition », a déclaré le groupe.

Le cas de Barrick Gold illustre une reconfiguration en cours du secteur minier malien. Alors que l’or représente plus de 70% des recettes d’exportation du pays, les autorités cherchent à en maximiser les retombées pour le budget national. Une volonté qui, selon plusieurs observateurs, pourrait redessiner le rapport de force entre l’État et les grandes compagnies minières dans les mois à venir.

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