
Maputo s’impose comme une nouvelle porte d’entrée stratégique pour l’Afrique australe
Alors que les grands ports sud-africains, tels que Durban, souffrent de congestion chronique, le port de Maputo se fraye une place grandissante sur la carte logistique de l’Afrique australe. Le 30 avril dernier, le géant portuaire DP World a officiellement lancé les travaux d’extension de son terminal à conteneurs dans la capitale mozambicaine, avec un investissement de 165 millions de dollars. Objectif affiché : doubler la capacité du site, moderniser ses infrastructures, et transformer Maputo en un hub logistique régional incontournable.
Un pari sur l’intégration régionale
L’ambition dépasse de loin la simple modernisation d’un port. Pour DP World, cette opération s’inscrit dans une stratégie globale de repositionnement des corridors commerciaux africains. Situé à un carrefour géographique desservant les économies enclavées du Zimbabwe, du Botswana et du nord de l’Afrique du Sud, Maputo bénéficie d’un positionnement stratégique rare, qui pourrait bousculer l’équilibre logistique régional.
Des infrastructures à la hauteur des ambitions
Techniquement, l’extension prévoit une augmentation de la capacité annuelle du terminal de 255 000 EVP à 530 000 EVP (équivalents vingt pieds), grâce à l’ajout de 6,48 hectares dans le parc à conteneurs. Le quai, lui, sera allongé à 650 mètres et son tirant d’eau porté à 16 mètres, permettant d’accueillir des navires post-Panamax de 366 mètres de long — une première pour le site.
Cette capacité nouvelle sera appuyée par l’acquisition de trois grues STS (ship-to-shore), de portiques RTG (rubber-tyred gantry), et par l’installation de plus de 700 prises pour conteneurs frigorifiques. De quoi faciliter les exportations agricoles et industrielles, tout en réduisant les coûts pour les chargeurs.
Vers une logistique 4.0
Mais l’innovation ne s’arrête pas aux équipements. DP World entend faire du port un modèle de logistique intelligente en Afrique. L’introduction de technologies de reconnaissance optique, la digitalisation du système communautaire portuaire (CCS), un système de réservation des véhicules (VBS) et une mise à niveau complète du Terminal Operating System (TOS) doivent permettre d’accélérer les opérations, d’améliorer la traçabilité et de limiter les risques de fraude documentaire.
Pour les autorités mozambicaines, l’enjeu est aussi de démontrer que le pays peut accueillir des investissements technologiques majeurs et se positionner comme un acteur crédible dans l’économie numérique appliquée au commerce.
Un levier pour l’économie mozambicaine
À plus grande échelle, ce projet pourrait marquer un tournant économique pour le Mozambique. En facilitant l’accès aux marchés internationaux pour les producteurs locaux, l’extension du terminal ouvre des perspectives concrètes pour les exportateurs agricoles, les industriels et les PME.
Des retombées sociales sont également attendues : plusieurs centaines d’emplois seront créés pendant la phase de construction, et davantage encore une fois les opérations intensifiées. DP World a d’ailleurs prévu la construction de nouvelles installations pour héberger son personnel, avec des engagements forts en matière de sécurité et de conditions de travail.
Enjeux géopolitiques et interrogations futures
Cependant, cette expansion ne va pas sans poser quelques questions. À mesure que DP World étend son empreinte en Afrique — après Dakar, Berbera, et maintenant Maputo — certains experts alertent sur les enjeux de souveraineté. Qui maîtrise demain les grandes portes d’entrée du continent ? Quel pouvoir de négociation reste-t-il aux États hôtes ?
Autre point d’attention : la transformation rapide du port s’accompagnera-t-elle d’une intégration réelle dans le tissu économique local, ou restera-t-elle une enclave moderne déconnectée de son environnement socio-économique immédiat ? Pour l’heure, peu d’éléments permettent d’en juger.
Maputo entre promesse et réalités
En injectant 165 millions de dollars dans le port de Maputo, DP World parie sur un futur où les infrastructures modernes seront la clé de la croissance africaine. Reste à voir si cette modernisation logistique profitera pleinement aux économies locales, ou si elle confortera une logique d’extractivisme logistique, centrée sur les exportations sans transformation.
Une chose est sûre : le port de Maputo est en train de changer de dimension. À lui maintenant de prouver qu’il peut devenir un modèle de développement portuaire inclusif et durable.