Économie : Vers un marché financier unique en Afrique ? Accra relance l’ambition

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À l’heure où les économies africaines peinent à tirer pleinement profit du commerce intra-continental, le Forum 3i Africa, ouvert ce jeudi à Accra, ambitionne de repositionner l’intégration financière comme un levier central du développement. Gouverneurs de banques centrales, ministres, experts économiques et acteurs du numérique s’y mobilisent autour d’une question stratégique : comment construire un marché financier panafricain intégré, efficace et inclusif ?

Les propos du gouverneur Dr. Johnson P. Asiama, exprimés à l’ouverture du Forum, ont permis de poser les bases de cette réflexion, en soulignant l’urgence d’accélérer la convergence financière sur le continent.

Une volonté de convergence continentale

L’idée d’un espace financier africain interconnecté n’est pas nouvelle. Elle est même inscrite dans les grandes orientations de l’Union africaine et renforcée par l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Pourtant, la fragmentation des systèmes financiers reste une réalité. Barrières réglementaires, monnaies multiples, hétérogénéité des infrastructures : autant d’obstacles qui freinent les échanges et limitent l’inclusion.

Dans ce contexte, le forum d’Accra se veut un tournant. Il met au cœur des débats la nécessité de passer d’une intégration commerciale à une véritable intégration financière, appuyée par l’innovation technologique.

Le rôle structurant de la fintech et du numérique

Ces dernières années, la dynamique numérique a ouvert de nouvelles perspectives. Partout sur le continent, les fintechs multiplient les solutions d’accès aux services financiers, y compris dans les zones rurales. Les paiements mobiles, les plateformes numériques de crédit ou d’épargne, et les premiers projets de portefeuilles numériques transfrontaliers montrent que les lignes bougent.

Cependant, cette effervescence reste largement dispersée. Chaque pays avance selon ses priorités et son propre cadre réglementaire. Le forum plaide donc pour une harmonisation à l’échelle africaine : créer un environnement où les solutions puissent circuler librement entre pays, sans obstacles techniques ou juridiques.

Une ambition : l’interopérabilité à l’échelle du continent

Pour passer de l’expérimentation à la consolidation, les décideurs présents à Accra appellent à une coopération renforcée. L’objectif est de bâtir des infrastructures communes, de standardiser les normes et d’encourager des régulations compatibles. L’interopérabilité des systèmes de paiement, la reconnaissance mutuelle des acteurs financiers, ou encore l’encadrement des actifs numériques sont autant de chantiers à engager.

Des projets pilotes existent déjà, à l’initiative de certaines banques centrales. Mais leur extension à l’échelle du continent pose la question du leadership, du financement, et surtout de la volonté politique des États à déléguer une partie de leur souveraineté monétaire ou réglementaire.

Des promesses à concrétiser

L’échéance fixée est ambitieuse : parvenir d’ici 2030 à un écosystème intégré, capable d’accueillir l’innovation, de protéger les usagers, et de stimuler le commerce. Mais cette ambition se heurte à plusieurs défis de taille. Il faudra mobiliser des investissements importants, moderniser les systèmes de supervision, et surtout instaurer un climat de confiance entre les différents régulateurs.

À cela s’ajoute une question de fond : l’Afrique est-elle prête à penser et construire une souveraineté financière collective, dans un contexte mondial encore marqué par des dépendances extérieures fortes ?

Un test pour la crédibilité continentale

Plus qu’un simple forum, 3i Africa se présente comme un révélateur. Révélateur des avancées possibles, mais aussi des limites de la coopération africaine. Car pour éviter que cette initiative ne reste un vœu pieux, elle devra aboutir à des engagements concrets, mesurables, et inscrits dans le temps.

Dans une Afrique en pleine transition démographique et numérique, l’intégration financière n’est plus une option : elle est une condition pour transformer le potentiel en prospérité. Reste à savoir si les engagements pris à Accra, et formulés notamment dans les remarques du gouverneur Dr. Johnson P. Asiama, sauront résister à l’épreuve des faits.

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