La République démocratique du Congo (RDC) vient de franchir une étape déterminante dans sa relation avec le Fonds monétaire international (FMI) en signant un accord technique portant sur la première revue de la Facilité élargie de crédit (FEC). Ce programme triennal, censé accompagner la stabilisation macroéconomique du pays et soutenir les réformes structurelles, intervient dans un contexte particulièrement délicat, marqué par une recrudescence des violences armées dans l’est du pays. Cette signature illustre à la fois la confiance des partenaires internationaux dans le potentiel économique congolais et la complexité des défis auxquels le pays doit faire face.
Une croissance économique dynamique mais menacée
Avec une croissance estimée à 6,5% du PIB en 2024, la RDC affiche des résultats économiques encourageants, essentiellement portés par le secteur minier et l’exploitation des ressources naturelles. Cette performance, supérieure à la moyenne régionale, devrait se maintenir au-dessus de 5% en 2025. Cependant, derrière ces chiffres se cache une réalité beaucoup plus fragile. La persistance des conflits dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu exerce une pression croissante sur les finances publiques, compromettant la capacité du gouvernement à canaliser les ressources vers des investissements productifs.
La sécurisation des zones instables impose des dépenses supplémentaires considérables. En particulier, le doublement des salaires des forces armées, destiné à renforcer leur moral et leur efficacité, a creusé le déficit budgétaire qui devrait atteindre plus de 5% du PIB, largement au-delà des cibles initialement fixées. Cette dérive met à rude épreuve l’équilibre budgétaire et risque d’éroder la confiance des investisseurs et des bailleurs de fonds.
Réajustements budgétaires pour préserver la stabilité
Confrontées à ces contraintes, les autorités congolaises ont dû adapter leur programme économique appuyé par le FMI. Le recalibrage en cours vise à concilier impératifs sécuritaires et discipline budgétaire. Parmi les mesures phares figure la suppression temporaire de certaines taxes sur les produits alimentaires de base, une décision sociale forte destinée à protéger le pouvoir d’achat des populations souvent les plus vulnérables. Cette initiative, si elle est socialement nécessaire, entraîne toutefois une baisse des recettes fiscales qui complique davantage la gestion financière de l’État.
Pour compenser cette perte, la RDC mise sur une intensification de la mobilisation des ressources internes. Les réformes en cours ciblent notamment la modernisation de la gestion fiscale, la lutte renforcée contre la fraude douanière et la rationalisation des dépenses publiques, en réduisant notamment les coûts de fonctionnement des administrations. Ces mesures sont cruciales pour redresser la trajectoire budgétaire sans freiner la croissance économique.
Des réformes structurelles au cœur de la stratégie
Au-delà des ajustements immédiats, la RDC avance dans des réformes structurelles clés visant à renforcer la transparence et l’efficacité de la gestion publique. La mise en place d’un compte unique du Trésor et la décentralisation progressive des autorisations de dépenses vers les ministères sectoriels représentent des innovations majeures pour améliorer le contrôle et la traçabilité des flux financiers. Par ailleurs, des mécanismes sont déployés pour protéger les finances publiques des fluctuations volatiles des revenus issus du secteur minier, un pilier fondamental de l’économie congolaise.
La gouvernance du secteur extractif, point névralgique de la richesse nationale, est également au centre des priorités. Le gouvernement s’engage à intensifier la lutte contre la corruption et à optimiser la gestion des investissements publics pour garantir une croissance plus inclusive et durable.
Vers une transition économique verte et résiliente
Conscient des enjeux mondiaux, le FMI encourage en parallèle la RDC à intégrer des mesures renforçant la résilience aux chocs climatiques. Cette dimension environnementale, qui sera au cœur de la prochaine revue du programme, marque un tournant vers une économie bas carbone. L’enjeu est de préparer le pays à relever les défis climatiques tout en assurant un développement économique durable, en phase avec les engagements internationaux.
Un avenir incertain mais porteur d’espoirs
Cet accord technique, qui doit encore être validé par le Conseil d’administration du FMI d’ici fin juin 2025, conditionnera la poursuite d’un soutien financier crucial pour la RDC. Toutefois, la réussite de ce programme dépendra largement de la capacité du gouvernement à maintenir le cap dans un contexte sécuritaire précaire et à accélérer les réformes structurelles, tout en mobilisant des financements concessionnels additionnels.
Si ces conditions sont réunies, la RDC pourra consolider les bases d’une reprise économique stable et poser les jalons d’un développement plus équitable et résilient. Néanmoins, le chemin reste semé d’embûches, et la fragilité de cette trajectoire impose une vigilance constante des autorités et des partenaires internationaux.