Confronté à une crise d’approvisionnement dans ses régions du Nord, le Mali rebat les cartes de sa dépendance énergétique en concluant un partenariat inédit avec le Niger. Une avancée politique et logistique qui témoigne de la montée en puissance de la coopération au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES).
Face aux perturbations persistantes dans l’approvisionnement en carburant de ses régions septentrionales, le Mali a franchi un pas important en signant, le 16 mai 2025 à Niamey, plusieurs protocoles d’accord avec le Niger. Cette initiative traduit une volonté affirmée de réorientation stratégique, visant à réduire la dépendance énergétique envers l’Algérie, jusqu’alors fournisseur majeur pour le nord du pays.
Depuis plusieurs mois, la fermeture de la frontière algérienne, combinée à la dégradation sécuritaire dans l’Azawad, a fortement perturbé l’arrivée de carburant dans les zones de Gao, Kidal et Tombouctou. Cette situation a engendré une flambée des prix sur les marchés locaux, accentué la pénurie, ralenti les activités commerciales et paralysé une partie du secteur du transport. Dans ce contexte tendu, Bamako a choisi de mobiliser une réponse diplomatique régionale en s’appuyant sur les liens renforcés au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), regroupant le Mali, le Niger et le Burkina Faso.
Durant deux jours, une délégation malienne conduite par des hauts responsables du secteur commercial et énergétique a mené des discussions à Niamey avec les autorités nigériennes. À l’issue de ces négociations, la Société nigérienne des produits pétroliers (SONIDEP), entreprise publique, a été désignée comme le nouvel acteur central dans l’approvisionnement du nord malien. Un premier accord a été trouvé concernant l’essence (super), tandis que les pourparlers se poursuivent en vue d’un arrangement similaire pour le diesel, indispensable au fonctionnement des groupes électrogènes, au transport lourd et à certaines activités extractives.
Ce rapprochement énergétique s’inscrit dans une dynamique politique plus large. Le ministre nigérien du Commerce, Abdoulaye Seydou, a déclaré considérer le nord du Mali comme la « neuvième région » du Niger, soulignant la volonté des deux pays d’inscrire leur coopération dans une logique de solidarité et d’intégration renforcée. Cette déclaration, hautement symbolique, illustre le repositionnement géopolitique des États membres de l’AES, qui entendent bâtir des solutions communes face aux défis sécuritaires, économiques et diplomatiques auxquels ils sont confrontés depuis leur retrait de la CEDEAO.
Au-delà des aspects logistiques, cet accord reflète une orientation vers des partenariats Sud-Sud, perçus comme plus durables et politiquement alignés. En misant sur la SONIDEP, les autorités maliennes espèrent établir un corridor sécurisé, contrôlé par les États membres de l’AES, afin de contourner les zones instables et garantir la continuité de l’approvisionnement.
Cependant, cette nouvelle donne ne se fera pas sans obstacles. Les routes reliant le Niger au nord du Mali traversent encore des territoires marqués par l’insécurité. La sécurisation de ces axes constitue un enjeu central pour la viabilité de l’accord. Par ailleurs, les capacités techniques et logistiques de la SONIDEP seront mises à l’épreuve si les volumes à fournir augmentent sensiblement dans les prochains mois. De même, le Mali devra renforcer ses infrastructures de stockage et de distribution, particulièrement dans les zones enclavées.
Cet accord pourrait, s’il est durablement mis en œuvre, poser les bases d’une coopération énergétique plus vaste au sein de l’AES. En diversifiant ses sources et en consolidant ses alliances régionales, le Mali amorce un virage stratégique vers une plus grande souveraineté énergétique. Le défi, désormais, sera de transformer cette volonté politique en résultats concrets sur le terrain, dans un environnement encore marqué par de nombreuses incertitudes.
