Croissance, dette, inclusion : les paris budgétaires de la Côte d’Ivoire jusqu’en 2028

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Croissance, dette, inclusion : les paris budgétaires de la Côte d’Ivoire jusqu’en 2028
Croissance, dette, inclusion : les paris budgétaires de la Côte d’Ivoire jusqu’en 2028

Le gouvernement ivoirien a adopté, le 21 mai 2025 en Conseil des ministres, le Document de Programmation Budgétaire et Économique Pluriannuelle (DPBEP) pour la période 2026-2028. Ce cadre stratégique fixe les grandes lignes de la politique budgétaire à moyen terme. Il vise à conjuguer croissance économique, inclusion sociale et soutenabilité des finances publiques dans un contexte économique mondial toujours incertain.

Un document de cadrage pour anticiper

Instrument de prévision budgétaire inscrit dans la réforme des finances publiques, le DPBEP permet à l’État d’ancrer ses choix économiques dans une logique pluriannuelle. Il sert de base à la préparation du projet de loi de finances 2026 et donne de la visibilité sur les priorités à venir. Dans un environnement caractérisé par des tensions géopolitiques, des fluctuations commerciales et les effets croissants du changement climatique, le gouvernement entend ainsi renforcer la résilience de l’économie nationale.

Une croissance projetée à 6,3% par an

Entre 2026 et 2028, l’exécutif prévoit une croissance moyenne du PIB de 6,3% par an. Cette dynamique repose sur la consolidation des investissements publics, le maintien de la stabilité macroéconomique, et la poursuite des réformes structurelles engagées ces dernières années. Si cet objectif reste ambitieux, il traduit la volonté de soutenir l’activité économique dans un contexte international plus volatil et d’assurer une trajectoire de développement robuste à moyen terme.

Cependant, la projection mérite d’être interrogée au regard des incertitudes persistantes, qu’il s’agisse des marchés extérieurs, des chocs climatiques ou de la stabilité régionale. La question de la soutenabilité reste donc centrale, tant pour la croissance que pour les équilibres financiers.

Priorités affichées : recettes domestiques, rationalisation et discipline budgétaire

Le triptyque du DPBEP repose sur trois piliers : renforcer la mobilisation des ressources intérieures, contenir les dépenses non prioritaires et limiter le recours à l’endettement. Le gouvernement entend ainsi élargir ses marges de manœuvre financières sans compromettre ses engagements sociaux.

Les projections montrent que les recettes intérieures devraient représenter 61,2% des ressources budgétaires, traduisant une volonté de moins dépendre du financement extérieur. Du côté des dépenses, les investissements publics sont mis en avant (42,5% des dépenses totales), devant les charges de personnel (24,9%) et le service de la dette (15%).

Cette configuration traduit un effort pour préserver la capacité d’investissement tout en maîtrisant les charges récurrentes. Reste à voir si les objectifs de rationalisation des dépenses seront effectivement tenus, notamment en période électorale ou face à d’éventuelles pressions sociales.

Un budget de l’État en croissance continue

Le document projette une augmentation progressive du budget de l’État sur la période. En 2026, il atteindrait 29,9 milliards de dollars (17 321 milliards FCFA), en hausse de 12,9% par rapport à 2025. Cette tendance se poursuivrait avec 32,1 milliards de dollars (18 599 MILLIARDS FCFA) en 2027 et 34,9 milliards de dollars (20 218 milliards FCFA) en 2028.

Si cette progression reflète une trajectoire de croissance soutenue, elle devra toutefois rester compatible avec les capacités de financement du pays et les règles de discipline budgétaire sous-régionales, notamment celles définies par l’UEMOA. Le niveau d’endettement et les pressions sur les finances publiques resteront donc des points de vigilance.

Inclusion sociale et durabilité environnementale en ligne de mire

Au-delà des équilibres macroéconomiques, le DPBEP met l’accent sur la dimension sociale de l’action publique. Le gouvernement réaffirme son engagement en faveur de la lutte contre la pauvreté, de la promotion du genre, de l’inclusion sociale et de l’adaptation au changement climatique.

Ce positionnement traduit une volonté d’aligner la politique budgétaire sur les Objectifs de développement durable (ODD), même si les mécanismes d’impact et d’évaluation de ces priorités restent encore à consolider. Il s’agit de faire de la dépense publique un levier de transformation sociale autant qu’un instrument de soutien à la croissance.

Un cadre évolutif à confirmer

Le gouvernement précise néanmoins que les chiffres du DPBEP sont encore indicatifs. Le contexte mondial reste marqué par une forte instabilité, et des ajustements sont susceptibles d’intervenir d’ici la présentation du projet de loi de finances 2026. Le document constitue donc une feuille de route évolutive, à affiner en fonction des chocs économiques, des orientations régionales et des priorités nationales à venir.

En résumé, le DPBEP 2026-2028 vise à concilier ambition économique et rigueur budgétaire. Il trace une trajectoire claire, mais reste conditionné à un environnement externe volatil et à une capacité interne de mise en œuvre. Plus qu’un simple exercice de planification, il engage l’État à transformer ces projections en résultats tangibles pour la population.