Les États-Unis tentent une médiation audacieuse entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. En toile de fond : une guerre larvée à l’Est du Congo, des soupçons de soutien rwandais au groupe armé M23, et une bataille géoéconomique mondiale autour des minerais stratégiques.
Selon Reuters (20 mai 2025), Washington mène depuis plusieurs semaines des pourparlers de paix entre Kinshasa et Kigali. L’objectif ? Parvenir à un accord qui permettrait, pour la première fois, de légaliser le raffinage au Rwanda de minerais congolais extraits artisanalement : étain, tungstène et tantale, plus connus sous le nom des “3T”.
L’économie derrière la paix
Pour Washington, cette initiative répond à une double urgence : contenir une crise régionale qui menace de s’enliser, et sécuriser un accès occidental à des ressources critiques, actuellement dominées par la Chine. Les “3T” sont au cœur de l’industrie numérique et énergétique mondiale. Or, une bonne partie des réserves exploitables se trouve dans les provinces orientales de la RDC, dans des zones instables et difficilement contrôlées par l’État congolais.
D’après Reuters (6 mai 2025), les États-Unis redoublent d’efforts pour développer des chaînes d’approvisionnement transparentes et non-chinoises en Afrique. En facilitant une coopération formalisée entre la RDC et le Rwanda, l’administration américaine veut ainsi instaurer une filière “propre” et traçable, depuis les mines artisanales jusqu’au raffinage industriel, grâce à des investissements privés occidentaux.
Une tentative fragile de normalisation
Mais l’enjeu dépasse l’économie. Le projet de paix actuellement en discussion — soumis début mai par les deux pays, selon Reuters (5 mai 2025) — prévoit un cadre de coopération inédit. Kinshasa, de son côté, pose des conditions strictes : retrait des troupes rwandaises du territoire congolais, reconnaissance de sa souveraineté, fin du soutien présumé au M23.
Pour Kigali, la légalisation de l’importation et du traitement des minerais congolais représente une opportunité de formaliser un secteur jusqu’ici informel et sujet aux accusations de pillage. Cela pourrait également attirer de nouveaux capitaux étrangers et renforcer son positionnement régional dans le raffinage des minerais.
L’échec de 2022 en mémoire
Cependant, la défiance reste forte. Un accord similaire avait échoué en 2022. La RDC accuse régulièrement le Rwanda de déstabiliser l’Est congolais par des groupes armés interposés. De son côté, Kigali se dit injustement ciblé. Dans ce climat, chaque proposition doit être minutieusement négociée.
Le succès des pourparlers dépendra de garanties concrètes : mécanismes de contrôle, certification des minerais, implication d’organismes tiers. En filigrane, Washington cherche à montrer qu’un modèle africain de coopération économique régionale est possible — à condition que les questions de sécurité et de souveraineté soient sérieusement traitées.
Une négociation sous surveillance internationale
Les partenaires occidentaux suivent de près ces négociations, conscients des enjeux. Un échec serait un revers pour la diplomatie américaine et un signal inquiétant sur la capacité de l’Afrique centrale à dépasser ses conflits endémiques par la voie économique.
Mais un succès pourrait transformer la donne : ouvrir une nouvelle ère de coopération entre voisins longtemps ennemis, offrir une alternative crédible à l’hégémonie chinoise sur les métaux critiques, et — surtout — donner aux populations locales une part plus équitable des richesses extraites de leur sol.