L’économie ghanéenne semble reprendre des couleurs. C’est ce que révèle la 124e réunion du Comité de politique monétaire (CPM) de la Banque du Ghana, tenue en mai 2025. L’institution monétaire a dévoilé un tableau encourageant, mais encore traversé par des fragilités persistantes. Inflation en recul, excédent commercial, cedi en renforcement… Les signaux positifs sont là. Mais leur durabilité reste suspendue à plusieurs défis internes et externes.
Inflation en baisse, mais toujours élevée
Le premier indicateur encourageant vient du front de l’inflation. Elle est passée de 22,4% en mars à 21,2% en avril 2025. C’est la quatrième baisse mensuelle consécutive. « Le Comité note que la tendance désinflationniste reste intacte, malgré les chocs récents sur les prix », indique le communiqué officiel.
La Banque du Ghana reste néanmoins prudente. L’objectif d’inflation — fixé à 8% avec une marge de tolérance entre 6% et 10% — est encore lointain. Mais la Banque espère le retrouver « au premier trimestre 2026, à condition que les chocs restent contenus », précise le gouverneur Ernest Addison.
Le cedi reprend de la vigueur
Autre bonne nouvelle : la monnaie nationale, le cedi, s’est considérablement appréciée. Entre janvier et mai 2025, il a gagné 24,1% face au dollar, 16,2% contre la livre sterling et 14,1% par rapport à l’euro. Une performance que la Banque attribue à une combinaison de facteurs : « politique monétaire rigoureuse, consolidation budgétaire, accumulation de réserves et discipline sur le marché des changes. »
Cette stabilité du cedi est un levier important pour contenir l’inflation importée et améliorer la confiance des investisseurs.
Excédent commercial record et réserves en hausse
Le pays a également affiché un excédent du compte courant de 2,1 milliards de dollars au premier trimestre 2025. Les exportations — notamment de cacao, d’or et de pétrole brut — ont bénéficié de cours favorables. Les envois de fonds de la diaspora sont aussi restés solides.
Conséquence directe : les réserves internationales brutes ont atteint 10,7 milliards de dollars en avril, couvrant 4,7 mois d’importations. Une première depuis des années. Cela permet à la Banque de renforcer sa capacité d’intervention sur le marché des devises en cas de turbulence.
Taux directeur maintenu à 28% : une arme à double tranchant
Pour contenir l’inflation, la Banque du Ghana a décidé de maintenir son taux directeur à 28%. Cette décision prolonge le cycle de resserrement monétaire engagé depuis 2022. « Le niveau élevé du taux directeur est nécessaire pour ancrer les anticipations d’inflation et assurer la stabilité des prix », explique la Banque.
Mais cette stratégie a un coût. Le crédit devient plus cher pour les ménages et les entreprises. Cela pourrait freiner la consommation et l’investissement, et donc ralentir la croissance.
Une nouvelle règle prudentielle pour stabiliser la monnaie
À partir du 5 juin 2025, une nouvelle mesure entre en vigueur : les banques devront constituer davantage de réserves obligatoires. Objectif : réduire la pression sur le cedi. Mais ce resserrement des liquidités pourrait réduire la capacité de prêt des banques, surtout envers les PME, et peser sur l’économie réelle.
Une discipline budgétaire encore fragile
Sur le plan des finances publiques, le gouvernement fait des efforts. Les dépenses ont été contenues malgré des recettes inférieures aux prévisions. Le solde primaire s’est amélioré.
La dette publique, elle, a légèrement reculé : 769,4 milliards de cédis (55% du PIB) fin mars, contre 726,7 milliards (61,8%) fin décembre 2024. Mais cette baisse s’explique en partie par l’appréciation du cedi et non une réduction structurelle du déficit.
Une reprise à surveiller de près
Le redressement de l’économie ghanéenne est indéniable. Mais il repose encore sur des équilibres fragiles. Le retour à une inflation maîtrisée dépendra du maintien d’une politique monétaire stricte et d’une gestion budgétaire rigoureuse.
La Banque du Ghana reste vigilante. « Le Comité surveillera de près les risques, notamment la politique budgétaire, les conditions monétaires mondiales et l’impact du marché des changes, afin de prendre des décisions appropriées à l’avenir », conclut-elle.
Conclusion : Le Ghana sort lentement de la zone de turbulences, mais la météo économique reste instable. Pour transformer l’embellie en reprise durable, l’État devra arbitrer finement entre stabilité macroéconomique et relance de la croissance.