Le Kenya rejette un bureau du Somaliland : tensions et enjeux économiques dans la Corne de l’Afrique

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Le Kenya rejette un bureau du Somaliland : tensions et enjeux économiques dans la Corne de l’Afrique
Le Kenya rejette un bureau du Somaliland : tensions et enjeux économiques dans la Corne de l’Afrique

« Le Kenya maintient et réaffirme respectueusement sa reconnaissance inébranlable de la République fédérale de Somalie comme un État souverain. » C’est par cette déclaration que le ministère kenyan des Affaires étrangères et de la Diaspora a officiellement refroidi les espoirs du Somaliland d’ouvrir un bureau de liaison à Nairobi. Dans un communiqué adressé directement au Bureau de liaison du Somaliland, le gouvernement précise que l’événement prévu pour le 27 mai 2025 n’a pas reçu l’aval nécessaire. « Un bureau diplomatique de cette nature par la République du Kenya ne peut être autorisé à procéder, » insiste le document.

Cette décision s’inscrit dans un contexte diplomatique délicat. Depuis sa déclaration unilatérale d’indépendance en 1991, le Somaliland cherche à obtenir une reconnaissance internationale, sans succès jusqu’à présent. De son côté, Mogadiscio continue de revendiquer sa souveraineté sur ce territoire. En réaffirmant son appui à la Somalie, le Kenya évite ainsi de se mettre à dos un partenaire déjà difficile, avec qui les relations ont connu plusieurs épisodes de tension — notamment à propos d’un litige maritime et d’accusations d’ingérence dans la région semi-autonome du Jubaland.

Cependant, derrière ce rejet diplomatique, les relations entre Nairobi et Hargeisa ne sont pas complètement rompues. Le même communiqué nuance : « Le Kenya apprécie ses relations avec Somaliland et d’autres gouvernements régionaux, qui visent à promouvoir la paix, la sécurité, le commerce et les investissements dans la région. » Autrement dit, Nairobi cherche à maintenir un dialogue avec le Somaliland, sans pour autant reconnaître officiellement son indépendance. Une position ambivalente, dictée en grande partie par les enjeux économiques dans la Corne de l’Afrique.

En effet, cette région est devenue un carrefour stratégique pour le commerce maritime. Le port de Berbera, au Somaliland, suscite un intérêt croissant, notamment de la part de l’Éthiopie qui a signé en 2024 un accord controversé pour y obtenir un accès. Cet accord a été perçu à Mogadiscio comme une violation de son intégrité territoriale, aggravant encore les tensions régionales. Pour Nairobi, il s’agit donc d’un jeu d’équilibre entre ses intérêts économiques et ses engagements diplomatiques.

Cette instabilité a des répercussions directes sur l’économie régionale. Alors que la Somalie reste fragilisée par l’insurrection d’Al-Shabaab et par des crises humanitaires chroniques, le Somaliland apparaît comme un îlot de stabilité, capable d’attirer des partenaires. Mais son statut non reconnu reste un frein pour de nombreux investisseurs. Le Kenya, frontalier de la Somalie, redoute que la moindre escalade ne profite aux groupes extrémistes, compromettant ainsi la sécurité dans toute la région et perturbant les échanges commerciaux dont Nairobi dépend fortement.

Sur les réseaux sociaux, les réactions sont partagées. Certains saluent l’opportunité manquée de renforcer les relations avec le Somaliland, tandis que d’autres pointent du doigt l’ambiguïté du gouvernement kenyan. Nairobi, souvent perçu comme un moteur économique de la région, semble pris entre deux feux.

Malgré tout, le Kenya ne ferme pas complètement la porte. « Le gouvernement du Kenya, par le biais d’un dialogue soutenu avec le gouvernement fédéral de Somalie, est prêt à soutenir ces efforts pour renforcer la coopération, » ajoute le communiqué. Reste que cette approche prudente pourrait ralentir les projets d’intégration régionale, comme les corridors de transport reliant le Kenya, la Somalie et l’Éthiopie via le Somaliland. Pour les entreprises, cette incertitude représente un risque difficile à ignorer.

En définitive, la position kenyane illustre les dilemmes diplomatiques auxquels sont confrontés les pays de la Corne de l’Afrique. Chercher à ménager la Somalie tout en gardant une porte ouverte au Somaliland est un exercice d’équilibrisme. Les prochains mois seront déterminants pour savoir si cette stratégie permet de préserver la stabilité tout en assurant les intérêts économiques de la région.

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